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Rencontre : « Hommage à Fatima Mernissi » (dimanche 19 février, 11 h 15 – 12 h 15) au Maghreb des Livres 2017

 avec Maati KABBAL et Feriel LALAMI (Rencontre modérée par Nadia AGSOUS)

Sur l’écran devant nous, une photo de Fatima Mernissi, très belle et vêtue d’un drapé splendide.

Fatima  Mernissi (1940-2015) Sociologue, écrivaine, féministe marocaine.

Grâce à une relecture attentive du Coran, des hadiths et de l’histoire, elle montre que le rôle prépondérant du patriarcat dans le monde arabe n’est pas inscrit dans l’Islam ; que le message initial de l’Islam a été dévoyé par l’entourage du prophète et que son message égalitaire a été progressivement effacé dans la loi islamique qui s’est mise en place (voir en particulier Le Harem politique : le prophète et les femmes, Albin Michel, 1987). Ce faisant, elle fonde les mouvements de féministes islamiques contre lesquelles s’élèvent les islamistes conservateurs et les États qui se réclament aussi de la légitimité religieuse. Elle s’empare du domaine du savoir religieux, jusque là exclusivement masculin.

Elle joue ainsi un rôle déterminant dans le développement du féminisme en Algérie, au Maghreb et dans tout le monde arabe. Elle est à la fois moteur et historienne de ce développement. Elle est en butte aux attaques de certaines féministes révolutionnaires qui la considèrent comme une bourgeoise conservatrice.

En tant qu’enseignante de sociologie à l’Université Mohammed V de Rabat, elle se heurte à la fois aux marxistes et aux Égyptiens venus arabiser l’enseignement ; mais elle forme ses étudiants aux enquêtes de terrain (c’est sa marque spécifique). Elle fonde des « caravanes civiques » qui vont à la rencontre des femmes et des jeunes – de manière à donner voix à la réalité, à la rue. Dans un but analogue, elle lance des ateliers d’écriture avec les journalistes marocaines (voir Génération Dialogue, Marsam, 2012).

Elle prend à bras le corps les deux thèmes tabous que sont la sexualité et la religion (voir Sexe, idéologie, islam, Tierce, 1983). Et, ce faisant, elle met en exergue le côté lumineux de l’Islam. Elle dénonce l’imaginaire occidental de la femme arabe lascive, dont le corps est érotisé et passif et elle révolutionne la représentation et l’imaginaire arabo-musulman de la femme.

Lectures d’extraits de son roman Rêves de femmes : Une enfance au harem (1996) « harem » n’a pas ici son sens orientaliste mais devient une métaphore de l’enfermement.  Pour F. Mernissi, il faut fracturer les portes dans tous les harems, y compris ceux qui enferment les femmes occidentales dans les diktats de la mode, de la publicité, de la pornographie.

Cette rencontre, marquée par la force de conviction des trois protagonistes, a permis aux auditeurs qui, comme moi, ne connaissaient pas Fatima Mernissi, de découvrir la vie, la pensée et l’œuvre de cette intellectuelle, engagée infatigablement pour la cause des femmes. Faire ressortir son courage et le rayonnement de sa pensée et de son action, bien au-delà du Maroc, a constitué le meilleur hommage qui soit à cette grande dame. (Agnès Spiquel)