Au Maghreb des livres 2016, organisé par Coup de Soleil, avec l’Hôtel de ville de Paris

COMPTE-RENDU DU CAFE LITTERAIRE, « DIRE NON ! »

Yves Chemla, organisateur des Cafés littéraires au Maghreb des livres 2016

Yves Chemla, organisateur des Cafés littéraires au Maghreb des livres 2016

Cette thématique fait référence, annonce Yves Chemla, à l’ouvrage d’ Ahmadou Kourouma , « Quand on refuse, on dit non ! » Plus récemment, nous pensons au travail d’Edwy Plenel, « Dire non !

Aujourd’hui, cinq auteurs sont réunis autour de ce thème : Nordine IDIR, Nadia HATHROUBI-SAFSAF, Chochana BOUHKOBZA, Pierre-Jean LE FOLL-LUCIANI et Abdelhak SERHANE.

– « Palestine-France. Quand les jeunes résistent.  » de Nordine IDIR et Salah Hamouri.

Salah Hamouri est ce jeune franco-palestinien qui avait été condamné en 2005 par un tribunal israélien à 7 ans de prison pour “présomption d’intention” terroriste. Bien que Nicolas Sarkozy ait annoncé pendant sa campagne électorale qu’il libèrerait tous les Français prisonniers à l’étranger, sa famille n’a jamais pu être reçue à l’Elysée. D’où la mobilisation d’un collectif citoyen pour sa libération et en particulier de l’association France Palestine et des Jeunesses communistes. Sa libération a finalement lieu fin 2011 dans le cadre de l’échange avec Gilat Shalit. Ce dialogue porte donc sur la situation actuelle de la Palestine et les conditions de détention des prisonniers politiques en Israël. L’ouvrage veut aussi témoigner de la mobilisation à laquelle sa détention a donné lieu et laisser une trace de ce combat.

– Nadia HATHROUBI-SAFSAF présente son ouvrage « Ce sont nos frères et leurs enfants sont nos enfants ». Ce roman sur la recherche identitaire d’une jeune française d’origine algérienne est construit sur des allers retours entre plusieurs époques (la Rafle du Vel d’Hiv, la répression de la manifestation d’octobre 1961 et la situation actuelle à Jérusalem) et plusieurs lieux (France, Israël.). Son écriture est partie de la découverte d’un tract de 1941 d’une association d’immigrés Kabyles appelant à soutenir la population juive au lendemain de la rafle du Vel’ d’Hiv. L’auteur veut dans cet ouvrage faire oeuvre de mémoire et se démarquer de tout manichéisme. Dans une actualité qui met en exergue les oppositions identitaires et religieuses ce livre arrive à point nommé en rappelant la proximité et la solidarité qui a pu exister entre communautés musulmane et séfarade d’Algérie.

Chochana BOUHKOBZA a été sollicitée pour écrire cet ouvrage retraçant l’histoire bouleversante de Guy Brun. Confié lors de la 2nde guerre mondiale à la directrice d’une crèche grenobloise ainsi que deux autres enfants juifs autrichiens, il consacre sa vie à la recherche de ses parents. De plus il vit de l’intérieur l’affaire Finaly, celle des deux autres enfants dont s’occupe sa tutrice. Leurs parents sont morts en camp de concentration mais dès 1945 ils sont réclamés par des parents proches. Leur tutrice refuse de les rendre et les fait baptiser en 1948 pour s’appuyer ensuite sur leur « catholicité » pour justifier son acte. Rendue publique, l’affaire implique jusqu’aux plus hautes autorités religieuses et gouvernementales. Elle ne se dénoue qu’au bout de 8 ans suite à de multiples actions judiciaires et détériore de façon durable les relations entre les autorités religieuses juives et catholiques. Quant à Guy Brun, après une enfance très difficile auprès de cette femme, il passe une grande partie de sa vie à la recherche de son identité, enquête qui débouche enfin sur ce livre « H.K. » dont le titre correspond aux initiales de sa mère biologique.

– L’ouvrage de Pierre-Jean LE FOLL-LUCIANI, « Les juifs algériens dans la lutte anticoloniale, Trajectoires dissidentes (1934-1965) » est issu de sa thèse de doctorat. La 1ère partie est consacrée à une histoire politique des juifs d’Algérie et la 2nde retrace la trajectoire d’une quarantaine de militants anticolonialistes. Ceux-ci n’entrent pas dans les cases d’une société algérienne coloniale très hiérarchisée et sortent du récit linéaire sur l’assimilation et la francisation des juifs les présentant comme les bons élèves d’une colonisation émancipatrice. Nés citoyens français dans les années 30, ils se politisent sous le gouvernement de Vichy qui les renvoie à la catégorie de « Juifs indigènes d’Algérie », adhèrent au Parti communiste algérien puis en 1956 au FLN. Après l’indépendance certains qui se considèrent comme Algériens demeurent dans le pays, mais le vote du code de la nationalité en 1963 remet en cause leur présence en décrétant que les nationaux doivent avoir des ascendants de statut musulman. La plupart d’entre eux quittent l’Algérie de 1965 à 70.

Abdelhak SERHANE s’affirme comme un auteur né sous le signe de la révolte et de la colère. Dans un monde d’injustice sociale et de corruption, il n’est pas opportun de rire de tout et il n’y a pas d’autre issue que de se battre et de refuser les mots creux et frivoles. Bien au contraire, il aime à transformer ses mots en pierres. Alors que dans son premier roman «Messaouda », il exprimait sa colère contre la société, sa propre famille et l’incapacité de sa mère à dire non, ce Non ! finit par survenir et est l’objet de « L’homme qui descend des montagnes». Dans ce récit d’inspiration autobiographique, Abdelhak SERHANE retrace son enfance marquée par la pauvreté, l’autorité écrasante du père et le caractère inhibiteur de l’enseignement coranique. Très tôt il remet en cause le monde qui l’entoure, affirme sa volonté de sortir de cet engrenage ; et c’est sur l’école publique qu’il s’appuie pour se faire une autre vision du monde et tracer sa voie.

Cô-Trung Yung Marina