(Dernier ouvrage : « Parler de lui » Gallimard)

Vous êtes né à Casablanca, 8 ans après votre aîné? Oui, mon frère est mort en 1962.Le destin ne lui a pas accordé de vivre dans la durée, la possibilité de se réaliser, de créer, d’entreprendre, d’avoir une famille.

Et puis on se demande « pourquoi lui et pas moi »?  Il a fait son service militaire à partir de 1960 et a été envoyé en Algérie en Janvier 1961.Il a rejoint la ligne Morice, une ligne électrifiée qu’il fallait surveiller à la frontière tuniso algérienne. C’est là qu’il a trouvé la mort.

Ce « tombeau permet de parler de lui, il était votre antithèse, grand, musclé viril, manuel, peu lecteur…Nos parents, comme souvent, voulaient une fille après un garçon

Vous étiez plus délicat, proche de votre mère et faisiez de la couture avec elle. Lui était ébéniste. Parler du frère aîné c’est parler de soi. Il y a aussi le bloc de virilité père/aîné, face au duo sensible, mère/cadetEt puis la distance entre les deux frères.J’étais heureux du départ à l’armée de mon frère qui était moqueur par rapport à mes activités plus féminines.Mais, dans les lettres qu’il m’envoyait (environ une cinquantaine) j’ai découvert un autre frère sous la cuirasse, une fragilité insoupçonnée jusqu’alors.Il me racontait les souffrances de la vie militaire, nous nous sommes rapprochés à travers ces lettres. Et aujourd’hui qu’il n’est plus je ressens une réconciliation posthume.J’ai eu envie de rétablir une image plus positive de lui

Et puis vous arrivez en France, dans un milieu hostile et froid (Les Alpes) vous quittez la chaleur du climat et des moeurs marocains. Oui, il y a le choc du dépaysement et puis mon frère est mort quatre mois après notre arrivée en France

Pourquoi l’avoir écrit maintenant ce livre ?On ne choisit pas son sujet d’écriture, c’est lui qui vous choisit et c’est lui qui choisit son moment.(Monique Chaïbi)