« POUR DONNER LA MORT TAPEZ 1 » par Ahmed Diab, éditions de l’aube, 2018

Ce livre est un roman policier, au sens plein du mot puisque le personnage principal est le commissaire Massonnier, Franck pour ses proches, dont fait partie son collègue et compagnon Lotfi. Ce couple de policiers homosexuels a fort à faire puisque aux prises avec les délinquants qui sévissent dans les quartier nord de Marseille et c’est d’ailleurs là que le livre commence, nous présentant un petit groupe de jeunes voyous qui ne trouvent rien de mieux que de se rallier à Daech, y compris à ses comportements les plus cruels et les plus répugnants, dont ils voient maint exemple complaisamment diffusé sur les réseaux sociaux. On les retrouvera dans la dernière partie du livre, après avoir fait longuement connaissance avec Franck et Lofti aux prises l’un et l’autre avec de lourds problèmes familiaux. Lotfi ne parvient pas à faire reconnaître son homosexualité par les siens, avec lesquels la rupture semble irrémédiable, Franck a divorcé d’avec sa femme, belle bourgeoise conventionnelle, pour vivre avec Lotfi, mais sa fille Maï ne lui pardonne pas ce choix et veut se venger de lui. Elle est droguée et s’est choisi pour amoureux un jeune Kurde marseillais qui ne songe qu’à l’exploiter au profit de sa cause, le nationalisme kurde, dont les adeptes comme lui ne reculent devant aucun moyen. Maï trahit son père pour complaire à son ami kurde, après quoi celui-ci et ses compagnons se débarrassent d’elle en la livrant aux émules de Daech sur lesquels ils peuvent compter pour accomplir les basses œuvres dans les plus ignobles conditions.
Comme on s’en doute la police finit par reprendre la situation en main et par éliminer les voyous de toute origine mais non sans dégât irréparable puisque Franck perd la vie dans l’opération, tandis que Lotfi survit mais en très piteux état. Maï qui a été récupérée in extremis semble elle aussi marquée et traumatisée d’une façon si grave qu’elle pourrait être irréversible.
Triste bilan comme on voit et les horreurs qui sont évoquées ne semblent que trop vraisemblables. On connaît bien ce genre de roman policier à base de trafic d’argent et de drogue, généralement comme c’est le cas ici « personnalisé » par des circonstances particulières concernant le policier le plus impliqué. Il y a sans doute sur le livre une grande influence des séries télévisées qui exploitent ces différents thèmes en de multiples variations. Ahmed Tiab, dit-on, conçoit ce livre comme le point de départ d’une série marseillaise (il a déjà à son actif une série oranaise) pour laquelle on voit bien qu’il a travaillé à se documenter. Son constat est assez accablant et par ailleurs correspond tout à fait à ce que les médias nous donnent régulièrement comme information. Avant de perdre la vie, le commissaire Massonnier était décidé à quitter Marseille. Le moins qu’on puisse dire est qu’on le comprend !
Denise Brahimi

Petit complément:

Ce livre d’Ahmed Tiab démarre une série marseillaise qui prend la suite d’une trilogie oranaise. Kemal Fadil, le commissaire oranais cède la place au Commissaire Franck Massonnier, son collègue marseillais. Ils sont du reste amis et les livres précédents leur ont donné des occasions de se rencontrer. Kémal est lui aussi un commissaire peu banal, fruit des amours clandestines et extra conjugales de Léla et d’Ernesto Che Guevara ! (Le Français de Roseville, qui entremêle habilement un crime de 1962 et une enquête contemporaine).
Malheureusement nous n’aurons pas l’occasion de suivre le chemin de Franck qui trouve la mort dès le premier volume. Son adjoint-amant le beau Lotfi vaut à peine mieux, jeté dans le vide par des apprentis terroristes islamistes, et fracturé de toutes parts.
Il va falloir à Ahmed Tiab bien des ressources pour relancer les péripéties marseillaises. Nul doute qu’il saura faire de nouveau
le pont entre Oran et Marseille… Reconnaissons néanmoins que la nouvelle série part sur un très haut régime !
Et bravo aussi pour la qualité documentaire des pratiques des djihadistes amateurs.
Michel Wilson

(texte provenant du N° 25, Septembre 2018, Lettre franco-maghrébine de Coup de soleil section Rhône-Alpes)