Abderrahmane Benkloua, Mostaganem, dure enfance en Algérie, années quarante et cinquante, L’Harmattan, préface de Jean-Pierre Piéchaud, 2019, 171 p.

L’auteur, connu en France comme peintre et comme acteur de cinéma, nous raconte son enfance et son adolescence dans la périphérie rurale de Mostaganem. Son éducation chaotique a lieu dans les écoles coraniques, où il se rend à grands risques car le monde qui l’entoure est peuplé de monstres et de démons. Ce monde cependant n’est plus « traditionnel », car plus que par le colonisateur français il a été bouleversé en 1942 par l’arrivée de l’armée américaine, qui laisse derrière elle une abondance de produits industriels inconnus que chacun cherche à récupérer. C’est dès 12 ans qu’il travaille comme « apprenti » chez un fermier- colon, mais aussi souvent chez des employeurs arabes, sur ces terres de vignes, de vergers et de maraichage au milieu des quelles il vit. Il comprend vite que trouver un « vrai boulot » passe par l’apprentissage du français écrit, qu’il acquiert en cours du soir : cela débouche sur son départ en émigration en France, qui clôt le livre.

Dans un style sec, Benkloua rejoint les nombreuses histoires d’enfance qui sont une des meilleures sources pour comprendre comment les populations maghrébines se sont « modernisées » dans le monde colonial. On pense aux mémoires de Zeghidour, https://coupdesoleil.net/blog/zeghidour-rememorer-les-camps-de-regroupement-de-la-guerre-1954-1962/, à La Temesguida de Aïsa Touati https://coupdesoleil.net/blog/la-temesguida-une-enfance-dans-la-guerre-dalgerie-aissa-touati-et-regis-guyotat/. En remontant plus loin la mère de Jean Amrouche, Fadhma http://alger-mexico-tunis.fr/?p=763. Ces enfances « musulmanes » et coloniales, il faut les replacer dans le mouvement plus large des bouleversements de la Méditerranée, que Leila Sebbar a si bien collectées : https://coupdesoleil.net/blog/leila-sebbar-enfances-algeriennes-2014-2016/ https://coupdesoleil.net/blog/leila-sebbar-une-enfance-juive-en-mediterranee-musulmane-2012/

(Claude Bataillon)