Maghreb des livres 2015 : le public prend la plume :

Ecrire au Maghreb, écrire sur le Maghreb : langues, éditeurs, écrivains

Des militants et amis de Coup de soleil ont assisté aux manifestations de ce salon des livres sur le Maghreb. Ils nous transmettent leurs notes sur ce qu’ils ont entendu. D’autres ont assuré la relecture de ces textes, parfois en écoutant les enregistrements sonores dont nous disposons. Merci à Claude Bataillon, Françoise Bataillon, Eugène Blanc, Line Boularès, Monique Chaibi, Touriya Fil, Monique Gaultier, A. Maacha, Christine Roubieu, Agnès Spiquel, Edith Toubiana, Michel Yvon.

Nous avons regroupé ces textes en trois chapitres :

Histoire du Maghreb / Ecrire au Maghreb, écrire sur le Maghreb : langues, éditeurs, écrivains/  Islam et culture : quelles spécificités ?

 Ecrire au Maghreb, écrire sur le Maghreb : langues, éditeurs, écrivains Pour des pays où trois langues coexistent, où autrefois comme aujourd’hui une part de ce que nous lisons est édité hors de ces pays,où une part d’un lectorat passionné est aussi à l’extérieur- en France principalement, il importe de montrer ce qui fait vivre les livres et les revues concernant le Maghreb, de montrer comment s’organise et se développe en France un lectorat très diversifié.

 CAFE LITTERAIRE « ECRIRE EN ARABE ET EN BERBERE » Animé par G. MEUDAL, Avec Amina Saïd HAZAM (Ablation, ed. Alpha, Alger), Tassalit YACINE (Lbachir Amellah, ed. Sefraber), Bachir MEFTI (La chambre des souvenirs, ed. El Ikhtilef, Alger), Amin ZAOUI (Le miel de la sieste, ed. Arzakh, Alger)

Meudal : Qu’est-ce qui fait que vous décidez d’écrire en arabe ou en français?

 A.Z : Je n’ai sincèrement pas de réponse. C’est quelque chose de « pressenti ». C’est la logique quand on parle une langue mais quand on écrit cela devient une « patrie à coloniser ».Il y a un partage intérieur avec la langue. C’est plus une question d’intériorité que de beauté… Mais, derrière ces langues, il y a le lecteur. En français, c’est un lecteur averti, il a toute une tradition de lecture romanesque. J’écris dans cette langue sans peur… En arabe, je choisis les mêmes sujets, il n’y a donc pas de trahison. Que je parle de tabous tels que le sexe, la religion, la politique, l’arabe me suit, il porte tout ce que je veux. Le problème c’est donc le lecteur sur des sujets de ce type, réputés sensibles… Cela peut provoquer des manifestations. Souvent les livres ne sont pas lus par leurs détracteurs mais la rumeur court… Pour résumer, quand j’écris « de gauche à droite » je suis dans un état second alors que quand j’écris « de droite à gauche » je suis totalement présent.

ASH: « Gauche droite » c’est la langue du souvenir et « droite gauche » c’est la langue du devenir.

Meudal : Traduisez-vous vos textes d’une langue à l’autre?

 A.S.H : Non, j’écris des poèmes tantôt en français, tantôt en arabe, ce ne sont pas les mêmes. Je ne sais jamais à l’avance en quelle langue sera le prochain, s’il sortira en français ou en arabe. Il m’est même arrivé d’en écrire un avec un titre arabe et j’ai continué le texte en français! Pour reprendre l’expression de Kateb Yacine pour moi le français est un beau « butin de guerre ».

G.M : Tassalit Yacine, je rappelle en passant qu’en 1985 vous fondez la revue « Awal » en Algérie. Vous venez de sauver de l’oubli un poète kabyle, il s’agit de Lbacir Amellah. C’est la première étude qui lui est consacrée. Comment avez-vous procédé?

 T.Y : Tout d’abord, je tiens à préciser que je ne suis pas moi-même poétesse… A l’époque, les poètes sont souvent des hérétiques ou des hérésiaques. Ils sont reconnus comme « porte paroles » (un peu à la manière d’un François Villon). Ces individus ne sont pas des intellectuels, ils ne sont même pas vus comme intelligents. La plupart du temps ils n’ont jamais fréquenté l’école… En Afrique du Nord, il y a une ignorance des cultures populaires. Les poètes les plus forts sont souvent des buveurs, des drogués, ils vivent dans la transgression. Mais ils sont reconnus par leurs pairs. On laisse émerger la pensée par leur intermédiaire.

Meudal : Bachir Mefti, votre livre est ancré sur l’évolution de la société? 

 M : Mon dernier roman est situé dans les années 90, ces années que l’on ne nomme pas. Mes personnages sont des poètes qui se rencontrent dans des bars, ignorant que la violence va venir… Pourquoi n’a-t-on pas pu dépasser cette blessure? Pourquoi le projet politique à la fin de ces années noires n’a-t-il jamais abouti? Il y a eu plus de 200 000 morts! Je fais vivre des personnages sacrifiés. J’ai écrit en arabe, ce n’est pas par choix. Je suis issu d’une famille arabophone, enfant je croyais que l’arabe était juste la langue du Coran. Puis j’ai lu des traductions de romanciers en arabe.

Meudal (à Amin Zaoui) : Dans votre dernier ouvrage, vous faites le choix de la fiction. Vous nous décrivez un personnage qui a une particularité physique, il possède deux testicules asymétriques. Vous faites donc l’éloge de la fiction. Personnellement, j’aime aussi les livres qui parlent de livres. Vous avez dirigé la grande bibliothèque d’Alger, on retrouve le chien de Sénac dans un de vos romans, vous bousculez les tabous, votre écriture est un hymne à la liberté. Un de vos personnages confie « Je ne lis que les journaux de la veille ». Est-ce que « bousculer les tabous » est la même chose dans les deux langues?

Z : C’est toujours les mêmes problématiques : le sacré – transgresser – caser les tabous. L’important c’est que ce que l’on écrit ne soit pas un acte gratuit. Le thème doit toujours se baser sur un savoir… Les savants de l’Islam sont des personnages très courageux. Mon courage n’est pas à la hauteur du leur… « Le miel de la sieste » part de l’histoire de la lampe d’Aladin. Les testicules atrophiés c’est comme cette lampe, il suffit qu’on les touche pour qu’un miracle se produise (mon personnage deviendra un docteur en architecture (bon, soit, un architecte des cimetières, un « docteur de la mort »… Toute l’Algérie est là, derrière, dans un petit jardin d’Alger. On y sert une philosophie de boudoir.

Le personnage féminin, lui, terminera en hôpital psychiatrique. Mais il trouvera un volume de Sade sur place… La liberté et la création sont indispensables. L’une à l’autre. Sans l’une, l’autre ne peut exister.

Meudal : Vous jouez en permanence entre fiction et réalité? A ASH : « L’ablation » un signe de perte, de retrait. La perte de son sein pour votre mère, celui de la Patrie pour vous. On ne sent toutefois pas de désespoir. 

 ASH : Effectivement la première ablation est celle du sein de ma mère. Ensuite j’ai connu d’autres ablations. Notamment en arrivant en France (l’exil, l’éloignement, la nostalgie de ma langue). Mustapha Benfodil disait « On n’habite pas un pays mais une langue »

Ecrire dans sa langue c’est aussi un geste patriotique… Le français est aussi une belle langue que j’ai acquise. C’est pourquoi j’ai choisi d’écrire dans les deux langues.

Meudal  (à Tassadit): Quel est l’état de la culture berbère en Algérie, quel est l’intérêt de la sauvegarder?

 T.Y : Depuis Carthage la langue parlée a toujours été la langue du peuple dominant. Le romain, l’arabe… Malgré tout, le berbère a résisté. Evolué. La langue est restée orale. On tente de dominer l’arabe qui est reconnu parce que c’est une langue écrite.

On associe la langue à la culture. Il existe une contestation ouverte, une revendication du berbère comme culture nationale. On trouve un certain nombre de poèmes kabyles anciens… La langue devient politique, symbole, combattue par le pouvoir en place et ce jusqu’aux années 90… Au Maroc, le berbère est reconnu langue officielle… Il existe trois départements de langue berbère dans les institutions mais il y a un retard immense et peu de moyens.

Meudal (à Bachir M) Quel choix de langue?

 M : Amin Zaoui écrit indifféremment dans les deux langues. Moi je peux lire le français mais je ne peux écrire dans cette langue. J’ai toujours lu exclusivement en arabe et c’est avec cette langue que je peux casser les tabous.

Le problème n’est pas la langue en soi. Par contre, pour moi le dialectal n’est pas une langue… La religion est souvent présente dans la littérature arabe… Il y a un problème de l’élite arabophone.

A Zaoui : Même la langue arabe parlée en Algérie est un arabe « algérianisé ». Il a sa touche, un souffle algérien qui n’a plus rien à voir par exemple avec l’égyptien, le libanais… La langue arabe est devenue « des langue arabes »… Le Coran lui-même a été traduit en dialecte marocain… Dans le théâtre, le cinéma on retrouve aussi ce phénomène… Il y a des géants de la poésie populaire qui ont écrit dans une langue populaire mais ils ont étudié le classique… « Construire un lecteur » : C’est du militantisme que d’écrire en arabe. Certains écrivent directement en berbère.

(Monique Chaibi)

Carte Blanche  « Hommage à l’éditeur algérois Edmond Charlot ». samedi 7 février 2015. Michel PUCHE, auteur  d’un « Edmond Charlot, éditeur » (2002), Rencontres avec E. Charlot (2015), chez Domens, a dressé un rapide portrait  de Edmond Charlot,  né à Alger en 1915, décédé à Pézenas (Hérault) en 2004.

C’est Jean Grenier, son professeur (comme celui de Albert Camus et Mouloud Mammeri) qui  l’avait incité à se lancer dans l’édition. En 1936, il ouvre sa librairie « les Vraies Richesses » ; y accueille Camus (qui écrit souvent dans la soupente), il  édite Camus, Jules Roy, M.P. Fouchet, Emmanuel Roblès, Lorca … au total 300 titres édités célèbres… »un libraire hors-pair » ! E. Ch. est mobilisé en 1939 puis démobilisé …puis quitte Alger pour Paris où il se heurtera à la pénurie de papier pour exercer son activité d’éditeur. De retour à Alger, en 1948, il reprend sa librairie et ouvre 2 galeries de peinture (y expose entre autres Bonnard, Marquet, et son ami Mohamed Khadda). Il est un pont littéraire, culturel,  entre  l’Algérie et la France.

Il est victime de deux attentats de l’OAS, qui détruisent ses archives… Puis diplomate, reste en Méditerranée : missions culturelles à Izmir, à Alger auprès de l’ambassadeur Gorce sous la direction de Stéphane Hessel, puis à Tanger… Gagne l’autre rive de la Méditerranée à Pézenas où il poursuivra ses activités d’éditeur avec J.Ch. Domens jusqu’à la fin de sa vie… Charlot : « un humaniste modeste à la trace persistante ».

Guy BASSET (« Etudes Camusiennes », et « Dictionnaire de Albert Camus » chez Laffont et J.Ch. Domens) a connu Charlot à Izmir avant de découvrir Alger, a souligné l' »algérianité fondamentale » de Charlot ; son amour de la Méditerranée, la culture française qu’il savait faire partager, sa grande simplicité dans ses rencontres avec des écrivains de toutes générations…

Ch. DOMENS, à Pézenas, reçoit Charlot, qui s’y installe pour une retraite active. Domens, alors imprimeur,   parle des « rencontres toujours extraordinaires « qui le conduisent  à développer véritablement ses activités d’éditeur et E. Ch. crée la collection « Méditerranée vivante », conscient de cette « Patrie de Synthèse » , « mélange de civilisations » (16 titres sont présentés)…

Naget KHADDA auteur de « Charlot, l’Homme-Roi » chez Domens qu’elle dédicaçait à ce Maghreb des Livres, nous dit « il laissait venir à lui les livres », « il fédérait les écrivains autour de son charisme, de son humanisme, dans une époque bouleversée  entre guerre mondiale et guerre civile »… Et de citer ce précepteur du calife ommeyade du 10ème siècle, Al Zubeïdi, paroles « qu’aurait pu signer Charlot »:  » La Terre entière dans sa diversité est Une, toute la Terre est ma Patrie, et tous les hommes sont mes parents« .

(Line Boularès)

La revue « Horizons maghrébins » (Carte blanche)

Le choix de consacrer une séance d’échange à la revue Horizons maghrébins n’est pas anodin. Avant de laisser la parole au responsable de la publication, Mohammed Habib Samarkandi, et à ses complices, Zakia Daoud, Salah Stétié, Maâti Mounjib et Abdelouajid Kaouah, Gérard Meudal rappelle l’importance de la revue dans le champ littéraire et culturel maghrébin et les grands noms qu’elle n’a cessé de fédérer depuis une trentaine d’années autour de problématiques toujours innovantes.

Samarkandi rappelle les conditions de parution de la revue dans les années 1984 et son ancrage militant dans le milieu des étudiants de l’Université Toulouse-Le Mirail, à un moment où plusieurs revues francophones comme Lamalif se voient censurées au Maghreb (lire à ce propos le livre de Zakia Daoud, Les Années Lamalif: 1958-1988, trente ans de journalisme, Éditions Tarik et Senso Unico, 2007). La création de la revue Horizons maghrébins est donc présentée par Samarkandi comme une réponse à un besoin d’expression muselé ailleurs. L’effort de Zakia Daoud pour alimenter les débats culturels et littéraires s’inscrit dans ce sens.

Chacun des contributeurs présents au café littéraire a collaboré à la revue en y apportant sa propre sensibilité. Ainsi Salah Stétié a ouvert « l’horizon maghrébin » sur son pendant oriental en rappelant le paradigme commun que constitue la culture musulmane, tandis que l’historien Maâti Mounjib rappelle le passé où le Maroc étendait son emprise en direction du Sahel et justifie ainsi l’infléchissement d’Horizons maghrébins vers le sud sub-saharien à travers les numéros consacrés à l’Afrique. Abdeloujid Kaouah évoque, pour sa part, sa collaboration avec Salah Stétié autour de la poésie, et celle de Dib en particulier à qui un numéro de la revue a été consacré.

L’esprit d’Horizons maghrébins semble bien un ancrage méditerranéen ouvert sur le sud comme sur le nord, opposant le dialogue des cultures au prétendu conflit des civilisations. La revue, qui connaît quelques difficultés, comme beaucoup d’organes culturels en ces temps de crise, mériterait donc un soutien particulier de la part de mécènes soucieux du même esprit de relation et d’ouverture à l’altérité.

(Touriya Fil)

« Editer au Maghreb aujourd’hui », Table ronde.

Pierre Astier, agent littéraire, animateur de cette table ronde, dans sa présentation générale, souligne l’importance des nouveaux grands marchés, comme certains pays émergents, dont le Brésil et aussi la Corée.

Elisabeth Daoud, éditrice à Tunis, née d’une mère française et d’un père palestinien, a fondé sa maison d’édition il y a 10 ans. Elle a donc vécu la Révolution en Tunisie, période d’intenses débats pendant laquelle les Tunisiens ont préféré lire des essais et des livres d’histoire plutôt que des romans, ou des ouvrages de fiction. Demain, quelle sera la place donnée par le ministre de la Culture par rapport au livre ? Quelle place du livre dans les écoles dans le pays du Maghreb où le taux de scolarisation est le plus élevé ? Quelle place pour l’imaginaire ? Dans son catalogue, on trouve plus de livres en français qu’en arabe.

Isabelle Gremillet (diffuseure) a donné à son réseau de diffusion le nom de « oiseau indigo » ; l’oiseau franchit les frontières et les montagnes, l’indigo est la couleur de l’Afrique. Ayant des attaches sénégalaises, elle s’ouvre au monde de l’Afrique sub-saharienne, en Côte d’Ivoire, au Mali. Par contre des problèmes technico-financiers gênent la diffusion en Algérie.

Sofiane Hadjani est le fondateur de Barzakh à Alger il y a quinze ans. L’édition de l’ouvrage de Kamel Daoud  « Meursault contre-enquête », qui faillit obtenir le Goncourt a donné une formidable promotion au livre, édité en France par Actes Sud. La ligne éditoriale donner aux auteurs algériens la possibilité d’écrire dans le cadre d’un imaginaire algérien. La maison a édité Maïssa Bey, Boudjera (orthographe?). L’objectif est de rapatrier le patrimoine culturel en Algérie alors que les auteurs Kateb Yacine, Mohammed Dib, Aïssa Djebar (dont on a appris la mort au début du Maghreb des Livres). Put-on imaginer que Le Clezio soit d’abord édité en Belgique ? Les livres d’Assïa Djebar sont absents en Algérie et commencent à peine à être traduits en arabe et édités. La France devrait accepter le bien-fondé de cette revendication au titre de sa politique culturelle.

Simon-Pierre Hamelin est auteur, libraire, éditeur à Tanger. Il constate que les auteurs marocains ne veulent publier qu’en France, à qui ils donnent leurs fonds. Il a édité Jean Genet,W.Capôte, la revue « Nedjma » et prend comme modèle Charlot, l’éditeur de Camus dont on fête le centenaire de sa naissance avec une carte blanche qui lui est consacrée.

L’animateur présente quelques statistiques pour comprendre le marché du livre en particulier le pourcentage du public francophone par rapport au public arabophone :

Maroc : 51%,               Algérie : 57%,                     Tunisie : 64%.

Perspectives d’avenir ?

Elisabeth Daoud pense qu’il faut aider le public à faire la distinction entre le métier d’éditeur et celui d’imprimeur souvent confondus, Elle espère que demain, les écrivains seront autorisés à intervenir dans les établissements d’enseignement. Sofiane montre que la politique active et dynamique au Brésil en faveur du livre a porté ses fruits. Il en est de même en Algérie où le nombre de livres publiés en quinze ans a été multiplié par lus de sept.

En conclusion, les intervenants regrettent tous l’absence au Maroc d’une politique culturelle en faveur du livre et déplorent l’absence d’une politique d’investissement dans l’espace francophone, à la différence de l’Angleterre en Inde e de l’Espagne en Amérique du Sud.

Au cours du débat, une nouvelle éditrice propose la création des Etats-Généraux de la lecture dans un travail en synergie dans l’espace francophone.

(Eugène Blanc)

Carte Blanche à  « Coup de Coeur de Coup de Soleil ». Dimanche 8 février 2015

 Ce 10ème prix littéraire de  la section « Languedoc-Roussillon » sera décerné en avril 2015 à  un roman ou un recueil de nouvelles écrit par un auteur du « Maghreb des 2 rives », présenté par la section Coup de Soleil- LR (site web:http//languedoc-roussillon.coupdesoleil.net – Facebook:Coup de Soleil LR).

Monique CHAIBI (section Coup de Soleil de Montpellier) s’entretenait avec des auteurs présents dans ce 21ème Maghreb des Livres : Yahia BELASKRI, dédicaçant « les fils du jour » (a déjà reçu le prix « Coup de Coeur » en 2012 pour « si tu cherches la pluie, elle vient d’en haut »), Anouar BENMALEK, auteur de « le rapt », Azza FILALI « les intranquiles », Fouad Laroui « Tribulations du dernier Sijelmassi ».

Monique CHAIBI questionne :

Quelle est l’importance d’un prix de lecteurs par rapport à un prix dit « littéraire ?  »

La spontanéité, naturelle chez des lecteurs est enrichissante pour l’écrivain. Le prix « littéraire » est le choix  de lecteurs professionnels, outillés pour décrypter l’oeuvre…

ce peut être la révélation d’écrivain…

Comment débute l’écriture ? »

Tous parlent d' »incubation », maturation intérieure. Puis, souvent « déclic : ce que l’on a à dire s’impose à l’occasion de chose anodine… » (A.F.) Mais chaque auteur a son cheminement personnel : une rencontre peu ordinaire…diner entre amis accompagné de bonnes histoires (F.L.)…décès d’un proche…

Vos lecteurs vous demandent d’écrire autre chose ! »

A.F. : « je ne peux pas échapper à ma sensibilité (tunisienne, je vis à Tunis), je dois écrire ce que je ressens »; …mais on peut « contextualiser la géographie de sa sensibilité »…le lecteur recherche l’exotisme…

A.BM. décide de ne plus parler de l’Algérie,  puis « craque » et dit en parler dans tous ses livres, mais aussi évoquer d’autres lieux géographiques…

Y.B. Sa fille demande un « vrai roman d’amour, sans tristesse »… »l’écrivain tourne autour de ce qu’il est, de ce qu’il aurait pu être…

« Vous n’avez plus de lecteurs, continuez-vous à écrire ? »

le plus solitaire des écrivains écrit pour un lecteur… il n’y a pas de solitude absolue!…

certains écrivains passent à l’écriture de scénarios…

et M. CH. d’enchainer sur les soirées littéraires prévues avec les auteurs! (voir les « cafés littéraires, prévus sur le siteweb) ; et Michèle RODARY (présidente de la section Languedoc Roussillon) parle de ces dix années de prix Coup de coeur… du plaisir de faire découvrir des livres à des lectrices isolées dans les Pyrénées … du plaisir de la lecture … et surtout  de la révélation des auteurs par les lecteurs , etc… vive le coup de coeur!

(Line Boularès)

18 ème édition du PRIX LITTERAIRE BEUR FM MEDITERRANEE 2015 Ce prix est décerné tous les ans. Il récompense un roman paru dans l’année en langue française ayant pour thème le Maghreb, la Méditerranée, l’identité plurielle …

Georges Morin, après avoir rendu hommage aux victimes des événements des 7 et 9 janvier et évoqué le sursaut du 11 janvier, véritable élan de fraternité où la haine, le racisme n’avaient pas leur place, rappelle que Coup de Soleil s’intéresse à ce prix littéraire de Beur FM (en partenariat avec TV5MONDE), l’une des premières radios libres créées dans la foulée de 1981.

Dans le contexte de violence que l’on a connu, la journaliste de TV5MONDE souligne combien il est important de s’associer à cet événement qu’est le Maghreb des livres. Elle précise que le prix contribue à renforcer l’amitié entre les peuples et à faire connaître l’autre.

Jury : Nacer Kettane, Président de Beur FM; Georges Morin, Président de Coup de Soleil et du Maghreb des Livres; Samia Messaoudi, Journaliste (Beur FM et Clara Magazine); Zina Berrahal, Responsable Marketing Maghreb (TV Monde); Nadia Hathroubi, Journaliste (Courrier de l’Atlas); Mustapha harzoune, Journaliste littéraire (Hommes et Migrations et Cité Nationale de l’histoire de l’Immigration)

Livres en lice :

  • NEAPOLIS Kaddour Hadadi HK (Ed. Riveneuve)
  • NINA SUR MA ROUTE Djilali Bencheikh (Ed. Zellige)
  • LE JARDIN DES PLEURS Mohamed Nedali (Ed. L’Aube)
  • JACOB, JACOB Valérie Zenatti (Ed. de l’Olivier)
  • 31 FEVRIER Hafid Aboulahyane (Ed. Plon)
  • LES QUATRE SAISONS DU CITRONNIER Souad Benkirane (Ed Kartala)
  • LES FILS DU JOUR Yahia Belaskri (Ed. Vents d’Ailleurs)

Lauréat : Yahia Belaskri pour « Les fils du Jour ». A l’annonce du prix, l’auteur, né à Oran, journaliste et romancier, qui a quitté l’Algérie en 1988 pour s’installer en France, a tenu à souligner que l’Algérie a une histoire de plus de 2000 ans. Il a voulu rendre compte de la lumière de cette terre, que la barbarie n’était pas toujours là où l’on pensait, qu’il existait un islam de bonté, de tolérance n’ayant rien à voir avec le salafisme et le wahhabisme. Pour sa part, il a précisé se sentir profondément chrétien, juif, musulman. L’auteur a été très vivement applaudi.

(Monique Gaultier)

Rencontre avec Azza Filali, romancière et les élèves de 1ère du Lycée Louis Armand d’Eaubonne -95 et de leur professeur de Français Saïd Aliane. Les élèves ont travaillé sur le roman «  Ouatann » (ed Elizad). Ils lui poseront des questions sur son roman et sur son travail d’écrivain :

-Dans quel état d’esprit a été écrit le roman ? Il a été écrit avant les révoltes de Tunisie et il est paru après ces mêmes événements. L’auteur communique le malaise qui était le sien dans son pays et qui donnait envie d’être ailleurs. Elle pense que ses personnages portent ce poids-là.

-Impression que la ville exerce une attraction sur les personnages? Azza Filali évoque sa conviction que souvent pour les individus, un lieu comme une maison, aide à vivre, lieu porteur de souvenirs qui y sédimentent pendant des générations

– Avez-vous des liens avec les personnages ? L’auteur affirme que, quand elle écrit un roman, elle est dans un accompagnement des personnages, accompagnement qui doit être ressenti fortement mais elle n’est pas forcément d’accord avec eux.

– Comment le livre a été reçu en Tunisie, surtout pour les scènes crues ? Les personnages sont atypiques… Michkat est divorcée, comme d’autres femmes tunisiennes, elle a remis en cause les valeurs traditionnelles et elle affronte la solitude. En Tunisie les mariages sont souvent décidés rapidement ; les époux n’ont pas les mêmes références et ça ne marche pas. Vivre à deux, dit-elle, est complexe. Cela demande de la conciliation et de la patience. Quand le divorce est à l’initiative des femmes c’est très mal reçu par les juges qui le prennent pour un caprice… Globalement le livre a été reçu avec le silence de la réprobation.

– Question sur le voile? Pour elle le voile n’est pas forcément le signe d’une piété excessive.  Il peut aussi être un outil de séduction. Il impose en tous cas une manière d’être socialement. Il est aussi porté par confort, pour avoir la paix, par mimétisme par celles qui sont en perte de repères ; Il y a de multiples raisons de le porter.

-Question sur la mort de Mansour?

Dans le travail mené par Saïd Aliane avec ses élèves sur le roman d’Azza Filali, une autre partie consistait à leur proposer d’écrire une nouvelle, en prolongeant un aspect du livre ou un personnage. Lecture a été faite de leurs textes par 5 lycéens. L’auteur leur donne ensuite ses impressions et commentaires : souvent, comme il le leur avait été demandé, ils faisaient évoluer les personnages ou les situations autrement que ce que l’auteur aurait elle- même imaginé. La qualité de leurs écrits a été soulignée fortement par Azza Filali et les tous les auditeurs présents dans la salle. Ils ont été applaudis. La romancière suggère une autre rencontre plus tard pour prolonger ce beau travail.

(A. Maacha)