Combats pour l’égalité femmes/ hommes
Pour nous souvenir de Ourida Chouaki, qui vient de mourir à Alger, nous sommes ce jeudi 27 aout quelques uns chez Zoubir à Toulouse. Combien ? Le lieu est à la fois assez convivial et assez compliqué pour que la réponse soit difficile. Les uns sont debout au comptoir du bar / atelier de pizzaiolo. D’autres assis aux tables de la nouvelle salle attenante. D’autres encore dans la salle de spectacle aménagée en sous-sol. Et encore d’autres dans la rue, car la soirée est tiède.
Disons une petite dizaine de nos adhérents de Coup de Soleil parmi la petite cinquantaine de l’ensemble du public.
C’est Georges Rivière qui ouvre la séance, commentant le court document sur Ourida qu’il nous a distribué. Puis un vidéo de 2003 rappelle les luttes des femmes algériennes en 1988 : c’est l’année où sort le nouveau code de la famille qui restreint fortement l’égalité entre femmes et hommes, l’année aussi du mouvement de jeunes à Alger violemment réprimé par l’armée.
Vient ensuite un vidéo qui remémore la venue en 2008 à Toulouse de la Caravane des femmes. Ce mouvement installe ses tentes dans plusieurs quartiers, accueilli par les associations locales : sont venues des Marocaines surtout et des Algériennes.
De telles discussions tumultueuses pourraient-elles être organisées en 2015 ?
Puis nombreux sont ceux qui parlent en souvenir de Ourida Chouaki.
Textes poétiques, souvenirs personnels, un moment la musique du houd.
…
Nous avons dédié cette soirée, cet espace, cette exposition sur les femmes algériennes à notre amie Ourida Chouaki, qui nous a quitté brutalement le 14 août, à Alger.
Ourida – dont vous lirez le parcours dans le document que nous avons laissé – savait dans quel monde elle voulait vivre. Un monde dont les valeurs sont aussi claires et simples que la lutte pour y parvenir est ardue : de la fraternité, de l’égalité, de la dignité, de la liberté de penser, de créer, de croire ou de ne pas croire. Ou l’humain n’est pas une marchandise. Où l’école développe l’esprit critique. Dans l’immédiat cela voulait dire l’égalité des droits entre femmes et hommes, l’éradication du patriarcat – par la culture, l’éducation, les échanges entre jeunes.
Oui, elle était et se disait féministe.
Car ce patriarcat mène une lutte sans merci contre cette égalité, pourtant inscrite dans la constitution algérienne, en utilisant toutes les armes, y compris la religion pour parvenir à ses fins.
Ce furent les années de l’intégrisme, d’un martyre de 10 années vécu dans l’extrême solitude.
Comme tant d’autres, Ourida était en résistance, subissant la violence de l’islamisme politique de plein fouet : son frère Salah, grand pédagogue travaillant à la refonte du système éducatif, inspecteur de l’éducation, militant communiste, était assassiné le 14 septembre 1994.
L’Algérie survivait avec ses fantômes, témoignant de ce fléau qui allait envahir le monde et qui faisait là son premier tour de piste. Beaucoup moururent et on peut citer : Kamel Amzal, jeune étudiant, militant berbère, en 1982 ; Llabes et Boukhobza, Tahar Djaout, Boucebsi, Belkhenchir, Smain Yefsa en 1993, psychiatres, écrivains, journalistes ; Salah Chouaki, pédagogue, Katia Bengana lycéenne de 17 ans pour avoir refusé de porter le hidjab ; Ahmed et Rabah Asselah, le directeur des Beaux-Arts d’Alger et son fils ; Alloula, homme de théâtre en 1994 ; Medjoubi, acteur, en 1995. Et toutes celles et tous ceux qu’on ne peut citer, les anonymes , vendeurs de journaux, coiffeuses, cheminots, médecins, imams…
Ourida vivait avec ses fantômes.
Malgré cela elle avait le regard bienveillant sur le monde, sans amertume, avec le sourire aux lèvres ; se remettant en question face à une jeunesse qui reprenait le flambeau avec d’autres outils, d’autres mots mais le même esprit d’émancipation.
Avec sa sœur Yasmin, à Alger, elle a créé, chez elle, un lieu de détente, de paix, de débat, de douceur et de partage, un endroit à la porte toujours ouverte où les jeunes viennent se reposer de la contrainte sociale pesante, un terrain neutre où – le dogmatisme laissé à la porte – ne reste que la place de la conviction.
Ourida c’est cela, et encore plus.
Et toi, qui étais si modeste, pardon d’avoir parlé de toi .
Parce que cette soirée, et tous ces amis réunis ici, c’est pour toi…