Archives algériennes: fonds des syndicats et partis français: un colloque

Les mouvements sociaux français appartiennent aux algériens aussi

 

 

Ce colloque du 12 octobre 2012 à la Maison des sciences de l’homme à Paris, organisé par le Codhos (Collectif des centres de documentation en histoire ouvrière et sociale), avec le soutien de l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne et de la Fondation Maison des sciences de l’homme (FMSH),en apprend beaucoup à un néophyte de l’exploration des archives. Jusqu’en 1962, les trois départements algériens d’une République française jacobine et laïque ont participé à la vie des partis, syndicats et autres associations françaises, soit pour que ces organismes croient ou feignent de croire, ou s’efforcent de faire, que les mêmes normes fonctionnaient aux deux rives de la Méditerranée, soit pour qu’ils se remettre en cause face à la déchirure que certains détectent dès avant la seconde guerre mondiale, mais le plus souvent dans les années 1950.

Pour les Algériens ou pour les historiens de l’Algérie, beaucoup moins explorée que les archives publiques, ces archives privées françaises sont une mine, où les chances sont nombreuses de trouver, grâce aux échanges de correspondances individuelles, des vues qui remettent en cause les discours publics, aussi  tranchés que fluctuants. Peut-être, dans le public, seules les fiches policières voilent aussi peu les réalités quotidiennes…

« Cette journée d’études [nous disent les organisateurs] fait suite à une première manifestation organisée par le Codhos en octobre 2010 sur les archives des syndicats et partis français concernant l’Afrique sub-saharienne. Elle est cette fois consacrée aux « archives algériennes » – c’est-à-dire concernant l’Algérie – de ces mêmes syndicats et partis. Différents établissements disposant d’archives privées, ainsi bien sûr que les confédérations syndicales françaises (CGT, CFDT, FO) et les partis de gauche (Parti socialiste, Parti communiste en particulier), et certaines associations d’éducation populaire, conservent leurs archives, ou celles de militants qui leur en ont fait don. Nombre de chercheurs utilisent ces archives pour faire l’histoire du syndicalisme et de la gauche française. Dans ces mêmes archives existent des documents qui constituent un véritable gisement sur l’Algérie, ainsi que sur les relations avec l’Algérie, coloniale, en guerre et post- coloniale. Contrairement aux archives publiques, telles celles des Archives nationales d’Outre-mer (ANOM), ce gisement est largement méconnu et inexploité.

[…] On présentera, par exemple, le fonds Messali Hadj, tout récemment déposé par sa fille au Cermtri. »

Contact : fblum@univ-paris1.fr

Au fil des séances, l’auditeur a été particulièrement sensible à divers thèmes.

L’activité communiste dans l’armée pendant la guerre d’Algérie, par Pierre Boichu (Archives départementales de la Seine-Saint-Denis) : si le P.C. donne en permanence comme consigne aux jeunes d’accomplir leur service militaire et d’y militer, il est confronté à l’insoumission ou au refus de la guerre, de la part de fils de dignitaires du parti en particulier, et est amené à les soutenir. A partir de l’été 1958, il redoute que la sécurité, voire la vie, de certains de ces jeunes soit en péril et il déconseille les actes de désobéissance.

Autour de Sadek Hadjerès : archives audiovisuelles de la BDIC, par Rosa Olmos (BDIC) et Franck Veyron (BDIC). Outre les témoignages oraux déjà recueillis, la BDIC mène un programme de collecte de témoignages en Algérie en collaboration avec l’Université d’El Oued (Souf, Sahara constantinois) et en France auprès d’anciens coopérants.

La CGT et l’Algérie à travers les archives de Marcel Dufriche, responsable de la commission confédérale des territoires d’Outre-mer (1950-1965),  par Aurélie Mazet (Institut CGT d’histoire sociale). Cet Institut dispose de fonds permettant par exemple de comprendre le poids du syndicats des dockers : en Algérie c’est un syndicat auquel adhèrent presque tous les dockers, musulmans en immense majorité, et dont les cadres sont en majorité aussi musulmans. Ceux-ci forment près du tiers de l’ensemble de la profession pour l’ensemble franco-algérien. Début 1957, les dockers du port d’Alger tentent par la grève d’empêcher le débarquement de matériel militaire, sont l’objet d’une répression sévère. Ce syndicat de la CGT se décompose et ses membres passent en masse à l’UGTA.

La CFTC et la guerre d’Algérie : les relations entre la Confédération et l’Union Régionale CFTC d’Algérie à travers le fonds François Fraudeau (1925-1965), par Nicolas Perrais (Archives de la CFDT). Ce syndicat chrétien, à la veille de la guerre d’Algérie, a près d’une moitié de musulmans parmi ses adhérents. Il a alerté dès le début des années 1950 les instances fédérales sur les risques d’explosion et insiste en Algérie sur des positions co-confessionnelles (proches de Mandouze) alors même qu’en « métropole » il tend à se déconfessionnaliser.

Les affectations d’office des professeurs du second degré en Algérie dans les années 1950, par Alain Dalançon (SNES). Jusqu’en 1957, pour les enseignants du second degré comme dans beaucoup de professions de fonctionnaires, l’affectation à l’issu du concours de recrutement se fait « naturellement » en Algérie… pour les « queues de liste » à partir de 1955, alors que précédemment ce choix algérien pouvait séduire plutôt qu’une ville « de province » isolée et défavorisée. [Dès le début de l’après seconde guerre mondiale on a puisé dans les queues de listes des concours départementaux de recrutements d’instituteurs pour approvisionner les écoles primaires d’Algérie, en particulier celles du Sahara]. A partir de 1957, ces affectations d’office sont contrôlées par le rectorat d’Alger, exigeant un maintien sur place de deux ans pour les professeurs y résidant déjà, et de cinq ans pour les nouveaux arrivants [ces enseignants bénéficient par ailleurs d’une prime d’installation ainsi que d’une prime d’expatriation s’élevant au quart de leur salaire].

« Durant tout le mois d’octobre 2012, le présentoir thématique de la salle de lecture de la FMSH sera consacré à l’Algérie. Seront exposés quelques ouvrages des intervenants à la journée d’études et des documents (issus du fonds Autogestion de la bibliothèque) traitant des expériences autogestionnaires dans l’Algérie postcoloniale ».