C’est entre 1950 et 1954 qu’est né le dictionnaire Robert, entre Orléansville (Chlef) en Algérie et le Maroc. Cela nous concerne à Coup de soleil, parce que c’est à nous de rappeler que le Maghreb « colonial » a connu un foisonnement d’initiatives progressistes malgré un contexte politiquement autoritaire et moralement conservateur.

Qui est Paul Robert ? Le fils d’un « gros colon » producteur d’agrumes près du Chlef  (Orléansville à l’époque). Né en 1910, Paul Robert fait ses études secondaires au lycée Bugeaud d’Alger, ville où il est ensuite étudiant en droit, spécialité où il est reçu professeur agrégé en 1939. Il participe à la guerre où il travaille aux services de renseignement, ce qui le plonge dans les problèmes de « chiffre », c’est à dire de traduction et de vocabulaire. C’est à partir de là qu’il conçoit le projet d’un dictionnaire moderne de la langue française pour lequel il lance une souscription à Alger en 1950.

La société au capital de 12 millions d’anciens francs qu’il crée a pour président du conseil d’administration Jean Averseng, qui souhaite que le siège soit au Maroc, à Casablanca.

En 1952, Robert recrute ses premiers collaborateurs : d’abord Henri Clot à Alger. Puis Alain Rey, fils d’un polytechnicien, qui a fait des études de sciences politiques, d’histoire de l’art, de lettres. Il fait son service militaire comme officier en Tunisie où il découvre les problèmes coloniaux. Il se marie en 1954 avec Josette Debove. Elle et lui participeront au Dictionnaire jusqu’à leur mort (elle 2005, lui 2020). Alain Rey a-t-il au Maroc participé aux groupes « progressistes » favorables à la nouvelle indépendance du pays ? Dans la liste des signataires de l’appel des 481, en 1959, apparaît un Rey, sans prénom, professeur à Tanger. On ne saura jamais si c’est lui, en quelques sortes dissimulé. (voir notre article sur les « 481 » https://coupdesoleil.net/evenements/guerre-dalgerie-vue-depuis-le-maroc-rememorer-les-liberaux-puis-les-481-de-1959-2/

En 1954 Paul Robert recrute dans son équipe Henri Cottez, normalien et prof de lettres. On sait que ce dernier est proches du Parti socialiste unifié et qu’il a signé l’appel des 481 en 1959, où il apparaît comme professeur à Casablanca : c’est là que nous l’avons connu lors de quelques réunions, lui comme sa femme.

Ces quelques repères permettent d’établir les liens qui unissent le dictionnaire Robert en train de se composer et le milieu intellectuel progressiste maghrébin des années 1950.