Le 20 septembre 2001

11 septembre 2001. Trois avions détournés s’écrasent au cœur de l’Amérique, son cœur financier à New York, son cœur militaire à Washington. On dénombre des milliers de victimes et de disparus. Face à ce drame, l’émotion fait vite place à la colère. Ce crime odieux doit être condamné avec vigueur. Tout doit être fait pour rechercher ses commanditaires, les arrêter et les punir.

L’objectif des assassins était d’humilier la première puissance du monde et de lui montrer qu’elle n’était pas invulnérable. Cet objectif est pleinement atteint. Mais, si la preuve est faite de la culpabilité de réseaux islamistes, n’oublions pas que leur objectif principal reste avant tout de dresser, dans un combat frontal, tous les musulmans contre tous « les infidèles et les impies ». Les attentats du 11 septembre représentent donc un véritable piège, dans lequel certains Américains sont vite tombés, des plus hauts dirigeants aux plus humbles citoyens. Aux imprécations islamistes hystériques venues de Londres ou d’Islamabad, ont alors répondu les imprécations hystériques de la droite religieuse américaine, invoquant Dieu, la Bible, le combat du « Bien contre le Mal » et de nouvelles « croisades ». En Amérique comme en Europe, beaucoup de médias ont entretenu ce climat irrationnel, à coup de dramatisation, d’amalgames douteux et de visions simplistes. Les intégristes de tous bords se délectent de voir ainsi monter les tensions, les invectives et les haines. Laissera-t-on les assassins du 11 septembre gagner aussi sur ce front ?

Faut-il rappeler que, si des milliers d’hommes et de femmes, de toutes nationalités et de toutes confessions, ont péri dans les tours de Manhattan, c’est par centaines de milliers que des musulmans du monde entier meurent depuis des années sous les coups des « fous de Dieu » : en Algérie, en Asie centrale, dans tout le monde musulman, c’est d’abord à des musulmans que les intégristes se sont attaqués, ce sont les musulmans qui ont payé le plus lourd tribut à cette folie sanguinaire.

Et aujourd’hui, c’est l’immense majorité des musulmans qui doivent, en plus, subir la honte de voir ainsi la religion de leurs pères défigurée et déshonorée. Prenons garde de ne pas en rajouter. Car, à laisser se multiplier les humiliations et les agressions, en Bosnie, en Irak, en Palestine ou en Tchétchénie, et à faire aujourd’hui de l’islam un nouveau bouc émissaire, c’est la voix des mauvais bergers qui finira par s’imposer dans un monde musulman que nous aurons réduit au désespoir.

Coup de soleil est né, voici plus de 15 ans, dans un cercle d’amis originaires du Maghreb, immigrés ou rapatriés. Nous ne voulions pas que reviennent les intolérances et les affrontements qui ont marqué la colonisation puis la décolonisation et qui nous ont conduits à l’exil.

Face au drame que vient de vivre l’Amérique, notre maître mot reste, plus que jamais, la solidarité. Cette solidarité, nous tenons à la réaffirmer d’abord aux familles que la mort a frappées en Amérique. Nous voulons la témoigner également à tous les musulmans qui luttent sans relâche, au péril de leur liberté, au péril de leur vie, contre les dictatures et les obscurantismes. Nous voulons la témoigner aux militants de la paix qui se battent, en Israël et en Palestine, pour que la justice et la paix l’emportent enfin au Proche-Orient. C’est avec eux tous que nous gagnerons le combat contre l’injustice et contre la haine.