Café littéraire 5 « Littérature algérienne 2 : passions et violences »
Mehdi Charef, Salah Guermiche, Djamel Mati, Mohamed Sari, Ahmed Tiab
( Notre spectatrice est arrivée en cours d’un débat déjà amorcé… )
Salah Guemriche Passions et violences autour de Camus. Je fais parler le fils du Camus de L’Etranger dans un Alger où les indigènes sont transparents.
« Aujourd’hui Meursault est mort…Ca se passe à Alger… » L’auteur lit de nombreux extraits de son livre.
Yves Chemla C’est la question de la place de l’écriture qui est centrale. Dans « Yoli » » Djamel Mati vous mettez en place un huit clos et vous reculez le moment où le lecteur va apprendre ce qui se passe. Comment est venu ce projet ?
Djamel Mati Comment écrire la violence et les passions qu’on subit soi même ?
C’est l’histoire de trois familles qui n’auraient pas dû se rencontrer mais qui partagent le même tragique destin. Alger-Bamako. Comment faire ressortir les sentiments et les émotions de gens meurtris par une tragédie commune. L’effet de l’émigration clandestine sur les proches de la victime morte en mer. Le « Barzak » c’est comme un purgatoire où les gens se trouvent dans une ambiance oppressante, où tout le monde culpabilise sur une tragédie.
Un couple, Fatouma et Kamel a adopté une enfant Malienne. Un couple mixte, un Malien et une Algérienne, ont perdu un enfant. Une autre personne dont le fils était amoureux de Mariama qui est morte dans la traversée. Le livre traite aussi du racisme anti-noirs latent en Algérie.
Tout le monde souffre d’une même douleur mais chacun réagit à sa manière. Yoko, une chatte siamoise, est le point de convergence, à travers son regard, de ces histoires parallèles qui se rejoignent.
Yves Chemla
Les trois textes de ces trois romanciers interrogent la manière d’écrire des histoires indicibles. C’est la même chose pour le texte de Mehdi Charef.
Mehdi Charef « J’étais enfant dans la montagne pendant la guerre. Les harkis nous faisaient plus peur que les soldats français. J’ai un souvenir très violent des harkis. Je les déteste, et j’aurais pas envie de raconter cet épisode de mon enfance.
En 1962, après la guerre, je suis venu à Nanterre, dans une cité de transit d’Algériens où sur une porte de baraque il y avait un grand H comme harki. Là on a pas envie d’écrire un livre. Y’a des livres qu’on écrit pas… On a pas envie de les écrire Harki c’est encore une insulte aujourd’hui… »
Questions de la salle: Un jeune trentenaire en France depuis un an « Il faut relativiser la violence. Le traumatisme de la guerre, puis du terrorisme n’a pas été soigné. L’intégrisme n’est pas ancré dans la tête des Algériens ( )
Mohamed Sari
L’Afrique du Nord a toujours été un pays d’affrontements, de violences, depuis les Phéniciens. Ma responsabilité de romancier c’est d’essayer de comprendre. Il y a beaucoup de formes de violence.
Pourquoi tous les Algériens riches ou pauvres aiment venir en France ? Un roman c’est aussi le plaisir du texte qu’on peut lire plusieurs fois.
Une femme Elle parle de son expérience de la violence quand elle faisait partie d’une troupe en Algérie qui a du interrompre son spectacle. Pour elle il faut pouvoir faire face, continuer à vivre.
Yves Chemla Le livre est une aventure de l’imaginaire. La trame d’un récit ne résume pas un livre. La fonction de la littérature c’est de tout faire, sauf nous rassurer.
Remarque Dommage que Salah Guemriche et Kamel Daoud, qui ont chacun écrit un livre en écho à l’Etranger de Camus, n’aient pas été invités à débattre ensemble lors de ce café littéraire.
(Aldona Januszewski)