Notre lettre n’avait pas eu l’occasion de parler de littérature jeunesse. Ce récent livre de Mabrouck Rachedi nous permet d’aborder ce pan de l’édition qui offre des œuvres intéressantes et ouvre les esprits adolescents à des sujets importants.
On connaît Mabrouck Rachedi pour plusieurs romans qui on connu le succès, comme « Le petit Malik » ou « La petite Malika », ce dernier co-écrit avec sa sœur, Habiba Mahany. « Et encore « Tous les hommes sont des causes perdues ».
Dans « Toutes les couleurs de mon drapeau », l’auteur met sa remarquable capacité à faire s’exprimer l’enfance et la jeunesse au service d’un livre destiné à ce public.
Ce petit livre décrit le cheminement de Selim, bon élève de 5ème, qui va renouer avec ses racines algériennes en abandonnant un temps son statut d’enfant sage en devenant l’ami du cancre Rédouane. On est bien sûr dans une forme de « feel good movie », un récit où tout se finit bien, comme on rêverait que se déroulent les histoires de relations enseignants-élèves. Rédouane prend même goût aux études !
Mais l’auteur sait entraîner ses jeunes lecteurs dans un cheminement un peu chaotique avant d’arriver à un dénouement promettant un avenir meilleur. La prise de conscience de soi passe par un moment de révolte, d’indiscipline, de (gentille) sortie de route. C’est un cours sur la guerre d’Algérie qui est le déclencheur de cette crise. La jeune enseignante d’histoire-géographie débutante va un temps faire les frais de cette révolte, de cette prise de conscience identitaire, avant de comprendre tout le profit mutuel que ses élèves et elle peuvent en tirer. Les parents de Selim vont discipliner au passage leur course à la réussite professionnelle pour retrouver une vie plus équilibrée.
Sans avoir l’air d’y toucher, Mabrouck Rachedi propose un scenario de réconciliation mémorielle et éducative dont on peut tirer profit, une sorte de parabole amusante que peuvent certainement décrypter ses jeunes lecteurs. Quand la parole se met à circuler avec les parents et les grand-parents de Sélim, cela peut constituer un stimulus pour qu’ils aillent à leur tour solliciter les leurs pour construire leur propre univers familial…
L’auteur est aussi animateur d’ateliers d’écriture. Faire travailler de jeunes publics par l’écrit sur des récits inspirés de celui-ci produit sans nul doute de riches résultats permettant à bien des Sélim et Rédouane de prendre toute leur place dans le société, forts de leurs appartenances multiples.
Michel Wilson (repris de la Lettre culturelle franco-maghrébine N°38, novembre 2019)