A Mesdames et Messieurs les adhérents de Coup de soleil
Chers amis,
Le groupe de pilotage du Maghreb des livres a tenu, samedi 29 avril 2017, une réunion à laquelle participaient un grand nombre d’élus au conseil national d’administration de Coup de soleil. Nous avons largement évoqué la manière dont notre association devrait – ou non – réagir, face au risque que la France tombe, le dimanche 7 mai prochain, dans les filets de l’extrême droite. Comme vous le savez, nous nous gardons, par principe, de nous immiscer dans les questions de politique intérieure française et maghrébine, source évidente de division, incompatible avec notre souci majeur de rassemblement. Mais nous nous sommes toujours gardé la possibilité de le faire, chaque fois qu’en France, au Maghreb ou en Méditerranée, des évènements graves allaient à l’encontre de nos valeurs fondatrices : la paix, la justice, la liberté, l’égalité et la fraternité (1).
Nous sommes donc convenus à l’unanimité samedi, après une ample discussion, que j’adresserais au plus tôt à l’ensemble des participants un projet de prise de position sur ce vote du second tour aux élections présidentielles françaises. Je l’ai fait ce mardi 2 mai au matin et les deux journées des 2 et 3 mai ont été marquées par de fructueux échanges de courriers électroniques qui nous ont permis d’élaborer hier soir une dernière version du texte, approuvée ce matin par le C.A.
Ce texte est donc maintenant une nouvelle prise de position « officielle » de l’association Coup de soleil et je vous l’adresse ci-joint : libre à vous, si vous l’estimez utile, de la diffuser plus largement.
Je vous assure, Madame, Monsieur, chers amis, de mes sentiments les plus cordiaux.
Pour mémoire, nous avons pris position à plusieurs reprises, depuis la naissance de l’association en 1985 sur : l’assassinat de Malik Oussekine en 1986, les assassinats de jeunes Français Maghrébins dans les années 90, les menaces contre le droit du sol en matière de nationalité (1994), les deux guerres d’Irak, la décennie noire en Algérie, les soubresauts du conflit israélo-palestinien et les « guerres de Gaza », la guerre en Bosnie, les attentats du 11-Septembre 2000, les révoltes de 2005 en banlieue, les révolutions arabes de 2011, les attentats de 2015 et 2016, etc.
Georges MORIN
Dimanche 21 avril 2002, résultats du 1er tour de l’élection présidentielle française : le leader de l’extrême droite est qualifié pour le second tour (16,86%), face au président sortant (19,88%). Toute la France est sidérée : c’est bien sûr la joie, presque incrédule, de celles et ceux qui ont voté Le Pen. L’immense majorité de tous les autres, de toutes opinions, refusent que la France prenne le visage d’un candidat nostalgique de la collaboration avec l’occupant nazi, fier d’avoir torturé durant la guerre d’Algérie, ouvertement anti-juif et anti-musulman, qui sème la peur, le rejet et la haine de l’autre. Dix jours plus tard, le 1er mai 2002, ce sont des millions de Français qui descendent dans la rue, dans toutes les villes de France, avec leurs partis, leurs syndicats et leurs associations, pour clamer leur refus de l’extrême droite et leur appel à voter Chirac, seule solution évidente pour éviter le pire ! Les adhérents de Coup de soleil ont alors massivement participé aux manifestations de Paris, Lyon, Marseille, Montpellier et Toulouse. De manière toujours « a-politique » et toujours « positive », comme le veut la charte de notre association, nous défilions à Paris sous la banderole « Pour une société française sûre d’elle-même, ouverte au monde et fraternelle », texte qui figure dans l’article 2 de nos statuts.
Résultat du second tour : 82,21% des suffrages exprimé pour Chirac et 17,79% pour Le Pen. Quel soulagement ! Malheureusement, peu de responsables politiques ont ensuite tiré les enseignements de cette première alarme. Les dérèglements climatiques, économiques, financiers, sociaux et
politiques se sont encore amplifiés dans le monde : explosion des inégalités, montée des intégrismes religieux, multiplication des conflits, recul des droits de l’homme et de la démocratie, ces phénomènes ne cessent de malmener et de fracturer gravement toutes nos sociétés.
Dimanche 23 avril 2017, quinze ans après, résultats du 1er tour de l’élection présidentielle française : les deux grands partis de droite et de gauche sont éliminés, la cheffe de l’extrême droite est qualifiée pour le second tour (21,30%), face au candidat du mouvement « En marche » (24,01%). Mais la France semble davantage ébranlée par l’implosion des deux grandes forces républicaines que par la qualification de l’extrême droite !… Entretemps il est vrai, le parti qui l’incarne n’a cessé de progresser en pourcentage de voix. Mais, bien pire, ses « idées » de peur et de haine ont gangrené beaucoup d’esprits, en France comme en Europe et dans le monde. Et puis les sondages nous ont préparés à cette présence probable de Le Pen au
second tour. Dès lors, ce ne sont que de maigres cohortes, aux slogans parfois ambigus, qui se sont manifestées dans cet entre-deux-tours du 1er mai 2017. De pitoyables calculs politiciens, à droite comme à gauche, continuent à occuper l’actualité, accroissant, chez nos concitoyens, la confusion et l’incertitude sur leur vote du 2ème tour.
Pour Coup de soleil, les choses sont claires : comme en 2002, et même beaucoup plus qu’en 2002, le danger est immense et on ne saurait y opposer des réponses alambiquées. Pour celles et ceux qui adhèrent à Coup de soleil, qui en sont proches, qui partagent nos valeurs et veulent continuer à vivre dans une SOCIÉTÉ FRANÇAISE SÛRE D’ELLE-MÊME, OUVERTE AU MONDE ET FRATERNELLE, le choix est clair : – pas de vote Le Pen, cela va de soi ! / – pas davantage de refuge illusoire dans l’abstention puisque ce « non-vote » augmentera automatiquement le pourcentage des voix de cette
candidate, défigurant un peu plus la France que nous aimons. / – pas d’autre choix que de mettre dans l’urne, le 7 mai prochain, un bulletin Macron ! Chacun(e) pense ce qu’il veut du candidat et de son programme. Mais, contribuer à le faire élire, c’est au moins la certitude que la liberté, l’égalité et la fraternité ne seront pas remises en cause dans notre pays. C’est aussi la certitude que chacun(e) pourra ensuite exercer librement son choix de soutenir ou de combattre la politique du nouveau président, et ce dès les élections législatives des 11 et 18 juin 2017.
Pour ce qui nous concerne, nous saurons rappeler au nouveau pouvoir qu’il doit s’attaquer sans tarder aux causes profondes du désespoir qui atteint aujourd’hui tant de nos compatriotes. Coup de soleil sera particulièrement vigilant sur les politiques qui devront être rapidement engagées pour traquer sévèrement toutes les formes de discriminations et pour réduire les fractures économiques, sociales et culturelles qui entravent la pleine intégration de notre jeunesse au sein de la nation.
A Paris, 4 mai 2017.
Pour le conseil national de Coup de soleil, le président : Georges Morin