Éditorial

Nous vivons une Ă©poque oĂč on peut se rĂ©jouir que la parole soit enfin aux femmes. Elles profitent de cette libertĂ© qui leur est maintenant offerte pour s’exprimer sur des tons trĂšs variĂ©s, comme le prouvent les trois exemples que nous avons retenus ce mois-ci, pour reprĂ©senter chacun des trois pays du Maghreb.

Rachida Brakni, actrice se dĂ©couvrant une vocation pour l’écriture romanesque, reprĂ©sente l’AlgĂ©rie dans un hommage Ă  son pĂšre intitulĂ© « Kaddour ». La Marocaine Hurya utilise son propre nom ou prĂ©nom comme titre de son livre, c’est dire qu’elle Ă©crit au plus prĂšs d’elle-mĂȘme, dans une totale subjectivitĂ©. En revanche la Tunisienne Azza Filali faisant Ɠuvre d’anthropologue en mĂȘme temps que de romanciĂšre, choisit d’écrire pour les autres, dĂ©signant sous le nom de « Malentendues » ces femmes de Djerba qu’on entend si peu et si mal et qui pourtant la renvoient Ă  elle-mĂȘme, dont elles semblent si Ă©loignĂ©es.

L’histoire de l’AlgĂ©rie, que ce soit au Sahara ou dans les djebels, offre des possibilitĂ©s de relecture et ne cesse d’en faire sentir la nĂ©cessitĂ©. Il en est ainsi pour les Ă©crits d’Isabelle Eberhardt qui s’est tenue soigneusement dans les rĂ©gions situĂ©es au sud du pays, Ă©vitant la frĂ©quentation des colons au profit des espaces immenses du dĂ©sert. C’est son attitude Ă  l’égard des femmes qu’explore  le prĂ©sent volume de ses Ă©crits, intitulĂ© par les Ă©ditions Ardemment  « OĂč l’amour alterne avec la mort ». L’historien anglais Neil Macmaster s’est lui aussi Ă©loignĂ© d’Alger et des villes et s’est donnĂ© pour champ d’études la rĂ©gion du ChĂ©liff, Ă  l’ouest d’Alger, connue pour avoir fourni de trĂšs nombreux combattants Ă  la guerre d’AlgĂ©rie.

La bande dessinée du mois est le bel album Oum Kalsoum de Farid Boudjellal et Martine Lagardette que Michel Wilson vous fera découvrir.

Les Notes incluses dans la lettre permettent d’attirer l’attention sur quelques Ă©vĂ©nements culturels, c’est ainsi que les proches de Coup de soleil se rĂ©jouiront que la compagnie Novecento ait consacrĂ© un de ses spectacles Ă  la poĂ©sie algĂ©rienne, grĂące Ă  la comĂ©dienne Nadia LarbiouĂšne accompagnĂ©e du musicien Nacer Hamzaoui.

Enfin c’est d’un trĂšs beau film, poĂ©tique et tragique, que parle la prĂ©sente Lettre, « Par-delĂ  les montagnes », du rĂ©alisateur tunisien  Mohamed Ben Attia.

Denise Brahimi

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« Et de nous qui se souviendra ? », créé et produit par Nicole Guidicelli, auteure indĂ©pendante, est un podcast qui donne la parole aux derniers pieds-noirs. Il est en ligne sur toutes les plateformes d’écoute et de tĂ©lĂ©chargement (Google Podcast, Apple Podcast, Spotify, Deezer
). 

Hommage Ă  une communautĂ© en voie de disparition, il a pour objectif d’aider les pieds-noirs Ă  transmettre. Il s’adresse Ă  leurs descendants, aux enseignants qui souhaitent parler de la guerre d’AlgĂ©rie, et plus largement Ă  tous ceux qui s’intĂ©ressent aux exils et Ă  la rĂ©silience. Il interroge l’exil comme acte fondateur ainsi que les questions d’identitĂ©, d’invisibilitĂ© et d’intĂ©gration. Il pose Ă©galement la question de la transmission et de la mĂ©moire des pieds-noirs.

Le projet a dĂ©marrĂ© en janvier 2022, annĂ©e de commĂ©moration du 60e anniversaire de la fin de la guerre d’AlgĂ©rie.

Pour écouter les épisodes déjà parus : https://podcast.ausha.co/et-de-nous-qui-se-souviendra

 

« KADDOUR » de Rachida Brakni, éditions Stock, 2024

Rachida Brakni est bien connue du public français, sinon plus, en tant qu’actrice dont le talent a Ă©tĂ© consacrĂ© par de nombreux succĂšs, au théùtre, au cinĂ©ma et Ă  la tĂ©lĂ©vision. On sait aussi qu’étant pensionnaire Ă  la ComĂ©die française, elle l’a quittĂ©e volontairement pour ĂȘtre plus libre dans le choix de ses activitĂ©s. Cependant jusqu’ici on ne savait qu’elle Ă©tait ou pouvait ĂȘtre aussi Ă©crivain et « Kaddour », qu’elle publie aujourd’hui Ă  l’ñge de 47 ans, est son premier roman.

Ce rĂ©cit est entiĂšrement consacrĂ© Ă  son pĂšre Kaddour, comme l’indique le titre qu’elle a choisi. Et mĂȘme si la matiĂšre du livre va bien au-delĂ  des quelques jours qu’elle dĂ©crit en dĂ©tail, ce sont pourtant eux qui donnent son cadre au rĂ©cit. Elle se place en tant qu’écrivaine dans les moments qui prĂ©cĂšdent et suivent la mort de Kaddour, en plein mois d’aoĂ»t 2020, alors que bat son plein l’épidĂ©mie du covid, qui pourtant n’est pas la cause de ce dĂ©cĂšs. Kaddour Ă©tait physiquement trĂšs fatiguĂ©, voire dĂ©truit, bien qu’ayant gardĂ© toute la force et la luciditĂ© de son esprit. Il avait Ă©tĂ© dĂ©clarĂ© inapte au travail, ce qui l‘avait laissĂ© trĂšs dĂ©semparĂ©, du fait qu’il Ă©tait venu en France pour travailler (comme ce personnage africain dont Romain Gary dit qu’il Ă©tait venu en France pour la balayer).

Si l’on voulait prĂ©senter de maniĂšre aussi brĂšve que possible le rĂ©cit de Rachida Brakni, on pourrait dire que c’est l’hommage d’une fille Ă  son pĂšre, dont elle dĂ©couvre finalement qu’elle l’a bien peu et mal connu. Et pourtant, malgrĂ© les apparences, elle n’a jamais oubliĂ© les 20 annĂ©es ou plus d’affection et de tendresse qu’ils ont partagĂ©es, jusqu’à ce qu’elle s’envole vers ce qui sera sa trĂšs brillante destinĂ©e, sans parler de son mariage (avec Eric Cantona) et de leurs enfants (mais c’est Ă  peine si elle les Ă©voque dans son rĂ©cit dont ce n’est pas le sujet).

Le rĂ©cit vaut par sa transparence et sa douceur, on n’y trouve jamais la violence pourtant attendue (mais sans doute Ă  tort, comme on s’en avise grĂące Ă  Rachida Brakni !) lorsqu’il s’agit d’enfance et d’adolescence Ă©voquĂ©es par les nombreux rĂ©cits autobiographiques de Franco-AlgĂ©rien(ne)s appartenant comme on dit Ă  la deuxiĂšme gĂ©nĂ©ration : comme Rachida Brakni ils sont nĂ©s en France de parents venus s’y installer Ă  l’ñge adulte, dans les conditions matĂ©riellement difficiles des banlieues : Athis-Mons dans l’Essonne pour ce qui concerne la famille Brakni. A aucun moment dans « Kaddour » il n’est fait allusion Ă  un Ă©cart culturel que les parents auraient eu Ă  vivre entre leur milieu d’origine en AlgĂ©rie et leur pays d’adoption. L’auteure est pourtant sensible de ce qui en a Ă©tĂ© de leur adaptation progressive, par Ă©tapes sans doute, dont l’une qu’elle Ă©voque plus spĂ©cialement : le moment oĂč au sein de la famille on se met Ă  parler français, et non plus en « darija » qui est la langue parlĂ©e dialectale en AlgĂ©rie —et ce trĂšs naturellement sous l’influence de la plus jeune sƓur de Rachida. Celle-ci en effet est non seulement formĂ©e Ă  l’école française mais par tout un environnement qui efface peu Ă  peu la culture familiale apportĂ©e par les parents dans leur immigration.

Celle-ci ne sera rejointe, de façon purement symbolique, qu’aprĂšs le dĂ©cĂšs de la premiĂšre gĂ©nĂ©ration dont fait partie Kaddour. En dĂ©pit des complications causĂ©es par le covid, son corps est renvoyĂ© en AlgĂ©rie et c’est donc dans cette terre-lĂ  qu’il est enseveli.

Que dire pour sa fille Rachida ? C’est bien tard semble-t-il pour que, concrĂštement, elle en vienne Ă  pratiquer une double culture mais ce livre signifie qu’en revanche l‘attachement affectif (sinon culturel) reste trĂšs fort —et peut-ĂȘtre mĂȘme d’autant plus fort qu’il n’est pas liĂ© Ă  des rĂ©alitĂ©s vĂ©cues au quotidien.

Denise Brahimi

« HURIYA » par Huriya, Le Nouvel Attila, 2021, éditions Points 2023

Ce livre est un roman, dont on peut supposer qu’il comporte plusieurs Ă©lĂ©ments autobiographiques, mais on comprend aussi que vu le caractĂšre sulfureux et transgressif de son contenu, l’auteure soit vouĂ©e Ă  Ă©crire sous pseudonyme. On dit qu’elle a dĂ©jĂ  publiĂ© une dizaine de romans mais toujours dans l’anonymat.

Cette auteure et/ou son personnage se situe sous le signe du double, vivant Ă  la fois en France et au Maroc, avec un passeport pour chacun des deux pays et marquĂ©e plus encore, dĂšs la naissance, par une double identitĂ© sexuelle, qui vient de ce qu’elle est pourvue Ă  la fois des organes sexuels masculins et fĂ©minins. Du moins en est-il ainsi dans toute une partie du livre mais vient ensuite le moment oĂč ayant quittĂ© le Maroc pour la France, elle a recours Ă  la chirurgie et au scalpel pour se dĂ©barrasser de la partie masculine de son anatomie, non seulement sans regret mais avec une trĂšs grande joie. En fait elle se sent profondĂ©ment femme et telle est sa vĂ©ritable nature, Ă  quoi il faut ajouter qu’il s’agit dans son cas d’une femme homosexuelle : ayant rencontrĂ© Ă  Paris une lesbienne convaincue, Myriam, d’origine marocaine, elles vivent ensemble une passion intense et durable, en toute libertĂ©.

Ce dernier mot, qui se retrouve dans le prĂ©nom arabe d’Huriya, est ce qui fait toute la diffĂ©rence entre le Maroc et la France et donc entre les deux parties du livre qui Ă  cet Ă©gard est construit comme le roman « Orlando » de Virginia Woolf : dans la premiĂšre partie, le personnage est supposĂ© ĂȘtre un garçon ou un homme, dans la seconde, c’est une femme—maniĂšre d’aborder par la littĂ©rature cette question si actuelle de la diffĂ©rence des sexes et de tout ce qu’elle induit. A dire vrai, pour l’auteure Huriya, la question n’est nullement thĂ©orique, elle prend au contraire la forme trĂšs ciblĂ©e d’une mise en accusation, violente et agressive, de tout ce qui concerne la place de la sexualitĂ© dans la vie marocaine et plus prĂ©cisĂ©ment encore de l’infĂ©rioritĂ© dans laquelle est tenue la femme, hyper sexualisĂ©e et non moins humiliĂ©e et mĂ©prisĂ©e.

Huriya dĂšs l’ñge de 5 ou 6 ans est abandonnĂ©e par sa mĂšre et dĂšs lors Ă©levĂ©e par ses grands-parents, et notamment par sa grand-mĂšre, femme berbĂšre d’une autoritĂ© implacable, qui soumet tout Ă  sa volontĂ©. Pas le moindre doute pour elle : au Maroc, il faut ĂȘtre un homme et surtout pas une femme, le statut de celle-ci Ă©tant forcĂ©ment dĂ©sastreux. Donc Houriya se doit d’ĂȘtre un garçon, sous le nom de Moulay SaĂŻd, alors mĂȘme que dans le couple de ses grands-parents, c’est Ă©videmment la femme qui commande, tandis que le grand-pĂšre lui est entiĂšrement soumis, ayant abdiquĂ© toute volontĂ©. Le paradoxe n’est qu’apparent car la grand-mĂšre fait partie de cette catĂ©gorie de femmes qui ont plus d’un moyen de s’en tirer Ă  leur avantage, sachant user de la ruse, du mensonge Ă©hontĂ©, d’une hypocrisie constante dans les relations sociales et de la peur inspirĂ©e aux plus faibles, qui redoutent l’immanquable rĂ©torsion. De toute façon, dans sa vision du monde, il n’y a aucun compte Ă  tenir de son mari le Francaoui. Tout ce qui concerne le rapport des sexes (et sans doute le rapport de forces en gĂ©nĂ©ral) n’a de sens que dans le contexte de la sociĂ©tĂ© marocaine telle qu’elle est et dont personne n’a l’air d’imaginer ni peu ni prou qu’elle pourrait un jour changer.

Dans ce petit monde tel qu’il est et contre lequel Huriya l’auteure est en profonde rĂ©volte, les femmes n’ont d’autre sens que d’ĂȘtre entiĂšrement Ă  la disposition des hommes, Ă  tous Ă©gards mais principalement Ă  celui de la sexualitĂ©. Parler de harcĂšlement semble dĂ©risoirement bĂ©nin, tout se passe comme si l’activitĂ© principale des hommes Ă©tait de s’approprier les femmes dont on n’imagine mĂȘme pas qu’elles puissent avoir un avis et encore moins l’exprimer.

Mais par ailleurs, ce n’est pas du tout contre la recherche du plaisir que s’élĂšve Huriya, qui au contraire dĂ©fend avec Ă©nergie le plaisir fĂ©minin et cherche Ă  l’affirmer comme un droit. Dans ce livre trĂšs riche en descriptions explicites et crues de la jouissance, celle des femmes n’est pas moins Ă©voquĂ©e que celle des hommes, que ce soit sous des formes dissimulĂ©es ou exhibĂ©es mais condamnĂ©es socialement. Il y a vers la fin du livre des pages magnifiques sur les prostituĂ©es de Marrakech, pitoyables et misĂ©rables peut-ĂȘtre mais non moins flamboyantes.

On ne peut confondre « Huriya » avec une sorte de pamphlet ou de violente critique sociale mĂȘme s’il en fait comprendre l’importance voire l’urgence, comme d’autres aussi l’ont fait (la plus connue de ces auteures Ă©tant en France LeĂŻla Slimani). A aucun moment Huriya ne semble se situer Ă  quelque distance de son sujet. Elle s’y immerge au contraire complĂštement et de la maniĂšre la plus personnelle qui soit. Ce n’est pas un hasard si le titre du livre et le nom de l’auteure sont exactement les mĂȘmes : « Huriya par Huriya ». L’auteure ne se situe pas en position de voyeuse par rapport Ă  tout ce qu’elle dĂ©crit et c’est sans doute pour cette raison qu’on hĂ©site Ă  parler de pornographie malgrĂ© la grande cruditĂ© de tout ce qui est dit de la sexualitĂ©. Les mots semblent Ă  la hauteur des comportements, et tout aussi inscrits dans la rĂ©alitĂ©. Ce livre crĂ©e l’étonnement parce qu’il est capable de mĂȘler la grossiĂšretĂ© Ă  la poĂ©sie de Baudelaire, dont il fait sa rĂ©fĂ©rence littĂ©raire absolue.

Denise Brahimi

« MALENTENDUES » par Azza Filali, roman, éditions Elyzad, 2024

La lecture de ce roman donne le sentiment qu’on est conduit par une main sĂ»re au long d’un rĂ©cit passionnant, dont l’intĂ©rĂȘt est Ă  la fois documentaire et romanesque. L’auteure en effet est loin d’ĂȘtre une dĂ©butante, elle est reconnue comme une valeur sĂ»re de la littĂ©rature tunisienne Ă  laquelle elle a dĂ©jĂ  fourni plusieurs romans, alors qu’elle est aussi spĂ©cialiste de mĂ©decine hospitaliĂšre et philosophe. Ce n’est donc pas pour suivre le courant dominant dans nos prĂ©occupations d’aujourd’hui qu’Azza Filali consacre ce dernier livre aux femmes de son pays et nous montre son hĂ©roĂŻne, Esma, soucieuse s’il se peut d’aider certaines d’entre elles, mais parce que ce sujet lui permet d’évoquer un sujet essentiel Ă  la fois pour la Tunisie et pour elle-mĂȘme, ajoutant toute la richesse de sa rĂ©flexion personnelle aux apports de l’histoire et de la sociologie.

Elle ne peut manquer de rattacher l’histoire des femmes tunisiennes Ă  ce qui a Ă©tĂ© pour elles une avancĂ©e exceptionnelle et dĂ©terminante au moment oĂč le leader rĂ©volutionnaire Bourguiba est devenu prĂ©sident de la Tunisie indĂ©pendante en 1956, promulguant aussitĂŽt le CSP ou Code du statut personnel riche de rĂ©formes jusqu’alors impensables dans un pays arabo-musulman.

Mais ce n’est pas des Tunisoises qu’il est question dans ce roman, dans lequel Azza Filali, s’éloignant du centre politique du pays, s’intĂ©resse au contraire Ă  ce qu’il en est Ă  son autre extrĂ©mitĂ© gĂ©ographique trop peu documentĂ©e (mĂȘme ou justement parce qu’elle est devenue Ă  date rĂ©cente un haut lieu touristique), Ă  savoir l’üle de Djerba, connue depuis l’AntiquitĂ© mais ayant gardĂ© pour cette raison mĂȘme des usages archaĂŻques. L’auteure est trop bonne romanciĂšre pour surcharger son livre de savoir sociologique, on y apprend cependant qu’on trouve encore Ă  Djerba des reprĂ©sentants d’un islam devenu trĂšs rare dans le monde d’aujourd’hui, les Ibadites. Il semble bien que son hĂ©roĂŻne Esma ait beaucoup Ă  apprendre sur les mƓurs en usage sinon partout Ă  Djerba du moins dans la partie de l’üle oĂč elle est venue pour une enquĂȘte trĂšs officielle de trois mois sur le degrĂ© d’émancipation des femmes et l’aide qui peut leur ĂȘtre apportĂ©e. Cette enquĂȘte est initiĂ©e par la communautĂ© europĂ©enne, ce qui certes peut passer pour un gage de financement mais signifie aussi Ă  tous Ă©gards une distance cruellement Ă©vidente avec les femmes de Djerba, que le roman au contraire nous donne Ă  connaĂźtre Ă  travers des exemples vivants et concrets.

Ici s’impose un commentaire sur le titre judicieux qu’Azza Filali a donnĂ© Ă  son roman. « Malentendues » au fĂ©minin pluriel n’est pas un mot habituellement utilisĂ© sous cette forme, le mot connu est « malentendu » au masculin singulier employĂ© pour parler d’une mĂ©sentente ou d’une mĂ©prise qui se produit lorsque quelque chose (une situation par exemple) a Ă©tĂ© mal compris. Le mot « malentendues » est une invention d’Azza Filali pour parler de ces femmes de Djerba que personne ne se soucie d’écouter, certainement pas leur entourage ni leur mari, mais qui d’autre ? A dire vrai personne, et il faut un certain temps Ă  Esma elle-mĂȘme pour comprendre qu’elle doit d’abord et avant toute chose les Ă©couter. Ce qui n’est pas Ă©vident du fait qu’elles sont devenues mutiques par habitude ancestrale de se taire, alors mĂȘme que, comme on va bientĂŽt le dĂ©couvrir, elles ont beaucoup Ă  dire Ă©tant sur elles-mĂȘmes et sur leur condition d’une totale luciditĂ© – mais aussi d’une totale impuissance.

De cette derniĂšre, le roman donne un exemple, tout Ă  fait tragique, celui d’une jeune femme que son mari bat rĂ©guliĂšrement, avec une grande violence. La derniĂšre fois est de trop, elle ouvre la fenĂȘtre et se jette au sol du balcon : suicide rĂ©ussi, Ă  la consternation gĂ©nĂ©rale elle se tue, aprĂšs quoi Esma dĂ©cide d’abandonner son enquĂȘte, qui en effet ne peut manquer de paraĂźtre dĂ©risoire puisqu’elle n’a aucun effet sur les rĂ©alitĂ©s de ce pays.

Azza Filali a une grande maĂźtrise de l’écriture romanesque, recourant ici Ă  un procĂ©dĂ© caractĂ©ristique de cet art : il s’agit d’entremĂȘler une histoire personnelle Ă  l’histoire collective, et de jouer sur les rapports entre les deux, ressemblances, diffĂ©rences, correspondances variĂ©es. Esma qui au dĂ©part est assez naĂŻve, toute fĂ©ministe qu’elle est, va se dĂ©couvrir elle-mĂȘme Ă  mesure qu’elle approche davantage les femmes de Djerba. Elle est loin d’ĂȘtre une Ă©pouse heureuse et sur le plan conjugal sa vie est une impasse – ce dont elle prend d’autant plus conscience qu’elle rencontre Ă  Djerba un homme dont elle s’éprend, et rĂ©ciproquement. Les circonstances font de lui un homme libre, mais est-il capable d’une sorte de coup de force contre le destin qui entraĂźnerait Esma Ă  le rejoindre dans un acte libre et audacieux ? La romanciĂšre nous laisse le soin d’en juger nous-mĂȘmes, ce qui est de sa part d’une grande habiletĂ© tant il est vrai que tout choix dĂ©clarĂ© provoquerait en nous des rĂ©actions contraires. Son but est de nous faire rĂ©flĂ©chir et pas de nous enfermer dans une solution exclusive.

Tout au long du livre et malgrĂ© la gravitĂ© des sujets qu’elle aborde, Azza Filali maintient le parti d’une Ă©criture alerte, dĂ©licatement humoristique et parfois d’une cruditĂ© assez plaisante lorsqu’elle donne la parole Ă  l’une de ses nouvelles amies de Djerba. Puisqu’il est beaucoup question du plaisir dans ce livre, il serait dommage que celui de la lecture soit oublié !

Denise Brahimi

« OU L’AMOUR ALTERNE AVEC LA MORT » d’Isabelle Eberhardt. Editions Ardemment, 2023

Isabelle Eberhardt est morte dans le sud de l’AlgĂ©rie en octobre 1904, emportĂ©e Ă  27 ans par la crue d’un oued qui a mis fin Ă  sa courte vie : elle Ă©tait nĂ©e Ă  GenĂšve (quoique d’origine russe) en 1877.

Et pourtant il semble Ă©vident que sa place parmi nous s’impose aujourd’hui. C’est une femme dont le destin fut jugĂ© en son temps absolument singulier, lorsqu’elle dĂ©cida de rester seule en AlgĂ©rie aprĂšs la mort de sa mĂšre Ă  BĂŽne (Annaba) en 1897. D’autant qu’elle fit choix du sud du pays, rĂ©gion saharienne donc dĂ©sertique particuliĂšrement difficile Ă  vivre (d’un point de vue occidental), alors que le moment Ă©tait venu oĂč une sociĂ©tĂ© d’origine europĂ©enne et d’importance non nĂ©gligeable s’était installĂ©e dans le nord.

Mais c’est justement de cette installation qu’Isabelle Eberhardt ne veut pas. Elle se sent proche des nomades et aime partager leur mode de vie – de mĂȘme que leur Ă©tat d’esprit ou leur Ă©tat d’ñme. Si diffĂ©rente qu’elle fĂ»t des femmes bĂ©douines, son empathie Ă  leur Ă©gard est omniprĂ©sente dans ce qu’elle Ă©crit. Et c’est de ces femmes que parle le livre publiĂ© par les Ă©ditions Ardemment (Paris). Il n’est ni une biographie ni un essai consacrĂ© Ă  cette femme Ă©tonnante et singuliĂšre que fut Isabelle mais un choix de textes justifiant sa publication dans la collection « Les Ardentes » consacrĂ©e aux femmes. Cependant on peut aussi lire ces textes comme un « Isabelle Eberhardt par elle-mĂȘme » composĂ© Ă  partir de textes publiĂ©s de son vivant, ce qui signifie qu’ils sont authentiques
 et non remaniĂ©s Ă  posteriori. Le recueil est illustrĂ© de dessins faits par Isabelle dans le dĂ©sert.

Bien avant les derniĂšres annĂ©es de sa vie tragiquement Ă©courtĂ©e et avant mĂȘme qu’elle ait 20 ans, Isabelle Eberhardt a eu l’idĂ©e que l’essentiel pour elle Ă©tait de devenir Ă©crivaine – non sans constater une grande difficultĂ© Ă  se faire publier. S’agissant des textes regroupĂ©s dans ce livre, cette Ă©dition indique oĂč et quand on a pu les lire pour la premiĂšre fois.

Son titre « OĂč l’amour alterne avec la mort » est empruntĂ© Ă  une nouvelle du recueil  et signifie le destin tragique de ces femmes victimisĂ©es.

Quoi qu’il en soit c’est un ensemble de 16 nouvelles ou courts rĂ©cits, parfois appelĂ©s contes, ou encore pour reprendre une formule un peu Ă©nigmatique «VariĂ©tĂ© littĂ©raire ». La fiction et l’observation s’y mĂȘlent et l’on sent par-dessus tout la prĂ©sence de l’auteur, sa sensibilitĂ©, sa spiritualitĂ© aussi, inspirĂ©e par l’islam dont elle avait fait sa religion, mais sans le moindre souci d’orthodoxie religieuse, la soumission et la dĂ©votion Ă©tant tout Ă  fait Ă  l’opposĂ© de son caractĂšre rebelle : elle y aurait vu sans doute le contraire de cet « amour » dont il est question dans le titre, au sens oĂč elle l’entendait.

C’est en AlgĂ©rie qu’Isabelle Eberhardt a connu celui qu’elle chĂ©rissait et qui deviendra son mari en 1901, SlimĂšne Ehnni. Il Ă©tait spahi et de ce fait de nationalitĂ© française, bien qu’AlgĂ©rien musulman : la cavalerie indigĂšne des spahis Ă©tait intĂ©grĂ©e Ă  l’ArmĂ©e française d’Afrique. Entre Isabelle et Slimane, il y eut une trĂšs belle et Ă©mouvante histoire d’amour, sur laquelle elle s’est exprimĂ©e Ă  la fois crĂ»ment et pudiquement, ce paradoxe Ă©tant une des singularitĂ©s de son Ă©criture. On croit comprendre (en fait elle le dit assez clairement) que dans ce couple, c’était elle qui tenait le rĂŽle de l’homme, eu Ă©gard aux canons traditionnels du masculin et du fĂ©minin. De toute maniĂšre, pour Isabelle, toute espĂšce de modĂšle idĂ©al Ă©tait a priori ignorĂ© et exclu. Ils avaient semble-t-il trouvĂ© une sorte d’équilibre satisfaisant pour l’une et l’autre dans le fait que SlimĂšne Ă©tait Ă  son Ă©gard totalement soumis.

En dehors mĂȘme de toute pratique sexuelle, Isabelle Ă©tait remarquablement apte Ă  passer du fĂ©minin au masculin ce qui se voit notamment dans la diversitĂ© de ses noms et prĂ©noms supposĂ©s signifier son appartenance Ă  tel ou tel genre. Mahmoud Saadi Ă©tait une des maniĂšres dont elle se dĂ©signait frĂ©quemment elle-mĂȘme et c’est ainsi par exemple qu’elle signe le premier texte du recueil intitulĂ© « L’ñge du nĂ©ant » : Mahmoud Saadi, Marseille, 3 novembre 1899. Il lui arrive aussi d’utiliser des hĂ©tĂ©ronymes, par exemple pour le texte intitulĂ© « Per fas et nefas » qu’elle signe N.Podolinsky (une rĂ©fĂ©rence sans doute Ă  son origine russe ? ). S’il est tout Ă  fait vrai que le choix d’une pseudo-identitĂ© masculine s’explique par les mƓurs du temps et que c’était une facilitĂ© d’ailleurs assez courante chez les femmes Ă©crivaines ou artistes pour Ă©viter les curiositĂ©s intempestives, la tendance d’Isabelle au travestissement semble liĂ©e Ă  des dispositions profondes de son ĂȘtre plus encore qu’à une solution de facilitĂ©. Et c’est cette mobilitĂ© Ă  l’intĂ©rieur des genres qui la rend si proche de notre Ă©poque.

En 2024 ce qui nous Ă©tonne et que nous admirons est le courage qu’elle a eu pour assumer, sans hĂ©sitation, sa propre complexitĂ©. Du scandale, s’il devait y en avoir, elle se souciait peu, mais c’est vis Ă  vis d’elle-mĂȘme qu’il Ă©tait sans doute plus difficile de se savoir ou de se croire une rarissime exception.

Denise Brahimi

« GUERRE DANS LES DJEBELS, société paysanne et contre-insurrection en Algérie », 1918-1958 par Neil MacMaster, éditions du Croquant, 2024

Bien que le titre prĂ©cise que ce gros travail d’historien remonte jusqu’au lendemain de la premiĂšre guerre mondiale, on y aura reconnu les traces d’un dĂ©bat, qui certes n’est pas facile Ă  rĂ©gler, sur la place de la paysannerie dans la guerre d’indĂ©pendance algĂ©rienne – dĂ©bat d’autant plus prĂ©sent qu’il est alimentĂ© par les prises de position de Frantz Fanon dont l’actualitĂ© ne cesse d’ĂȘtre rĂ©affirmĂ©e. Mais enfin, dira-t-on Ă  juste titre, peut-on minimiser Ă  ce point ce qu’a Ă©tĂ© l’action et l’organisation du FLN dans les grandes villes, en milieu ouvrier et notamment Ă  Paris ? Ce livre d’un historien anglais spĂ©cialiste d’histoire algĂ©rienne se situe gĂ©ographiquement dans la rĂ©gion du ChĂ©lif dont la paysannerie a Ă©tĂ© considĂ©rĂ©e, aussi bien par le parti communiste algĂ©rien que par le FLN, comme une rĂ©serve inĂ©puisable de combattants pour l’indĂ©pendance. Il est donc trĂšs normal qu’il se concentre sur son sujet, ce qu’il fait avec une extrĂȘme minutie dont tĂ©moigne son plan en 19 chapitres, eux-mĂȘmes regroupĂ©s en 4 grandes parties. Et c’est Ă  partir du chapitre 12 qu’on entre dans la guerre Ă  proprement parler, Ă  partir de septembre 1954.

Le premier ensemble prĂ©cĂ©dant cette date Ă©tudie la situation dans la plaine du ChĂ©lif Ă  l’époque coloniale, alors que s’exerce la domination des colons français. Dans les djebels, c’est-Ă -dire en l’occurrence dans les forĂȘts, elle rencontre une rĂ©sistance paysanne, dont on ne sait s’il est juste de l’appeler banditisme (c’est le mĂȘme dĂ©bat que de nos jours pour l’emploi du mot « terrorisme »). A partir de 1936, l’auteur consacre beaucoup de soin Ă  Ă©tudier le rĂŽle des caĂŻds et notamment leur politique du double jeu, ainsi que les tentatives de l’Etat, qui Ă©chouent, pour moderniser la paysannerie.

Le parti communiste organise la masse des travailleurs agricoles sous la forme d’un syndicat paysan. Neil MacMaster prĂȘte d’ailleurs beaucoup d’attention, pendant toute la pĂ©riode qui va jusqu’en 1948, au rĂŽle du parti communiste – il appartient aux historiens de dire si sa position en cela est originale ou si en revanche elle correspond Ă  ce qu’on savait dĂ©jĂ  plus ou moins. Les notes infrapaginales qu’on trouve dans ce livre sont trĂšs dĂ©veloppĂ©es et devraient fournir aux spĂ©cialistes toutes les prĂ©cisions dĂ©sirables. C’est Ă  partir de 1848 que les nationalistes parviennent Ă  Ă©tablir une organisation clandestine dans les montagnes de l’Ouarsenis. La religion populaire, que l’auteur dĂ©signe comme « religion rurale », y joue son rĂŽle mais aussi les oulĂ©mas qui reprĂ©sentent au contraire l’islam savant.

A partir de 1954, qui est la date charniĂšre, les premiers maquis s’organisent et Neil MacMaster n’hĂ©site pas Ă  parler pour les dĂ©signer d’un contre-Etat FLN, ce qui est Ă©videmment aux antipodes de la minimisation des Ă©vĂ©nements pratiquĂ©e par le gouvernement colonial (au-delĂ  mĂȘme, comme on sait, de toute vraisemblance et de toute vĂ©ritĂ©). Cet Ă©norme travail d’organisation implique entre autres la collecte d’armes et l’équipement de caches pour les abriter. L’ALN ou armĂ©e de libĂ©ration nationale assume des tĂąches bien plus vastes que ne sont habituellement celles d’une armĂ©e, elle doit veiller Ă  l’approvisionnement alimentaire dans les djebels, aux Ă©coles, aux soins de santĂ© et remplir toutes les fonctions qui sont celles d’un Etat moderne, qu’il s’agisse ou non, comme dans le cas du FLN, d’un contre-Etat. C’est Ă  ces conditions que peuvent avoir lieu les premiĂšres guĂ©rillas de l’ALN, dans la premiĂšre partie de la guerre, de 1954 Ă  1957.

L’armĂ©e officielle s’emploie Ă  monter des opĂ©rations, mais du fait qu’elle Ă©choue dans l’une de ses autres tĂąches, qui serait de protĂ©ger les civils, elle doit procĂ©der Ă  des Ă©vacuations. Les charges financiĂšres qui lui incombent l’obligent Ă  des nĂ©gociations qui en principe doivent rester secrĂštes mais qui de toute façon n’ont rien de glorieux.

En fait il apparaĂźt que l’une de ses principales prĂ©occupations est de garder le contrĂŽle sur la population paysanne, usant pour cela de plusieurs moyens diffĂ©rents : on la regroupe, on la divise, on pratique des arrestations massives, toute espĂšce de procĂ©dĂ©s qui participent Ă  un vaste ensemble appelĂ© « pacification » des djebels. Et par-dessus tout il faut Ă©viter tout lien entre ville et campagne, alors mĂȘme que des jeunes gens de la ville, ici TĂ©nĂšs, montent rĂ©guliĂšrement vers les maquis.

L’étude des documents amĂšne l’historien Neil Macmaster Ă  des constats d’échec pour l’armĂ©e dans la plupart des objectifs qu’elle s’est fixĂ©s. En dehors d’actions militaires prĂ©cises et relativement ponctuelles, le but qu’elle se donne est de mener une action psychologique dont elle escompte les meilleurs effets ; mais cette derniĂšre se transforme souvent en campagnes de propagande, sans que cessent pour autant les destructions et les Ă©vacuations de villages, rendant impossible l’existence d’un mode de vie paysan. Les camps de regroupement au profit desquels les villages ont Ă©tĂ© dĂ©sertifiĂ©s ont permis au mieux la survie mais non la vie des populations rurales au point que l’historien peut parler d’une «dislocation spatiale » ce qui est en effet le sens propre de ce mot. Il est chargĂ© de connotations si graves qu’on peut se demander, Ă  la suite de Pierre Bourdieu, si cette politique n’a pas causĂ© la fin de la paysannerie traditionnelle en AlgĂ©rie. Mais Aissa Kadri, qui a Ă©crit le prĂ©face de ce livre, y trouve au contraire l’affirmation que la paysannerie a su garder sa cohĂ©sion et « ses puissants rĂ©seaux, autant tribaux que familiaux ».

Denise Brahimi

« OUM KALSOUM, l’arme secrĂšte de Nasser » de Martine Lagardette et Farid Boudjellal, Ă©ditions Oxymore 2023

Bel et riche album que nous offrent les talents associĂ©s de la scĂ©nariste-journaliste-auteur Martine Lagardette, et de notre cĂ©lĂšbre dessinateur Farid Boudjellal. Nous avons dĂ©jĂ  commentĂ© « OUM KALTHOUM  naissance d’une diva» de Nadia Hathroubi-Safsaf et Chadia Loueslati dans notre Lettre 76, qui retraçait l’enfance et la jeunesse de cette icĂŽne internationale de la chanson. L’approche des auteurs de ce dernier ouvrage est diffĂ©rente. A la fois mĂ©moriel et politique, ce rĂ©cit porte sur l’unique double concert donnĂ© en Europe par la diva, Ă  l’Olympia en 1967. Il couvre l’anniversaire au Caire de la nationalisation du Canal de Suez, la Guerre des Six jours, et l’élaboration par le PrĂ©sident Charles de Gaulle d’une nouvelle politique de rapprochement avec les pays arabes Ă  commencer par l’Egypte.

Ce livre a demandĂ© 4 ans de travail aux auteur.e.s pour rĂ©unir une documentation somme toute assez rare et des tĂ©moignages sur un Ă©vĂ©nement qui s’avĂšre infiniment plus considĂ©rable qu’un simple concert, mĂȘme unique en son genre.

Signature Librairie La BD de Lyon

Martine Lagardette et Farid Boudjellal ont puisĂ© dans la mĂ©moire des quelques survivants de l’équipe de l’Olympia. Jean Michel Boris, le bras droit de Bruno Coquatrix est dĂ©cĂ©dĂ© avant de voir le livre, mais a fourni de nombreuses indications, tout comme l’ancien rĂ©gisseur, Doudou Morizot, dont le rĂŽle dans cet Ă©vĂ©nement a Ă©tĂ© considĂ©rable Ă  divers titres, comme sans doute l’a t il Ă©tĂ© pendant la vie de l’Olympia. Jeanne Tallon alors ouvreuse, devenue par la suite directrice de salle a fourni de nombreux dĂ©tails sur ces deux concerts. Les deux concepteurs, faute de documentation plus dĂ©taillĂ©e se sont ingĂ©niĂ©s Ă  inventer des dialogues parmi les vedettes qui gravitaient autour de l’Olympia, avec une place particuliĂšre pour les natifs d’Egypte, Dalida et Claude François.

Le livre retrace aussi l’incroyable engouement que la venue de la dame du Caire a suscitĂ© parmi les travailleurs immigrĂ©s de France, et mĂȘme de pays voisins, qui se sont ruinĂ©s pour acquĂ©rir des places, dans les derniers jours avant les concerts, n’osant pas croire juque lĂ  que cet inaccessible rĂȘve se rĂ©alise.

Si le projet s’en Ă©tait tenu Ă  faire revivre ce moment culturel, il aurait dĂ©jĂ  Ă©tĂ© fort intĂ©ressant et riche en anecdotes dignes d’alimenter la curiositĂ© des lecteurs. Mais ce livre a une autre ambition, faisant revivre une pĂ©riode dont nous connaissons ces derniers mois d’atroces consĂ©quences en Israel et en Palestine.

Les quatre annĂ©es de travail prĂ©paratoire ont permis aux deux auteurs de rĂ©unir documents et informations, qui, entrecroisĂ©es donnent Ă  l’évĂ©nement une portĂ©e quasi gĂ©opolitique. « Arme secrĂšte de Nasser », Oum Kalsoum, aprĂšs Toutankhamon pourrait bien avoir Ă©tĂ© une clef dans la construction par De Gaulle d’une ambitieuse et originale politique arabe, permettant Ă  la France de sortir par le haut de la tache de Suez, et de l’alignement exclusif sur les intĂ©rĂȘts d’Israel. C’est pourquoi, lire ce livre dans la pĂ©riode que nous traversons, prend un intĂ©rĂȘt particulier. Puisant dans le livre du journaliste Aly El-Samman « Egypte, d’une rĂ©volution Ă  l’autre » Martine Lagardette et Farid Boudjellal ont fait le choix de reprendre son analyse sur le rĂŽle que Nasser, peut-ĂȘtre en lien avec des personnalitĂ©s du monde diplomatique français a voulu faire jouer Ă  cet Ă©vĂ©nement. Durement Ă©trillĂ©e par la Guerre des six jours, l’Egypte avait besoin de reprendre rang dans le concert des nations, et le gouvernement français de l’époque n’y a vu qu’avantage. D’abord avec la venue sensationnelle de l’exposition Toutakhamon, puis avec celle de la « quatriĂšme pyramide d’Egypte ». Cette hypothĂšse est illustrĂ©e par des dialogues largement inventĂ©s entre le GĂ©nĂ©ral De Gaulle et certains de ses ministres, au premier rang desquels AndrĂ© Malraux, acteur central de cet exercice de « soft power ».

Farid Boudjellal, depuis le premier album « La PrĂ©sidente », inventant en 2015 l’arrivĂ©e au pouvoir de Marine Le Pen et les Ă©vĂ©nements que cela entraĂźne, s’est aventurĂ© avec succĂšs sur le terrain des fictions (espĂ©rons le!) politiques, aprĂšs avoir arpentĂ© le sujet de l’immigration et de l’interculturalitĂ©, Ă©laborant une Ɠuvre assez unique dans le monde de la BD. Il apporte un style de dessin renouvelĂ©, trĂšs photographique (travail sur ordinateur, d’aprĂšs photographies) , aux rĂ©cits concoctĂ©s par François Durpaire.

S’appuyant sur cette maĂźtrise, il dĂ©cide de s’atteler Ă  l’histoire de la venue de Oum Khalsoum en France, stimulĂ© par la vision Ă  la tĂ©lĂ©vision des foules agglutinĂ©es devant l’Olympia pour assister Ă  ce moment unique. Refusant d’imposer un effet de style, il vise Ă  permettre aux lecteurs de s’immerger dans le livre, le plus souvent composĂ© sur deux pages, avec une image centrale et des vignettes plus petites oĂč l’on trouve des bribes de dialogues entre divers personnages, des anecdotes pimentant le rĂ©cit. Personnellement l’auteur de ces lignes apprĂ©cie beaucoup cette mise en page, permettant de suivre l’histoire comme dans un film, dont nous maĂźtriserions la vitesse de dĂ©filement, l’arrĂȘt sur image, le retour en arriĂšre, indispensables pour s’approprier un rĂ©cit abondant, fourmillant d’incises et de points de vue diffĂ©rents. Il me semble qu’il y a lĂ  l’invention d’un style et d’une technique particuliers, trĂšs adaptĂ©s Ă  ce type d’histoire.

Outre le rĂ©cit central et ses pĂ©ripĂ©ties, on a plaisir Ă  dĂ©couvrir la petit monde du show business de l’époque, avec des Ă©pisodes cocasses montrant combien par exemple ces artistes ne cachent pas leurs sentiments pro-israĂ©liens, au point d’envisager aller combattre en Israel, comme le dit Johnny si son calendrier de concerts le permet. Et, Ă  partir de quelques Ă©lĂ©ments rapportĂ©s par des tĂ©moins, le livre raconte le voyage-Ă©clair de Samy Davis Junior en compagnie de la femme de Bruno Coquatrix, Paulette, abandonnant la scĂšne de l’Olympia, mais vite revenus, les IsraĂ©liens n’ayant pas trouvĂ© leur prĂ©sence utile


Il n’est pas utile de rapporter d’autres anecdotes parmi toutes celles qui ponctuent l’album. Mieux vaut les savourer en le lisant ! On reste impressionnĂ© par le risque financier acceptĂ© par Bruno Coquatrix pour une diva, dont il ignorait l’existence lors de son voyage exploratoire en Egypte en 1966, le jour du dixiĂšme anniversaire de la nationalisation du Canal de Suez. Le vice premier ministre, ministre de la Culture Ă©gyptien, M. OKACHA, a su le convaincre de tenter ce pari. Dans son entourage, Dalida et Claude François achĂšveront de le convaincre. Mais il lui aura fallu un coeur solide pour maintenir le cap, malgrĂ© une guerre et de multiples complications


Un rĂ©cit passionnant et plein d’informations, vous l’aurez compris !

Michel Wilson

Note sur le spectacle musical de la compagnie Novecento

L’association Coup de soleil entretient des liens Ă©troits avec les deux organisateurs et acteurs de ce spectacle donnĂ© Ă  Lyon le 20 mars 2024. C’est un spectacle poĂ©tique consacrĂ© Ă  quelques-uns des plus grands poĂštes algĂ©riens, Ă  commencer par Jean SĂ©nac qu’on cĂ©lĂ©bre plus particuliĂšrement depuis l’annĂ©e derniĂšre, cinquantenairede sa mort par assassinat (auteur non identifiĂ© Ă  ce jour) en 1973 Ă  Alger. Mais le spectacle intitulĂ© « En AlgĂ©rie en poĂ©sies » veut insister sur le nombre et la diversitĂ© des poĂštes et poĂ©tesses qu’il convoque :

LEILA DJABALI : POUR MON TORTIONNAIRE LE LIEUTENANT D
 écrit dans la prison de Barberousse (Alger) en décembre 1957

ZINEB LAOUEDJ : avec un poème dédié au dramaturge algérien Abdelkader Alloua, et au poète Youcef Sebti

NABILE FARES écrivain et poète et psychanalyste de formation, né le 25 septembre 1940 en Algérie française, décédé le 30 août 2016 à Paris.

KATEB YACINE : « Le polygone étoilé », « Nedjma «

ainsi que des textes de BACHIR HADJ ALI, MYRIAM BEN, ZINEB LABIDI, ABDELMADJID KAOUAH, qui tous ont incarnĂ© la lutte révolutionnaire et la volontĂ© de créer un monde de beauté et de fraternité, dans une Algérie ouverte à toutes les cultures.

La partie musicale du spectacle est assurĂ©e par Nacer Hamzaoui qui accompagné par son mandole, oud ou percussion, parcourt quelques répertoires algériens en lien avec les poésies présentées par Nadia.

 

 

 

Nadia LarbiouĂšne, comédienne et metteure en scène, est l’auteure de nombreuses créations ; de plus elle encadre des ateliers d’expression artistique : écriture, prise de parole en public, travail corporel, mise en voix de textes 
 outils de médiation et de transmission qu’elle souhaite partager.
C’est en 2013 qu’ elle a co-fondĂ© la compagnie de théâtre Novecento.

Denise Brahimi

Note sur un roman d’anticipation

« LA SITUATION » de Karim Miské, éditions Les Avrils, 2023

Ce roman intitulé « La Situation » (Ă©ditions Les Avrils, 2023) est l’Ɠuvre de Karim MiskĂ©, sexagĂ©naire qui a dĂ©jĂ  rĂ©alisĂ© de nombreux films documentaires et un roman policier trĂšs apprĂ©ciĂ©. Le personnage du prĂ©sent livre, Kamel Kassim, est Ă  certains Ă©gards un double de l’auteur, mais l’action se passe dans un futur Ă  dire vrai assez proche, puisqu’elle est supposĂ©e commencer en fĂ©vrier 2030. Le propos de l’auteur est de prolonger ce qu’il dĂ©couvre dans la sociĂ©tĂ© actuelle de maniĂšre Ă  attirer l’attention sur ce qu’elle laisse prĂ©sager, et que peut-ĂȘtre nous ne voyons pas ou mal, justement parce que nous sommes immergĂ©s dans le moment prĂ©sent. La « Situation » montre les forces politiques et idĂ©ologiques qui s’affrontent au sein de la sociĂ©tĂ© française et qui en fait se combattent dans une vĂ©ritable guerre civile, oĂč les morts sont nombreux.

Kamel Kassim appartient Ă  un groupe de gauche qui est composite, le Front uni, oĂč se mĂȘlent non sans d’importants clivages, des partisans du wokisme, pour reprendre le mot issu des universitĂ©s amĂ©ricaines, des Musulmans plus ou moins pratiquants mais imprĂ©gnĂ©s du texte coranique mĂȘme s’ils se considĂšrent comme non croyants, des marxistes Ă  l’ancienne et des trotskystes, des athĂ©es, des enseignants etc. Leur point commun est d’ĂȘtre tous antifascistes, en quoi ils sont les ennemis que pourchasse l’extrĂȘme-droite regroupĂ©e dans une milice virulente, la Ligue Française, dont le but est de les dĂ©truire. Le roman se situe au moment oĂč elle est en train d’y parvenir, ce qui lui est rendu possible par son alliance objective avec les forces gouvernementales et la police au service de l’Etat. Les mƓurs des uns et des autres sont fĂ©roces et sans Ă©tat d’ñme et seul un trĂšs petit nombre de gens hommes et femmes autour de Kamel Kassim essaie de sauvegarder un peu d’humanitĂ© par-delĂ  la volontĂ© de destruction.

Karim MiskĂ© est lui-mĂȘme fils d’un pĂšre mauritanien et d’une mĂšre française, ce qui entraĂźne peut-ĂȘtre de sa part une certaine tolĂ©rance, son hĂ©ros trouve la paix dans un pays d’Afrique conforme Ă  ses vƓux, le SĂ©nĂ©gal, et dans une conception de l’islam qu’on pourrait dire non religieuse. Ce qui est certain dans ces pronostics anticipĂ©s sur ce qui nous attend, c’est que l’Europe, vouĂ©e aux affrontements violents, sera bientĂŽt devenue inhabitable.

Denise Brahimi

« PAR DELA LES MONTAGNES », film de Mohamed Ben Attia, Tunisie 2023

Le titre français de ce film est moins souvent utilisĂ© que son Ă©quivalent en anglais, alors mĂȘme qu’il s’agit d’une co-production de plusieurs pays Ă  la fois francophones et arabophones ! Le rĂ©alisateur, tunisien, n’est plus un jeune homme. Il atteint la fin de la quarantaine et a dĂ©jĂ  d’autres longs-mĂ©trages Ă  son actif, celui-ci ayant Ă©tĂ© prĂ©sentĂ© Ă  de nombreux festivals avant sa sortie en salles fin mars 2024. Mais le spectateur n‘a pas besoin de tous ces dĂ©tails pour ressentir la beautĂ© du film ni pour en ĂȘtre Ă©mu. Et ce d’un bout Ă  l’autre de son dĂ©veloppement, sans que la tension se relĂąche un seul instant, alors mĂȘme qu’il n’y a guĂšre d’illusion Ă  avoir sur son dĂ©nouement : le personnage principal, Rafik ,a dĂ©jĂ  perdu toute chance de s’intĂ©grer Ă  la sociĂ©tĂ© tunisienne quand l’histoire commence, alors mĂȘme que comme lui fait remarquer sa belle-mĂšre, il avait en main tous les atouts nĂ©cessaires, une femme et un enfant promis aux meilleurs succĂšs scolaires, un mĂ©tier non problĂ©matique et sĂ©curisant, et tous avantages dont un autre que lui aurait pu se satisfaire
 mais justement pas lui.

Faut-il dire d’emblĂ©e que Rafik est fou ? Oui, sans doute, parce que son insoumission est rĂ©dhibitoire, et qu’elle l’amĂšne Ă  commettre des transgressions punies par la loi. C’est ainsi qu’ayant saccagĂ© violemment le matĂ©riel du bureau oĂč il travaille, il est condamnĂ© Ă  quatre ans de prison, ce qui n’a pu qu’aggraver son fantasme favori et Ă©videmment mortifĂšre : il est persuadĂ© qu’il sait voler, et c’est pourquoi il veut emmener sa femme et son fils dans un lieu oĂč il pourra leur en donner la preuve. AuprĂšs de sa femme, il Ă©choue, mais parvient Ă  kidnapper son fils et celui-ci qui a plus ou moins une dizaine d’annĂ©es, aprĂšs des tentatives de rĂ©sistance dont on voit qu’elles sont liĂ©es au milieu familial, se laisse contaminer par la folie du pĂšre autant que par le goĂ»t de l’aventure dans laquelle celui-ci l’a entraĂźnĂ©. C’est un trĂšs beau moment que celui oĂč l’on voit le fils Yassine lĂącher prise avec tout ce qui a jusqu’ici encadrĂ© sa jeune vie de petit citadin bourgeoisement Ă©levĂ©.

Cependant, la beautĂ© du film, qui se dĂ©veloppe dĂšs que l’on entre dans le rĂȘve et dans la folie, est surtout celle des lieux admirables que le rĂ©alisateur a choisis pour ce qui est beaucoup plus que le dĂ©cor de son film. Un dĂ©cor en effet reste extĂ©rieur et superficiel, tandis que la cavale dans laquelle le pĂšre entraĂźne son fils les fait pĂ©nĂ©trer dans l’intĂ©rieur d’une forĂȘt comparable Ă  celle des contes de fĂ©es par l’envoĂ»tement dĂ©licat qu’elle produit. Mohamed Ben Attia a choisi celle d’AĂŻn Draham, au nord-ouest de la Tunisie, cĂ©lĂšbre pour ses chĂȘnes liĂšges et habitĂ©e par les sangliers, et non encore gĂąchĂ©e par un tourisme invasif. La forĂȘt qu’il nous montre a gardĂ© son mystĂšre, les falaises rocheuses qu’elle abrite sont en effet en surplomb au-dessus des vallĂ©es et suggĂšrent l’idĂ©e d’envol, et on peut s’y perdre dĂšs qu’on quitte les chemins tracĂ©s, comme il arrive au groupe des trois fuyards que la police a tentĂ© en vain d’arrĂȘter. En plus du pĂšre et du fils il y a maintenant avec eux un berger Ă©trange qui a souhaitĂ© partir avec eux aprĂšs les avoir un moment hĂ©bergĂ©s.

L’histoire que nous suivons ressemble de plus en plus Ă  un conte pour adolescent, alors mĂȘme que la sociĂ©tĂ©, jusqu’au cƓur de ce lieu sauvage, continue Ă  rejeter les marginaux comme eux (le mot est sans doute un peu faible pour les dĂ©signer) de tout son pouvoir et de toute sa rationalitĂ©. C’est ce qui se passe lorsqu’ils essaient de demander le vivre et le couvert Ă  une famille qui a choisi de vivre en pleine forĂȘt par goĂ»t du silence et de la solitude. L’affrontement ne peut manquer de dĂ©gĂ©nĂ©rer et le dĂ©nouement ne peut se faire qu’aux dĂ©pens des marginaux qui n’ont aucun appui et ont coupĂ© tous les ponts derriĂšre eux. D’ailleurs on savait dĂ©jĂ  que Rafik Ă©tait suicidaire, puisqu’on l’a vu commettre une tentative en ce sens, et c’est aussi le sens qu’on peut donner Ă  l’enlĂšvement de son fils, qui ne peut aboutir Ă  rien. Mais que sa propre mort soit belle et transformĂ©e en apothĂ©ose par l’envol promis, voilĂ  la maniĂšre qu’il a trouvĂ© d’échapper au lamentable Ă©chec de sa vie : quoi qu’il soit pour lui-mĂȘme et pour les autres, c’est dans les yeux de son fils que l’image de l’envol doit le magnifier Ă  tout jamais. DĂ©sir qui sans aucun doute est une autre forme de sa folie, mais elle en est la face glorieuse et sur ce point, mĂȘme si c’est au prix de sa mort, on peut dire qu’il a rĂ©ussi.

MĂȘme le mot « pathĂ©tique » est trop faible pour dire cela, il faut pour en sentir toute la force penser Ă  ce que sera le prolongement en droit illimitĂ© de cette aventure inouĂŻe dans le souvenir que Yassine va en garder. La relation du pĂšre et du fils n’est pas moins mystĂ©rieuse et palpitante que la forĂȘt d’AĂŻn Drahamaux vibrants feuillages.

On ne saura jamais s’il y a des explications Ă  la folie de Rafik, qui de toute façon, si elles ont existĂ© avant le film, sont dĂ©sormais hors champ. Mais ce qu’on peut dire Ă  coup sĂ»r, pour ce qu’on en voit, est que cette folie consiste dans le refus absolu de quitter l’enfance et d’y renoncer. On peut parler d’une folie hĂ©roĂŻque puisqu’elle consiste Ă  se donner Ă  voir en hĂ©ros. Yassine qui a survĂ©cu Ă  la terrible Ă©preuve ne deviendra pas fou parce que le geste de son pĂšre l’a immunisĂ© mais il ne deviendra pas non plus un homme ordinaire, l’au-delĂ  des montagnes restera le lieu mythique et intĂ©rieur de ses envols.

Denise Brahimi

Nous annonçons dĂšs aujourd’hui que nous commenterons le film « Marin des montagnes » de Karim AĂŻnouz dont notre association accompagnera la diffusion dans notre rĂ©gion.

Et toujours ces deux films sur la richesse de la vie associative algérienne que nous vous invitons à visionner.

– Utiles
de Bahia Bencheikh-EL-Feggoun

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–Entre nos mains

de Leila Saadna

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Et sa bande-annonce, cliquez ici

 

 

 

 

 

  • 2 avril Intervention MĂ©moires croisĂ©es de la guerre d’AlgĂ©rie au CollĂšge Berthon de Saint Rambert d’Albon
  • 5 au 14 avril, Caravane des cinĂ©mas d’Afrique Ă  Sainte Foy les Lyon. Nous sommes partenaires pour la programmation du Maghreb: 16h15 Ashkal l’enquĂȘte de Tunis de Youssef Chebbi (Tunisie),
  • 6 avril Nuit du cinĂ©ma marocain 18h Les damnĂ©s ne pleurent pas, 21h15 La mĂšre de tous les mensonges, 23h30 Animalia
  • 8 avril 14h30 Les filles d’Olfa
  • 9 avril FORSEM (nous sommes partenaires) Le Maroc dans le monde. Lyon Maison des sciences de l’homme Lyon
  • 10/13 avril Festival cinĂ©mas du Sud Institut LumiĂšre Ă  Lyon(Nous relayons) Un Ă©tĂ© Ă  Boujad d’Omar Mouldouira (Maroc), Six pieds sur terre de Karim Bensalah (AlgĂ©rie), L’Ile du pardon de Ridha Behi (Tunisie)
  • 12 avril Intervention MĂ©moires croisĂ©es de la guerre d’AlgĂ©rie au CollĂšge Jean JaurĂšs de Villeurbanne
  • 13 avril Nuit du cinĂ©ma tunisien au cinĂ© Mourguet de Sainte Foy les Lyon (Sous les figues, Par delĂ  les montagnes et Ashkal, une enquĂȘte tunisienne)
  • Dimanche 14 avril La derniĂšre Reine au CinĂ© Mourguet Ă  18h.

N’hĂ©sitez pas Ă  nous signaler livres, films, expositions relatifs au Maghreb, et mĂȘme Ă  nous envoyer des petits textes Ă  leur sujet.