Reportage : au « MDL » 2014, onze militants de Coup de soleil

 Au vingtième Maghreb des livres (février 2014) onze militants de l’association Coup de soleil ont écouté les écrivains, les présentateurs et analystes et nous en rendent compte. Merci à Claude Bataillon, Maud-Cécile Carette, Denise Djoulah, Jean Domon, Monique Gaultier, Alain Guillou, Lucile Rivaux, Christine Roubieu, Edith Toubiana, Anne-Lise Verdier, Michel Yvon, qui ont rédigé leurs notes prises pendant ces deux journées. Déjà au Maghreb des livres de 2013 une série de compte-rendus ont pu être publiés.

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Six CAFE LITTERAIRES ont été organisés par Gérard Meudal, journaliste littéraire : dans chacun, cinq écrivains débattaient pendant une heure sur un thème, à propos de leurs ouvrages récemment parus  

 « AUTOUR D’ALBERT CAMUS », dimanche 9 février 2014

Quatre auteurs étaient réunis, dimanche 9 février, pour rendre hommage à Albert Camus, artiste qui suscite toujours autant d’écrits et de débats. Lors de cette table ronde, différentes œuvres étaient présentées: un travail collectif sur Albert Camus édité par les éditions de l’Herne codirigé par Agnès Spiquel-Courtille, l’adaptation de l’Étranger en Bande dessinée par Jacques Ferrandez mais aussi pour son rapport plus général à l’Algérie et à l’œuvre de Camus. Les présentations se sont poursuivies avec Kamel Daoud et son roman Meursault contre enquête édité chez Barzakh et Salim Bachi pour Le dernier été d’un jeune homme aux éditions Flammarion. Kamel Daoud et Salim Bachi sont une des preuves de l’étonnante vitalité de Camus puisque son oeuvre suscite depuis quelques temps des écritures à caractère fictionnel.

Plusieurs thèmes clés ont animé le débat : celui de l’imaginaire collectif qui se déploie autour de la figure d’Albert Camus en tant qu’artiste, mais aussi en tant qu’homme « embarqué par la grande Histoire », celle avec sa grande Hache comme le disait à juste titre George Pérec. Cela a été aussi l’occasion d’écarter du débat la question « A qui appartient Albert Camus ? », question que l’on devrait arrêter de se poser. Enfin, l’autre grande discussion a été celle de l’engagement, problématique qui se pose pour tout artiste en situation d’écriture.

Que doit-on alors retenir de Camus en 2014 lors de ce 20e Maghreb des livres?

L’Algérie tient une place centrale dans son oeuvre et tout particulièrement la ville d’Alger, Agnès Spiquel-Courtille l’a rappelé avec les Chroniques Algériennes dont elle a lu quelques extraits de l’avant propos avec notamment un passage sur le droit au silence.

Avec Salim Bachi c’est la jeunesse de Camus que l’on découvre à travers un personnage fictif au Brésil, largement inspiré de la jeunesse de l’écrivain. Beaucoup de choses se jouent en Algérie pour le jeune homme, la maladie, mais aussi la découverte conjointe du corps et de la littérature, ainsi que sa rencontre décisive avec des auteurs tel que André Gide.

Pour Jacques Ferrandez, la découverte du monde camusien s’est faite grâce à la nouvelle « L’Hôte » dans l’Exile et le royaume dont l’ambiance et les descriptions de paysages invitent à la création picturale.

D’autre part, on ne peut prétendre imposer une seule vérité sur l’artiste et c’est ce que prouvent les cahiers de l’Erne, avec des approches autant universitaires que singulières. A. Spiguel-Courtille a rappelé “l’exigence, la lucidité, le bonheur de vivre et le sens étonnant du tragique” dont fait preuve Albert Camus. Une vérité ne s’impose pas, elle se construit à travers les fantasmes que l’on projette sur un artiste en découvrant son oeuvre. Kamel Daoud a dit s’être mis dans une posture de connaissance et de méconnaissance vis à vis de Camus et ne se réclame pas camusien. Un certain malaise s’est installé et le procès de Camus n’en finit plus. L’Ecrivain devient alors un prétexte à l’écriture, Camus devient un personnage voire même le lieu d’expression d’un malaise. Tout le monde y projette des choses et c’est ce qui permet l’étonnante vitalité de cet espace. Selon A. Spiguel Courstille, Camus est « irrécupérable », cela écarte la question « A qui appartient Camus? » puisque ce dernier permet de penser des identités multiples. De plus, la philosophie et la littérature de Camus n’imposent pas une pensée binaire, ce qui éloigne de facto une quelconque appropriation. Dans cette même logique, on ne devrait plus opposer de manière aussi systématique Sartre et Camus.  A. Spiguel Courtille nous invite à « adopter l’attitude des philosophes américains, réfléchir entre les deux, sans dire que l’un des deux a raison. II faut s’approprier les deux, et penser avec eux ».

Camus artiste, personnage, espace. Ce sont sans doute les trois traits forts qui sont ressortis de cet échange. Il est Artiste dans sa posture d’écrivain, de metteur en scène et de philosophe; personnage par les écritures fictionnelles qu’il suscite, au point que son rapprochement avec Meursault à été un temps fort de la rencontre. C’est ce que propose Kamel Daoud qui expliquait que l’on reproche à Camus ce qu’il reproche à Meursault. Après tout « et si Meursault était Algérien? ». Camus est aussi un espace, pour sa puissance d’évocation dans les imaginaires collectifs.

Ce que l’on peut alors retenir de Camus, c’est cette vitalité dans son oeuvre, bien que la question de l’engagement ne puisse pas être écartée pour cet écrivain qui se disait lui-même « embarqué » par l’Histoire. Le café littéraire s’est finit sur l’image d’un homme pluriel, dont la philosophie et l’oeuvre doivent continuer d’accompagner les lecteurs et d’inspirer les créateurs.  La rencontre avec les auteurs présents a mis à jour les rapports infinis que chacun peut tisser avec l’écrivain, des rapports qui s’expriment à travers des créations qui en disent autant sur Camus que sur l’idée que nous nous en faisons. Chacun peut s’approprier Camus, son Camus, un Camus qui se crée de par les fantasmes et les malaises que l’on projette sur lui, et en un sens sur nous même et dans la construction de nos propres identités.

(Lucile Rivaux)

 

  « MUSULMANS EN FRANCE EN 2014 » Dimanche 9 février 2014

 Sur le titre annoncé  le débat est immédiatement centré par le présentateur sur les différentes interprétations que l’on peut donner au concept d’  « islamophobie » un mot dont il est important d’en discerner le sens.

Claude Askolovitch, journaliste, rapporte de ses nombreuses interviews radio auprès des musulmanes qui estiment que le port du voile les empêche de trouver un emploi.

L’islamophopie n’est pas née du FN mais d’un débat au niveau de l’ensemble du monde politique qui, au fond, rêve de  l’avant de l’entrée de l’Islam dans notre démocratie et s’inquiète de son avenir.

Cite l’ouvrage d’Abdellali HAJJAT qui compare l’analyse sociologique des Britanniques plus rigoureuse que celle, en retard, des élites françaises. Ce travail en sciences sociales est capital en vue d’une action pédagogique qui puisse mieux s’adapter au rôle des medias et tienne compte de l’imaginaire d’un public qui  pense qu’il y a en France une communauté musulmane homogène. Il y a en fait grande diversité même si la religiosité a augmenté.

 Daniel SIBONY, psychanalyste, a mis en question les 3 mots « islam, phobie, culpabilité ».Il estime que l’islamophobie est un faux problème et dénonce l’incompréhension de l’Occident vis-à-vis de l’Islam. Au nom de sa connaissance des 3 monothéismes (cf ses travaux antérieurs) il développe sa théorie de la « culpabilité perverse » qui est le fait pour chacun de parler au nom des autres en se disant coupable ». Ce serait sous le régime de la faute que nous manifesterions notre peur de passer pour des islamophobes. Les musulmans sont victimes d’un voile de silence alors qu’il faudrait dénoncer cette hypocrisie. Selon lui ce n’est pas de racisme anti-musulmans qu’il s’agit et d’un discours sur  ce soi-disant problème  islamismant correct.

Kamel NEZITI, médecin, tunisien, ancien secrétaire du GRIC (recherches islamo-chrétiennes) s’oppose aux propos précédents et dénonce une authentique islamophobie à travers un certain nombre d’exemples dont, entre autres, cette déclaration de l’ONU invitant après les évènements du 11 Septembre les musulmans au « mea culpa » ! Ou certains dérapages d’hommes politiques dans les médias allant jusqu’à l’insulte et à la haine.

Claude Askolovitch rappelle à ce sujet une paresse des médias et la crétinerie de textes aux graves dégâts sur l’opinion.

 Nahida NAKAD, journaliste, pose dans son livre, « Derrière le voile », la question de savoir si laïcité et port du hidjab sont incompatibles. Elle estime qu’il importe de faire la différence entre l’Islam politique et le fait d’être musulman. Les femmes musulmanes sont bien obligées de se débarrasser de leur propre culture si elles veulent s’intégrer. Dans quelles mesures ont elles le droit de porter le voile à l’école et au travail ? Comment au nom de notre principe démocratique réfléchir ensemble à « se mélanger mieux » ?

 Un bref débat s’amorce  sur la position contestée de Daniel Sibony, sur le rejet de la manière de vivre de l’autre et sur l’entre deux langues et cultures. Et deux précisions : – ne pas confondre chronologie et croyance : l’Islam est la 3e religion. La violence existe autant à l’intérieur de la population musulmane qu’à l’intérieur de la française !

(Jean Domon)

« DOUBLE CULTURE, RICHESSES ET DIFFICULTES »  dimanche 9 février 2014

Aziz Senni « L’ascenseur est toujours en panne, il y a du monde dans l’escalier« , dans ce second livre, il évoque, à travers son parcours hors du commun de jeune banlieusard devenu chef d’entreprise engagé en politique, le déni du principe d’égalité des chances et l’expérience de la discrimination.

Malika Mansouri « Révoltes coloniales au coeur de l’hexagone : voix d’adolescents » Qui sont les émeutiers de 2005, que veulent-ils? C’est en psychologue clinicienne qu’elle fait ressurgir, à travers la parole de ces jeunes, les liens conscients ou inconscients qui se nouent entre ces évènements surmédiatisés et une histoire coloniale passée sous silence. Les violences collectives seraient des débris de traumatismes liés à l’histoire coloniale.

Hayat El Yamani « Biculturels« , ou comment gérer des contradictions multiples et se construire entre deux cultures, récit agrémenté de nombreux exemples de vécu personnel pleins d’humour.

Fabien Truong « Des capuches et des hommes« , entretiens avec trois jeunes de banlieue qui permettent d’esquisser le portrait d’une jeunesse aux trajectoires ambivalentes, la vie dans les quartiers, les études, les tentations du vol ou de deal, des entrelacements qui rendent le parcours si difficile.

Salima Sénini « Du côté de chez moi  » : c’est son combat pour rester à la fois algérienne et française  et écrire son histoire de femme en lutte contre l’image qu’on a façonnée pour elle, celle de la personne issue de l’immigration.

Dans la discussion avec le public est apparue la question très sensible du rôle des parents…. notamment des parents qui ne maîtrisent pas l’écrit et la langue. Si certains parents résistent en restant fidèles à leur culture et ont du mal à accepter que leurs enfants se libèrent grâce à la culture du pays d’accueil, c’est pour ne pas disparaître eux-mêmes….

(Christine Roubieu)

« PARCOURS DE VIE »    Dimanche 9 février 2014

Quatre récits indirects sur l’Algérie, par les amis ou les descendants des personnages centraux des récits. Le leader fondateur du nationalisme algérien Messali Hadj, par sa fille (Djanina Messali-Benkelfat, Une vie partagée avec Messali Hadj, mon père, Riveneuve 2013). Un jeune paysan de la montagne pauvre et isolée aux portes d’Alger se raconte à un journaliste, devenu adulte, dans l’émigration (Aïssa Touati et Régis Guyotat, La Temesguida, une enfance dans la guerre d’Algérie, Gallimard 2013). Une jeune écrivaine raconte sa découverte du pays de son père, pied-noir d’une ferme proche d’Oran (Anne Plantagenet-Montoya, Trois jours à Oran, Stock, 2013). Un instituteur kabyle disciple de Pierre Bourdieu, Abdelmalek Sayad (1933-1998), fait l’apprentissage et d’expérimentation de la critique de la sociologie coloniale, puis de l’invention de la sociologie de l’émigration-immigration (Tassadit Yacine, Yves Jammet, Christian de Montlibert, Abelmalek Sayad, La découverte de la sociologie en temps de guerre, Editions Cécile Defaut, 2013).

Si Anne Plantagenet, héritière de trois générations pieds-noires, est une intellectuelle française, « naturellement », comme la fille de Messali Hadj, éduquée dans l’exil paternel de l’ile d’Yeux, Sayad appartient, lui, au petit groupe des « indigènes » dont la modernité intellectuelle est dûe à l’école française qui en a fait des instituteurs : il a pu à partir de là, grâce à Bourdieu, en constituant un réseau irremplaçable d’informateurs (ses camarades d’enfance), donner sa substance aux enquêtes sociologiques sur la paysannerie algérienne, puis sur la migration de celle-ci en France. Quant à Aïssa Touati, d’un village isolé qu’aucune scolarisation n’a atteint avant d’être détruit en zone interdite, milieu dont on a très peu de témoignages, c’est en émigration qu’il a appris le monde moderne, grâce aux cours d’alphabétisation … et de droit syndical, dispensés par les militants français au début des années 1970. Chacun nous livre des anecdotes qui donnent une chair irremplaçable à ces histoires si diverses.

(Claude Bataillon)

Quatre tables rondes ont développé des thèmes essentiels de la vie du Maghreb, dans les trois pays comme en France. Chaque fois un animateur a fait dialoguer pendant une heure écrivains, témoins, analystes.

  « 30 ANS APRES :  la Marche pour l’égalité de 1983 » Dimanche 9 février 2014

 (animé par Samia MESSAOUDI) Journaliste, elle nous présente le trentième anniversaire de la marche pour l’égalité. C’est une histoire collective dans la société française. En 1983 on sentait la montée de l’extrême droite et du racisme pour les jeunes de l’émigration.

Le prêtre Christian DELORME, dénommé « le curé des Minguettes », s’associe à trois adolescents pour lancer une marche pacifique pour l’égalité et contre le racisme de 1.000 kms entre Marseille et Paris. Il est absent aujourd’hui. Son livre a inspiré le film « La marche ».

Les personnages présents sont Toumi DJAÏDI qui est à l’origine de la marche, Hamid JAJERI qui a écrit « banlieuscopies », Farid LAOUA photographe qui était marcheur, Marie-Laure MAHE  marcheuse et Mehdine LALAOUI qui était également dans la marche.

 Toumi DJAÏDI: La marche a été un aboutissement qui réclamait le droit de vie. Il a toujours peur, son témoignage doit naviguer du Sud au Nord. Son chemin est toujours ouvert et concordé. Les injustices d’il y a 30 ans sont toujours de rigueur. L’essentiel c’est de se comprendre.

Marie-Laure MAHE  « Toumi était dans une démarche passive en faisant une grève de la faim. Un tir de policier l’a criblé d’une balle dans le ventre, heureusement qu’il a pu en survivre. Nous avons commencé par faire un « sitting » devant la mairie, puis avons pris la décision de faire la marche. Au début ce fut dans l’indifférence, puis il y a eu la mort d’Ali près de Strasbourg qui nous a ravivés. Nous avons marché durant 6 semaines. Mais en faisant la marche j’ignorais les crimes racistes, c’est durant  la marche que j’en ai pris conscience, ce qui m’a encouragé à poursuivre la route. »

Actuellement Marie-Laure vit à Marseille et n’a pas cessé de militer. Elle  revendique l’égalité des jeunes en 84. Son message c’est de marteler, la mémoire doit rester fertile et il faut transmettre toute l’histoire de l’émigration. Le mouvement des travailleurs arabes doit être reconnu. Il faut le militantisme, les revendications incessantes de l’égalité parallèle et retranscrire la mémoire de ceux qui nous ont précédé. On doit dire les choses en roman pour ramener le récit de la marche, mais aussi permettre de se déplacer et de mettre des personnages fictifs. Il est nécessaire de militer, peu importe les origines de chacun. En 1983 les revendications ont été rendues publiques. On peut saisir nos souvenirs pour tout transmettre.

Farid LAOUA avait 25 ans durant la marche et était déjà engagé dans l’histoire à Vienne. De manière naturelle il se joint aux marcheurs. Il ne quitte plus la marche et est adopté à Grenoble. Il sort un livre de souvenirs des jeunes de Minguettes (600 clichés) qui a pour titre : « marche inside ». Il y décrit  les souffrances de cette marche, mais aussi la joie et la reconnaissance pour MITTERAND qui a su les accueillir à Paris.

 Mehdi LALOUI Deux mots : transmission de ce qu’on vécu les communautés et centenaire de la grande guerre.

Le 17 Octobre c’était un engagement, ce n’est pas une défaite mais une association citoyenne. Nous n’avons pas tout gagné, chaque 17 Octobre on reconnait qu’il y a eu des morts. Nous avons imposé à CHIRAC en 2005 un article donnant aux enseignants le droit de parler. Les associations arrivent à faire des choses. Le premier ministre aide nos enfants à la refonte des outils de compréhension. Les immigrants doivent être considérés comme des citoyens français.

 Adil DJAZOULI (professeur de sociologie) Bilan de la marche : aucun. Néanmoins c’est un chemin pour l’égalité qui va nous aider à avancer. L’intégration réelle n’a jamais été aussi forte. La réalité n’est jamais en noir ou en blanc, l’histoire se fait entre les deux. Il milite toujours et est présent, mais le combat n’est pas fini. Dans les pays nordiques un mauvais vent passe.

LES INTERVENANTS DE LA SALLE

Daniel TAUCHMANN : Il n’a pas fait la marche mais a accueilli les marcheurs. Un groupe qui représentait une grande défiance envers les organismes.

Question : Comment les politiques ressentent cette marche ? Le mot intégration existe comme un passé. Nous sommes responsable de ce qui arrive demain.

Réponse de ADIL : « nous avons eu la carte de 10 ans et le droit de vote jouable »

Question : Jeune maman, il y avait une dizaine de langues. Quand j’entends nationalité : non. Est contre le racisme. Enseignante aux non Français.

Question : Elle a découvert la marche avec le film La marche, pas au lycée, ni en faculté. A présent elle est enseignante et dit que dans les établissements on n’en parle pas.

Commentaire : N’a jamais entendu parler de la marche. Les artistes aussi ne la connaissent pas. On est dans la marche sans le savoir.

 En conclusion, cette marche a ouvert le chemin de l’égalité pour des citoyens de différentes souches à petits pas. La carte de séjour de 10 ans est déjà très appréciable.

(Denise Djoulah)

« LES MUTATIONS FAMILIALES AU MAGHREB »  Samedi 8 février 2014

(animé par Sadia Barèche)

Avec:  Imed Mellitti, professeur de sociologie, Université El Manar, Tunis, détaché à l´IRMC (institut de recherche sur le Maghreb contemporain)

Fatma Oussedik, professeure de  sociologie, Université  d´Alger.

Hakima Mounir, professeure de sociologie, Université de Créteil.

Ces trois chercheurs  ont rendu compte de recherches récemment effectuées dans leur pays respectif  (Tunisie, Algérie, Maroc) sur les changements des structures familiales.

Fatma Oussedik, féministe et donc particulièrement intéressée par l´évolution du rôle et du statut de la femme dans l´Algérie d´aujourd´hui, a réalisé une  enquête toute récente sur la famille algérienne, menée sur 7000 personnes, qui l´a amenée aux remarques suivantes:

On  a souvent en arrivant en Algérie une impression d´immobilisme, impression trompeuse car, en même temps, il y a partout  des révoltes, des remises en question.

Cette enquête s´est intéressée aux signaux faibles qui donnent un sens à ce qui se passe.

Effet de l´urbanisation de la société sur la population (60%),  donc plus vraiment une société rurale, d´ailleurs il y a toujours eu des cités en Algérie qui ont à chaque invasion connu des changements. Se posent donc des problèmes de transmission et de rupture.

Plusieurs clés sont prises en considération:

Unité de feux (foyers)

Unité de résidence

Unité de revenus, influence sur la consommation.

Quantité de feux, combien de couples vivaient ensemble?

De plus en plus les filles, avec mari et enfants, vivaient chez leurs parents, ce qui entraînait une donation aux filles encore du vivant du père, même si il respectait des préceptes religieux. Fait tout à fait inhabituel.

Dans 68% des cas, ces femmes étaient dans le même domicile depuis leur naissance.

L´accès à la propriété étant plus facile dans les années 80.

Mais il y a insuffisance de logements  ainsi que de travail pour que les ménages puissent s’individualiser (rôle du clientélisme dans l´accès au travail).

Tous ces éléments ont entraîné  que plusieurs familles vivent dans un même feu entraînant une mauvaise intégration dans la ville.

On constate une réduction de la taille de la famille, avec une géographie verticale et donc importance des ascendants.

Quand les femmes travaillent, elles participent plus à la vie de la cité.

D´autre part l´Internet, les chaînes satellitaires sont d´autres sources d´ouverture sur l´extérieur.

Une certaine modernisation, comme par exemple le fait d´acheter le couscous tout prêt, entraîne la disparition d´objets traditionnels.

Tous ces faits sont cause de profonds changements dans la structure familiale. Et c´est la génération des 49 à 65 qui en a été le pivot, finançant et portant ce changement  fondamental.

En conclusion:

– une constatation inattendue de l´office national des statistiques, il n´y a pas de  métropole  jouant nettement ce rôle. L’existence de plusieurs métropoles induit des logiques régionales.

Typologie familiale: les 2 modes se côtoient, aussi bien la famille nucléaire (une famille par feu), que la polynucléaire (plusieurs familles par feu).

La stratégie familiale traditionnelle a éclaté entraînant une mutation : il y a beaucoup moins de mariages arrangés, plus de mariages après rencontre. Il y a aussi  plus de célibat chez les femmes, dû au fait qu´elles travaillent : plus elles ont de revenu, plus elles sont indépendantes.

 Imed Melliti nous donne une lecture synthétique d´une étude sur la famille en Tunisie.

Il rejoint en partie Fatma Oussedik, mais signale la place de la révolution dans la recherche qui se focalise de plus en plus sur cette Révolution, avec en conséquence un engouement pour le présent, le temps rapide. Il faut au contraire, d´après Imed O. se donner le temps scientifique avec le recul qu´il nécessite et comme le rappelle Balandier dans  » Sens et pouvoir » où il met en garde le sociologue afin de ne pas surestimer la révolution et sous-estimer la continuité.

En fait peut-être  y a-t-il une continuité apparente alors qu´il y a rupture. Trois observations:

1- La dynamique la plus importante qui traverse la société tunisienne c´est le rapport au religieux, avec aussi la conversion  du peu religieux au plus religieux.

2- Réactualisation de la solidarité ancienne en fonction du moment.

3- Déplacement du privé dans le public, naissance d´un

Espace public et de la sphère privée, avec séparation des 2 sphères.

La famille a toujours un rôle sécuritaire et protecteur : ce qui change c´est la nucléarisation de la famille. Le logement devient le symbole du nid, il est plus petit.

On passe de la famille statutaire à la famille réactionnelle.

Montée des entraides familiales.

Etudes des rapports générationnels

Analyse des parcours de vie.

Hakima Mounir a étudié les mutations de la famille  marocaine sur un échantillon de 80 familles : 40 familles marocaines du Maroc, 40 familles marocaines vivant en France (au nord de la France et dans la région parisienne), avec pour objectif d´étudier les mutations familiales au sein de la sphère domestique. Parmi ces 80 familles, la moitié des mères de famille travaillaient, l´autre pas.

 Les femmes peuvent avoir  un pouvoir dans et hors de la  sphère domestique tant qu´il est « invisible » et plutôt que de parler de mutations, H.M parle, elle, de transformations.

Il  arrive que des mères couvrent les sorties et certains actes de résistance de leurs filles, certes elles restent minoritaires en France comme au Maroc, cependant elles sont plus nombreuses en France, mais l´honneur et le pouvoir des hommes doivent rester saufs, au moins en apparence.

Encore beaucoup de femmes restent dans le rôle traditionnel. Il n´y a pas de forme familiale homogène. Les femmes au foyer sont souveraines en ce qui concerne le budget. L´homme envoie ou donne tout son salaire.

Il y a un phénomène de vitrine, apparemment l´honneur est sauf, le père a l´autorité, c´est lui qui décide mais souvent l´autorité de la femme est aussi grande, elle doit cependant rester invisible. Il faut que le mari pense que c´est lui qui gouverne, en ce qui concerne par exemple les rapports du couple et le choix des épouses. Aux élections, il arrive de plus en plus que les femmes fassent un choix personnel, en secret.

La sphère familiale est moins privée, on note une interférence entre  les sphères politique et familiale.

Sadia Barèche  conclut en remarquant que s´il y a des points communs entre les trois pays, il y a aussi beaucoup de différences.

Questions:

Problème du logement, quelle politique du logement  peut-on préconiser?

On a là des enquêtes différentes, quantitatives et qualitatives, et il serait nécessaire de faire un travail analogue sur les hommes, il est plus difficile pour eux de changer. Ne favorisent-ils pas le changement en permettant à leurs filles, leur femme, d´étudier, d´apprendre un métier, entraînant ainsi inévitablement le changement?

Ne pas négliger l´emprise de la famille, existence d´un noyau conservateur.

Résurgence du Citoyen, de l´individu?

Les femmes n´utilisent- elles pas de contre-pouvoirs tels que la ruse voire la magie pour compenser leur manque de pouvoir?

Réponses:

  1. M.   Il rappelle le rôle du grand -père. Celui du travail pour les hommes. L´individu n´appartient plus au groupe.

H.M. Les hommes souffrent aussi des stéréotypes, ils ne sont pas tous dominants et en souffrent.

F.O. La famille est aussi une ressource. Ses membres naissent citoyens. Les religieux qui ont mis le religieux sur la scène politique ont pris un risque en le faisant descendre du sacré. Les femmes qui partent seules, sans papiers, ça aussi c´est signe d´une importante mutation. Grave crise du logement en Algérie, d´autre part les femmes seules n´ont pas droit au logement. Le contrôle familial c´est aussi celui des voisins. Les contre-pouvoirs, magie, ruses, ne jouent pas un grand rôle aujourd´hui. Les actrices principales de cette mutation restent les femmes.

(Edith Toubiana)

« THEMES RECURRENTS DE LA LITTERATURE MAGHREBINE DES VINGT DERNIERES ANNEES »  (9 février 2014) animée par Aymen HACEN (traducteur, écrivain)

avec Lynda –Nawel TEBBANI-ALOUACHA (CRAS –Oran), Abdellah MDARHI (professeur de littérature, université de Rabat) et Sonia ZLITNI-FITOURI (professeure de littérature, université de Tunis)

Les vingt dernières années ont été chargées d’événements et l’objet de la rencontre est de s’interroger sur leur influence dans la littérature maghrébine francophone.

Aymen HACEN rappelle que la langue française reste à l’honneur à travers la littérature et que si l’histoire des trois pays ne se ressemble pas, il existe cependant de nombreux points communs. Peut-on pour autant parler de littérature maghrébine ?

I – LITTERATURE MAROCAINE

Abdellah MDARHI observe qu’à travers la diversité des livres, des thèmes sont récurrents même si les années sombres sont maintenant relativement lointaines. Il apparaît que l’on dénonce toujours les inégalités et que des personnages se révoltent contre les traditions figées et les mentalités sclérosées, que ce soit le pouvoir par rapport aux individus ou encore celui des hommes sur les femmes. A cet égard, l’influence de Driss Chraibi reste importante. Mais les expériences sont désormais plus individualisées et des thèmes nouveaux s’affirment. Il en est ainsi de :

  • L’émigration et des espoirs suscités :

celle des jeunes qui ne retrouvent pas leur place dans la société, le départ vers l’ailleurs (cf Tahar Ben Jelloun) ;

l’émigration qui n’a pas réussi et le désespoir de ces jeunes partis vers l’Espagne, la France, l’Italie. Dans ce type de roman et cette quête de l’ailleurs, la mer apparaît comme une sorte de personnage principal, une allégorie. Elle devient ou un allié ou un obstacle si elle les rejette. Il suffit de penser à tous les clandestins.

.• La prise de parole par les femmes :

–       Avant, les femmes étaient considérées comme des objets, maintenant, elles prennent la parole. Elles écrivent pour dénoncer l’oppression de l’homme, les traditions sclérosées notamment en ce qui concerne le divorce. Les réquisitoires contre la répudiation sont violents. Pour ce faire, elles mettent alors en scène des sujets qui évoquent l’influence du milieu social et culturel. Elles dénoncent également la répression de femmes vis-à-vis d’autres femmes plus libérées. Entre alors en jeu le point de vue religieux ce qui est nouveau.

  • De l’incarcération :

L’évolution du régime depuis l’arrivée au pouvoir de Mahomet VI a permis la libération de nombreux détenus qui témoignent oralement ou par des écrits, souvent œuvres d’auxiliaires.

–       Les anciens prisonniers politiques s’interrogent sur ce qui les a poussés et sur leurs erreurs. Ils décrivent les conditions de détention, les tortures, les dégradations physiques, la mort de concitoyens en prison. Mais aussi leur stratégie pour survivre, pour sauver l’infime partie humaine qui restait en eux et leur capacité à pardonner. Tous mettent en exergue la solidarité dans les prisons et soulignent le fait qu’ils voient désormais la vie autrement.

La littérature permet ainsi de comprendre l’évolution de la société qui reste, sous ses aspects modernes, bien souvent encore patriarcale. Quant à la littérature carcérale, elle permet de voir, par des témoignages poignants, ce qu’était le bagne, la prison mais elle apparaît aussi comme une thérapie. Elle fait en même temps le procès du régime d’Hassan II en mettant en valeur celui plus positif de Mohammed VI.

II – LITTERATURE TUNISIENNE

Sonia Zlitni-Fitouri indique que :

  • Pendant longtemps 2 thèmes ont été récurrents :

Le rapport conflictuel à la langue française

Les régimes dictatoriaux

De ce fait, certains auteurs étaient exclus dans les années 1970-1980.

  • Puis avec l’arrivée d’une nouvelle vague d’écrivains, les thèmes varient selon qu’ils vivent en Tunisie ou à l’étranger :

–       Dans la littérature tunisienne de langue française et tout particulièrement dans les romans, on assiste à un regard sur les travers de la classe moyenne et à un regard nostalgique sur l’enfance, l’enfance  vécue sous le signe de l’harmonie en réaction contre la société nouvelle de consommation, l’enfance où la femme protège. Cette quête maternelle dans une société marquée par la tradition est très présente dans la littérature. Le regard se porte sur les lieux de mémoire. C’est le drame d’une société tunisienne qui a abandonné la tradition sans pour autant accéder à la modernité. Cette société est décrite de façon très réaliste. L’époque est dénoncée comme mercantile, corrompue, hypocrite. A cet égard, le retour des femmes voilées est significatif. Il s’agit véritablement d’une crise identitaire.

Cette perte d’identité est également due au fait que beaucoup d’auteurs vivent à l’étranger. En effet, depuis l’indépendance, la Tunisie a connu deux régimes dictatoriaux sous lesquels l’expression dissidente pouvait être durement réprimée. Ainsi, ces auteurs développent-ils les thèmes de l’exil, de l’errance (thème du voyage en Méditerranée, thème du voyage métaphysique). Ils témoignent du déchirement (écartèlement entre leur patrie d’origine et la France).

  • Enfin, il convient de s’interroger sur l’apport du printemps arabe :

–       Il est encore trop tôt pour parler de littérature arabe francophone. Sont surtout parus des essais qui saluent la fin de la dictature. S’agissant de la littérature de fiction,  un certain recul est nécessaire. Toutefois, si la censure a disparu, la Tunisie est inquiète quant à l’avenir du fait de la pression de certains groupes extrémistes

Au total, la littérature tunisienne fait une large part à l’ouverture sur l’altérité, la perméabilité à la différence et reflète le drame de la société tunisienne qui oscille entre tradition et modernité.

III- LITTERATURE ALGERIENNE

 Lynda-Nawel Tebbani-Alaouache observe que les thèmes de la littérature algérienne reflètent une constance. Ils consistent essentiellement en une réappropriation de l’histoire.

  • Au lendemain de l’indépendance, les ouvrages glorifiaient la guerre de libération, affirmaient l’entité nationale algérienne et tout un discours condamnait l’usage de la langue française imposée par 132 ans de colonisation française. La littérature était inféodée au politique et au parti unique. Les  auteurs qui voulaient relever le défi étaient souvent condamnés à l’emprisonnement ou à l’exil.

Mais peu à peu une nouvelle génération émerge qui n’a pas connu la guerre d’indépendance.

  • Avec le sursaut démocratique engendré par les événements de 1988, on pouvait espérer une expression libérée mais l’histoire politique en a décidé autrement avec la décennie noire. S’agissant de celle-ci, la thématique de l’urgence est développée. Sont dénoncés les exactions, égorgements, torture, enfin toute l’horreur de la guerre civile. Mais cette  littérature s’adresse avant tout à un lectorat français. Ces œuvres sont celles d’écrivains qui ont pris le chemin de l’exil. Il convient de souligner  que ces écrivains ne pouvaient être soutenus que par des maisons d’édition étrangères qui, bien souvent les marginalisaient. Pour contrecarrer cette marginalisation, Aïssa Khélladi, écrivain et journaliste installé en France a fondé avec Marie Virolle « Marsa Editions » afin de toucher un lectorat plus vaste sur les deux rives de la Méditerranée. Dans cette perspective, cette maison d’édition s’attache également à traduire des œuvres arabophones.

Cependant, des romans plus aboutis ont vu le jour : en témoignent les œuvres de Yasmina Khadra.

  • Depuis les années 2000, existe un réinvestissement de soi pour le lectorat algérien et une surabondance d’ouvrages.

La mémoire tient une grande place et on assiste :

à un questionnement de l’histoire nationale à travers la métaphore de la maison (l’Algérie est pensée comme « maison ») ; à la réappropriation également de l’histoire algérienne à travers l’histoire propre de l’écrivain. L’enfance est un thème récurrent comme en Tunisie, mais avec une large place consacrée au père et à la mère que l’on voue parfois aux gémonies en raison de leur attachement aux traditions. Cela s’inscrit dans le débat tradition – modernité où l’on questionne le passé  qui sert de point de repère sans pour autant vouloir y revenir.

La thématique de l’exil est également largement développée, l’exil vécu comme souffrance et non découverte, la perte d’identité dans une société qui les ignore et qui les renvoie à leurs parents dont ils conservent une image mythique.

Autre thème développé : Comment penser l’Algérie suivant une poétique propre à chaque auteur ? Comment l’intime devient miroir de l’autre ?

Ainsi du témoignage de l’horreur, on passe progressivement à une thématique poétique et à une nouvelle esthétique. Il en découle un nouveau regard sur la littérature algérienne en quête de nouvelles thématiques. Si la question de la mémoire reste importante pour les ainés, il n’en est plus de même avec la jeunesse qui ne se pose plus la question linguistique, qui se pense dans le présent et pour qui le présent apparaît comme une quête poétique.

Les trois exposés font apparaître des thèmes récurrents dans toute la littérature maghrébine d’expression francophone, thèmes de l’enfance, de l’exil, de la perte d’identité, du conflit  linguistique, du débat tradition – modernité, de la dénonciation du régime dans certains cas  mais avec des différences compte tenu du vécu et de l’évolution politique de chaque pays. En tout état de cause, si dans la production littéraire, le lien avec le politique et le social reste étroit, des thèmes nouveaux apparaissent montrant qu’elle avait assimilé son double héritage, qu’elle s’affirme dans la quête d’une nouvelle esthétique, qu’elle est en devenir.

(Monique Gaultier)

« L’ENSEIGNEMENT DE L’HISTOIRE AU Maghreb ET L’UNITE MAGHREBINE » (Samedi 8 février, animée par Massensen Cherbi)

avec Lydia AIT-SAADI (professeure d’histoire, Paris 8), Kmar BENDANA (professeure d’histoire, IRMC, Tunis) et Mehdi GHOUIRGATE (professeur d’histoire, CNRS).

Trois historiens nous parlent de l’enseignement (scolaire, universitaire) et de la recherche sur les trois pays du Maghreb. Tous sont d’accord sur le caractère politique des choix concernant les thèmes et les époques que l’on privilégie, en fonction du projet de cohésion nationale visé, qui change selon le moment et l’équipe qui gouverne.

Massensen Cherbi rappelle la relative unité du Maghreb, fondée sur un peuplement berbère et sur les apports successifs de civilisations étrangères, et ce à la différence d’un « Orient compliqué » et fragmenté. Si le Maghreb peut être considéré dans une certaine mesure comme une unité de fait, il ne lui manque cependant plus que de devenir une unité de droit. Comment alors une politique de l’enseignement peut-elle aborder la question de l’unité du Maghreb en Algérie, au Maroc et en Tunisie ?

Ghouirgate nous rappelle l’arrière fond colonial de l’historiographie : un E. F. Gauthier qui, avec d’autre, s’attache à la traduction des grands textes médiévaux maghrébins, veut dessiner, plus que des embryons d’Etats, une société « tribale »  (Siècles obscurs du Maghreb), détruite par la « catastrophe » de l’invasion barbare des Arabes.

Il nous raconte comment à partir de la fin des années 1950 les intellectuels veulent mettre en avant un Maghreb arabe, y compris des historiens comme Mohamed Harbi, même si certains comme Alaoui au Maroc insistent sur l’islamisation par les autochtones eux-mêmes : on retrouve l’existence d’un islam en langue berbère dans les premiers siècles après l’hégire, et on met l’accent sur une splendeur ancienne qu’il faut retrouver. La dynastie almohade a créé une seconde Mecque à Tinmen (Haut Atlas occidental) et tout l’empire (y compris Al Andalus dans la future Andalousie espagnole) appelle à la prière en berbère. En corollaire, dans ce récit historique, un rideau de fumée cache l’histoire linguistique réelle : quand et comment progresse l’arabisation des sociétés ? Il faut se souvenir que c’est au XIVe siècle qu’une arabité d’origine se constitue dans le monde des tribus, sous forme de généalogies orientales fictives.

Certains insistent, en reprenant Jules Michelet, sur la constitution des Etats à partir de l’institution du droit, et en particulier les élites marocaines ont le souci de composer, comme dans l’historiographie européenne, un récit continu de la nation qui se constitue.

Mehdi Ghouirgate veut faire un voyage historique dans notre passé maghrébin pour y trouver des éléments d’unité pour notre époque actuelle. Ce voyage historique passe par l’histoire et la géographie faites à l’époque coloniale, depuis la Monarchie de Juillet et le Second Empire, depuis des critères de l’empire français. C’est la tribu qui est au centre d’une histoire berbère occultée par les arabes. Les conquérants arabes jugent inadmissible un espoir berbère. Dans ce contexte l’Algérie est potentiellement en conflit, alors que le Maroc entre dans l’histoire coloniale… avec un premier ouvrage écrit en arabe par un historien ministre de l’éducation.

Le paradoxe de l’histoire écrite depuis l’indépendance est qu’elle est pétrie de culture française, en rajoutant aux compilations antérieures les événements récents, pour des Etats qui voient dans le droit la base de l’Etat moderne, sans référence aucune à l’époque du Maghreb médiéval : on en parle dans les manuels marocains moins que dans les manuels français ou espagnols. Pour sortir de ce malentendu, il faut former un collectif homogène, comme celui des élites formées en France par la IIIe République : l’histoire scolaire fait subir au passé une opération de « chirurgie esthétique » : en gommant ici, en pratiquant les oublis inévitables, car cette histoire dit être porteuse de mythes.

Ces problèmes ont été révélés par un projet d’exposition au Louvre (les Idrissides -789/ 985) dont le titre (origine chérifienne de l’Etat) a été refusé par les organisateurs en raison de la place faite à l’histoire médiévale. La dynastie Almohade (vers 1140- vers 1240), qui réunit tout le grand Maghreb, et volait rompre avec l’orient, n’est pas mise en avant dans les manuels scolaires, de même que l’influences de la langue berbère dans la langue arabe maghrébine.

Massensen Cherbi signale une exposition récente en Algérie sur le Maghreb médiéval qui montre les traces du passé commun entre Maroc et Algérie.

Kmar Bendana parle du travail historique mené en Tunisie sur l’histoire culturelle du pays, pour des époques beaucoup plus proches. Mais dans cette « matrice », ce qui concerne l’unité maghrébine est fragile, thème freiné car ce serait un idéal politique impliquant une ingérence vis-à-vis du voisin. Elle rappelle que cette vision moderne d’une unité maghrébine remonte à l’association des étudiants nord-africains de Paris (1929), ferment de création d’une gauche tunisienne. De même que la gauche tunisienne plus récemment est maghrébine quand elle se forge à Paris pendant la guerre d’Algérie. Les travaux des historiens tunisiens récents portent sur une Tunisie arabe, musulmane et méditerranéenne, pas spécifiquement maghrébine, aspect absent ou occulté. Les recherches historiques en Tunisie s’intéressent à l’oriental et au colonial. Les liens entre les deux foyers universitaires prestigieux du Maghreb, la Karaouine de Fès et la Zitouna de Tunis, n’ont pas été exploités. Les manuels scolaires depuis 1908 se veulent nationalo-tunisiens Ce que serait la place de la Tunisie dans le Maghreb n’est enseigné à aucun degré, primaire, secondaire ou supérieur : une déperdition pour l’identité tunisienne. A l’époque du protectorat, depuis 1908, l’histoire tunisienne sous tutelle de la 3e République est un morceau de l’histoire universelle, mais surtout européenne. Il en va de même en étude littéraire où les références aux auteurs algériens ou marocains manquent, sauf quelques auteurs francophones (Kateb Yacine, etc.).

Peu de gens connaissent un manuel d’histoire du Maghreb publié par l’UNESCO [il s’agit sans doute de l’histoire de l’Afrique en 8 volumes], qui élucide beaucoup de points de cette histoire commune à l’ensemble du Maghreb. Ce manuel est ignoré en Tunisie.

Massensen Cherbi remarque que Français et Allemands ont fait aboutir un manuel d’histoire franco-allemand : un manuel franco- maghrébin pourrait être réalisé.

Lydia Aït Saidi parle des manuels scolaires d’histoire en Algérie. Livre unique publié par le ministère de l’éducation. Dès 1962, le premier manuel nouveau mis en circulation, sous étroite surveillance gouvernementale, a été celui d’histoire. Ces manuels sont réformés ou réécrits à rythme rapide, de l’ordre de deux ans. L’unité maghrébine a toujours été un thème mis en avant, mais en fonction d’une conjoncture politique fluctuante. A tout moment le thème central est celui d’une nation sans cesse dominée de l’extérieur, sauvée par l’héroïsme du peuple, qui est arabe. Ce peuple sauveur de la nation retrouve sa berbérité plus récemment comme ciment de cette unité maghrébine. L’accent mis sur un destin maghrébin commun est fort au moment de la réforme constitutionnelle de 1989. Un homme maghrébin est évoqué : il est numide et la berbérité fait partie de la fièreté de l’umma (communauté des musulmans). Les enfants de l’Algérie sont Berbères, Méditerranéens, Nord-africains, enclavés dans une nation unique. On donne comme racines de la nation algérienne l’Etoile nord-africaine, née en France dans les milieux immigrés étudiants et ouvriers, puis les résistances et luttes unanimes d’un peuple algérien anonyme, luttes dont bénéficient les peuples frères voisins pour leur propre indépendance obtenue plus tôt. Certes l’unité maghrébine est freinée par les problèmes frontaliers entre Maroc et Algérie, essentiellement problèmes sahariens avec le Front Polisario. On remarque que l’arabité en Algérie est d’autant plus célébrée qu’elle est pratiquement faible au sein des élites.

Du jeu des questions et réponses entre la salle et les historiens, il ressort que les qualifications du Maghreb font problème : arabe, berbère, mais aussi « antique », c’est-à-dire chrétien, « oriental », mais aussi juif, sans que les intellectuels biculturels franco-maghrébins aient réussi à ce que l’histoire réelle des population prenne le pas sur les récits/ romans nationaux.

(Claude Bataillon et Michel Yvon)

 

Six rencontres ont été organisées, chacune en hommage à de grandes figures du passé maghrébin : écrivains, politiques, revues. Chaque fois un animateur a fait dialoguer pendant une heure écrivains, témoins, analystes.

 « SOUFFLES et LAMALIF, Hommage à deux revues marocaines »  Echange entre Zakya DAOUD et Kenza SEFRIOUI (Samedi 8 février 2014, animé par François Zabbal)

Il s’agit de deux revues politiques et culturelles importantes, maintenant disparues.

Zakya Daoud a écrit et publiée pendant plus de 20 ans dans la revue Lamalif.  Il y avait également parmi les rédacteurs des profs d’université et des juristes qui y publiaient pour combler le déficit culturelle et politique post coloniale.

Kenza SEFRIOUI: journaliste et critique littéraire :

Souffles a été influencé ou inspiré par les émeutes de Casablanca de 1965 comme par la mort de Mehdi Ben Barka la même année. La revue a été créée dans un contexte de résistance et de contestation du pouvoir monarchique. C’était une revue militante, avec de modestes moyens.

ZD: le constat de tous les problèmes de la société marocaine été évoqué dans Lamalif.

KS: le but de la revue Souffles était de prendre position sur la culture, avec une vision politique de la culture.

Elle a œuvré pour insuffler une décolonisation de la culture:

–  mettre en valeur une identité culturelle propre aux marocains.

– sans influence coloniale.

Quel est le legs de cette revue pour la société marocaine ?

– un leg politique pour la liberté

– un projet progressiste pour construire un nouveau Maroc.

(Samir BOULEFA)

 « Hommage à FAHRAT HACHED, syndicaliste tunisien »Samedi 8 Février 2014 (animé par Mahyeddine Cherbib)

 Le Président de l’association Coup de soleil, Georges MORIN, présente  Fahrat HACHED comme étant un grand homme historique de la marche de l’indépendance tunisienne. Il est le symbole de la lutte sociale et de l’émancipation. C’est le fondateur de l’UGTT (union générale tunisienne du travail) qui joue un rôle important  dans le paysage politique tunisien jusqu’à ce jour.

Son assassinat l’a haussé au rang des militants des droits de l’homme en France. La fondation F. Hached a tenté un procès à Paris contre Antoine Pedro participant à l’assassinat. Le Chef de l’Etat actuel reconnait le crime et s’en excuse. Bertrand Delanoë a inauguré une place à Fahrat HACHED le 1er Mai 2013 dans le 13° arrondissement de Paris, son image est reprise sur un immeuble avoisinant. Sa mémoire fait partie de l’histoire de France.

L’UGTT n’a jamais cessé de jouer un rôle important dans l’état tunisien. La rédaction finale de la construction d’un état en grande crise en Tunisie, qui on l’espère prenne fin. Son œuvre continue à faire sortir les Tunisiens de la crise grave qu’ils traversent.

Abdelwaheb MOKNI, professeur d’histoire à l’université de SFAX, nous fait part du mouvement vigilant tunisien de Mai 1952. HACHED protège le peuple tunisien en le rendant frère avec les autres peuples. Il milite politiquement pour l’indépendance et meurt malheureusement à  38 ans. Il unifie tous les travailleurs. Il est né le 14 Février 1904 à El Abassia, c’est un fils de pêcheur. Il obtient le certificat d’études en 1919. Son père meurt rapidement et Fahrat se rend à Sousse où il travaillera comme convoyeur dans une entreprise de transport. Il y côtoie de grands socialistes. En 1940 il est membre de la CGT.

C’est un homme de dialogue, journaliste et réconciliateur. Il s’occupe du croissant rouge, est un grand orateur et parle l’anglais. Entre 1946 et 1952 il unifie les syndicalistes. Notamment les syndicalistes du Nord avec les fonctionnaires. Il unifie les organisations nationales. L’UDUCA pour le commerce et l’UGET pour l’agriculture. Il crée le scoutisme et essaie d’unifier un mouvement national. Il fait la grève de 1950 à 1951 pour militer pour la base des agriculteurs. Il crée un comité d’action et devient de plus en plus populaire.

En 1952 il est leader syndical et national, il organise un groupe de lutte armée en secret dans le Nord tunisien. Les combattants disent qu’il a financé le mouvement armé. En 1952 c’est la grève générale. Il demande une intervention pour dénoncer les ratissages sanglants en 1952. Derrière le comité de 40 sages, toutes les instances politiques y étaient représentées à part les communistes. Il soutient le bey pour qu’il ne signe pas l’accord avec les Français. En 1952 c’est le leader numéro 1 politique. Toutes les luttes ont été unifiées, puis ce fut son assassinat.

Il a organisé la société civile face aux colons.

Hichem ABDELSAMAB, professeur d’histoire,  nous précise que cet homme est au cœur de l’actualité. Il est difficile de ramener HACHED à l’histoire.  C’est un culte toujours présent, cet icône continue à entretenir l’inspiration politique de nos jours. C’est un homme de beaucoup de combats. Il est le fondateur de la question sociale qui se pose toujours. C’est un compagnon de Bourguiba. Dès le départ il se rallie à l’Islam. Pas le modernisme,  mais il revendique l’image musulmane.

L’UGTT de HACHED est la construction de l’état qui doit se faire par son esquisse. Le syndicat est la continuation du combat social. Il a trouvé la société civile pour ramener tous les partenaires. Même à l’heure actuelle Hached est toujours dans les coulisses des négociations

Noureddine HACHED,  fils de Fahrat et ancien ministre, est très ému de se trouver là à l’Hôtel de Ville de Paris.

Son père est né dans un tout petit village « Abassia » même pas reconnu sur la carte géographique, dans une famille de 16 enfants dont 13 décèdent.

Il  ramène la solidarité agricole d’Allemagne en Tunisie, contacte également les Italiens et les Espagnols. Il crée le syndicalisme national, les comités et les documentations. Il construit et fonde l’UGTT, qui est l’héritage vivant de son œuvre. Il s’occupe du coût élevé de la vie, de la soupe populaire, structure la société pour faire face à la future indépendance économique et culturelle. Ce fut le premier programme économique et social.

Il déclare : « Je t’aime mon peuple ».

En 1951 la guérilla sociale a grandi, et c’est à Washington en compagnie de Bourguiba et de Frank Sinatra qu’il prend la parole sur un tonneau !

En 1952 l’UGTT résiste, bien que 10.000 Tunisiens soient en prison pour résistance, il ne reste pas d’autre solution que l’assassinat.

Le 5 juillet 2013 François HOLLANDE remet un dossier avec le document de confirmation de convention de partenariat pour un travail de mémoire. Sa famille a attendu neuf présidents français  pour l’obtenir.

(Alain Guillou)

« HOMMAGE À MOHAMMED DIB, ÉCRIVAIN ALGÉRIEN »Samedi 8 février 2014, animé par Ali Chibani, journaliste

Cette rencontre a permis de mettre à l’honneur le poète, dramaturge, essayiste, romancier que fut Mohammed Dib, décédé en 2003. Contraint à l’exil par la France, c’est ici que Dib choisit de démarrer sa carrière d’écrivain, carrière qui se caractérise principalement par une grande ouverture.

« Nouveau monde si nouveau

Qu’on ne sait si on l’aime

Mais où, si ça vous arrive, il vous sied d’être humain. »

L.A TRIP

 Ruptures ou continuité ?

C’est à Tristan LEPERLIER que la parole est d’abord accordée, afin d’évoquer l’Homme dans l’Histoire, autrement dit l’engagement de Mohammed Dib depuis la guerre de la libération, et ce jusqu’à la fin de sa vie.  Il choisit d’aborder en premier lieu un enjeu que la réception de l’œuvre de Mohammed Dib a souvent souligné, enjeu qui suscite un intérêt majeur autour de l’œuvre dibienne, et qui est celui de la continuité de cette œuvre.

Le point de départ est sa première trilogie, œuvre majeure de l’histoire littéraire algérienne, à partir de laquelle on peut parler, d’un point de vue politico-littéraire d’une continuité de l’engagement littéraire de Mohammed Dib. Tristan LERPERLIER souligne cependant la permanence d’une tension entre une inscription nationale marquée chez Dib et son souhait d’être un écrivain mondial.

La fin de la guerre d’Algérie lui permet de redevenir un plein  poète puisque Dib affirme en 1964 dans un entretien pour Le Figaro que cette période d’engagement constitue une parenthèse dans sa carrière en ce sens qu’elle engendre un certain réalisme de ces récits.

Pourtant, dès les années 1950, Dib se considère déjà comme un écrivain engagé. Il réitère également  une forme d’engagement dans L’Humanité et Les lettres françaises en 1963. Il revendique en 1971 les enjeux politiques de son œuvre, affirmant qu’il a « encore un rôle politique à jouer en Algérie ». Cependant, dans les années 1980 il évoque à nouveau son engagement comme une parenthèse.

La décennie noire de l’Algérie lui inspire par la suite La nuit sauvage et Si diable veut. Somme toute, en tant qu’intellectuel, Dib s’engage progressivement dans la lutte contre l’islamisme, mais dans sa littérature, il tente de ne pas tomber dans le travers critiqué de l’écrivain engagé.

 Interroger l’histoire, un handicap pour la plume de Mohammed Dib? Selon Mourad YELLES, en remontant aux premiers écrits de Mohammed Dib, la complexité du paradigme poétique-politique est déjà apparente. En effet, les rigueurs de la colonisation impliquent nécessairement une prise de position de la part de l’auteur. Dib aurait donc négocié des passages : il a porté un regard sur le politique avec des œuvres comme L’incendie ou Le maître de chasse, combinant la vision du projet nationaliste et la quête de l’écrivain confronté à la problématique des langues, ainsi qu’au rapport à la mystique, au soufisme.

Finalement, la question qu’il faut se poser serait celle de la l’incroyable capacité d’un écrivain comme Dib, placé dans ce contexte historique, à poser les questions les plus profondes en conservant la  relation avec son travail de création. Comment dire l’invisible que la réalité saute aux yeux ?

 tension entre écriture réaliste et écriture énigmatique dans l’œuvre de Mohammed Dib

Habib Tengour (qui dédicace par ailleurs son Captive sans éclats suivi de L’impromptu de Tigditt, Algérie : Apic, 2013) évoque l’œuvre de Mohammed Dib comme une oeuvre complète puisque, contrairement à des auteurs morts prématurément, elle comporte un début et une fin. Il y a forcément des ruptures mais ces ruptures s’inscrivent nécessairement dans la continuité de son œuvre.

Finalement, selon Habib TENGOUR, l’universalité importe peu, l’essentiel réside dans l’écriture, c’est en cela que Dib affirmait en 1962 le besoin de « passer à autre chose ».

La difficulté première pour Mohammed Dib comme pour Mouloud Ferraoun, en tant qu’écrivains d’une génération nouvelle, c’est l’absence d’une histoire littéraire sur laquelle s’adosser. Vient ensuite le souci de parler simultanément aux colons et à ses compatriotes, mêmes s’ils ne parlent pas la langue.         Si à ses débuts, sa technique n’est pas encore celle qu’il aura trente ans plus tard, elle révèle pourtant déjà des pans de son écriture ultérieure. Dib réalise ainsi des enquêtes dans Alger Républicain, qui traitent de problèmes sociaux qui nourriront son œuvre.

Avant tout, Dib aborde l’écriture en tant que poète puisqu’il exerce un travail considérable sur la langue. Sa prose ne se comprend qu’au regard de sa poésie. Il y a une réelle indissociabilité de ses écrits. Dib était au service de l’écriture à proprement parler, et même si l’Algérie et la France ont voulu l’instrumentaliser, il a toujours sur mener sa barque au-delà de ce contexte. Lorsqu’il traite de l’intifada, Mohammed Dib dit ce qu’il fallait dire à un moment donné de l’histoire, mais la beauté du texte réside dans cet « autre chose ».

Tristan LEPERLIER revient, suite aux explications de Habib TENGOUR, sur le thème visiblement problématique, si ce n’est polémique, de l’universalité dans la mesure où il ne faut pas risquer de considérer Dib uniquement comme écrivain algérien, mais comme écrivain tout court. C’est pour cette raison qu’il affirmait une certaine amertume face à une réception française qui ne le considère jamais comme un écrivain à proprement parler.

 OUVERTURE ET PLURALITÉ Mourad YELLES aborde ainsi la question qu’il nomme la  « question bateau pour un écrivain francophone ». Il s’agit de la question que l’on pourrait nommer trivialement comme celle de « l’ancrage, de l’enracinement dans une tradition ou dans un terroir ».

 Mohammed Dib, en tant que fervent lecteur de littérature anglaise ou russe, a de nombreuses « influences ». Le problème réside dans le choix d’une tradition littéraire, il ne peut s’adosser à aucune d’entre elles et doit donc inventer sa propre trajectoire. Ainsi, la langue maternelle de Dib transparaît subtilement dans son œuvre, s’accompagnant de références à la tradition dite orale, aux contes, aux proverbes, aux poèmes populaires. C’est tout un héritage qui pèse dans l’invention du style de Dib, auquel s’ajoute l’influence confrérique, dans la mesure où elle comporte une dimension spirituelle forte. C’est dans cette tradition qu’a baigné sa génération, notamment par le contact avec les aînés, elle  nourrit le paradigme du religieux exploité fortement par Mohammed Dib, en ce sens que son l’œuvre présente une densité spirituelle remarquable.  C’est dans Le maître de chasse qu’apparaît plus nettement l’importance de l’articulation entre politique et mystique.

 l’ascétisme C’est Habib TENGOUR qui ose aborder la question visiblement délicate de l’ascétisme. Pour Dib, l’ascèse consiste surtout en  un dépouillement extrême du poème en vue de la justesse du propos, dans le but d’aller « au fond des mots ». En effet, les derniers poèmes de l’écrivain témoignent d’une grande épuration, sont parfois composés seulement de quelques mots. C’est le cas de L.A Trip ou de Cœur insulaire : l’accent est mis sur la sensation, sur la pénétration vers l’invisible.

  POSTÉRITÉ DE MOHAMMED DIB

Selon Mourad YELLES, la question de la succession littéraire est complexe, soulevant bien d’autres problématiques, dont celle du lectorat potentiel, mais aussi de l’enseignement, des médias etc.

Habib TENGOUR insiste également sur le  problème des librairies. Il n’existe pas en Algérie de réédition de l’œuvre de Dib avec tout l’appareil critique nécessaire. Le problème se pose également pour l’œuvre de Kateb Yacine. Il y a une véritable absence du phénomène de la réédition d’un auteur chaque décennie comme nous la connaissons avec le livre de poche.

Habib TENGOUR évoque ensuite sa propre expérience du livre en tant que lecteur et écrivain, son besoin de lire la littérature algérienne vers l’âge de vingt-cinq ans, au moment de s’intéresser véritablement au travail de la langue. Les nouvelles générations d’écrivains se réclament principalement de Kateb, de Nedjma alors que pour lui-même, c’est Dib qui a nourri sa jeunesse en tant que lecteur, qui l’a marqué, avec Au café ou encore Qui se souvient de la mer. Les écrivains de la jeunesse francophone se sentaient portés par leur peuple, c’est ce qui fait leur force. Il y avait une urgence, pas éditoriale, mais de témoignage, d’un monde neuf.

L’hommage se termine par le traditionnel moment des questions ou remarques. Charles BONN, présent dans l’assistance, prend alors la parole et revient ainsi sur la dimension mystique de l’œuvre de Mohammed Dib. Il s’agit pour lui d’insister sur ce point en ce sens qu’il constitue un modèle d’écriture pour Dib plutôt que l’adhésion à une foi, comme il est parfois possible de le croire. Il revient également sur la postérité de l’œuvre de Dib, affirmant qu’au contraire, les jeunes générations d’écrivains qu’il a rencontrées se réclament de la paternité de Dib plutôt que de Kateb.

 (Cécile Carette)

 

 « HOMMAGE A MOULOUD MAMMERI » (Dimanche 9 février, Animé par Youcef Nacib)

Intervenants Hervé Sanson et Tassidir Yacine

Youcef Nacib, en introduction, raconte sa collaboration avec Mammeri. En 1968, Mammeri donnait un cours de berbère à l’Université d’Alger, avec autorisation verbale du ministre de l’éducation. En 1979 (et jusqu’en 1989, date de la mort de Mammeri), il a dirigé un Centre de recherche d’Anthropologie et préhistoire. L’homme était humilité, jovialité et gentillesse, extrêmement agréable avec tous. C’est d’abord un écrivain, dès les années 1940 (« Le sommeil du juste »). Mais il a écrit beaucoup de textes encore inconnus, dans le cadre de son centre de recherche, pour une action scientifique qui dépasse la seule Algérie. C’est à partir de l’anthropologie que Mammeri a pu créer le Centre culturel berbère, pas seulement parce que c’était SA culture, mais parce que celle-ci était en voie d’extinction. C’était un passionné de culture berbère, qui ne pratiquait pas l’obscurantisme, il n’a jamais été opposé à l’islam et à la culture arabe.

Tassidir Yacine a travaillé en France avec Mammeri. C’est un écrivain important qui a imposé une vision de l’Algérie, mais aussi du Maghreb. Il a été plus connu à partir de 1975 en traitant de la langue et de la culture berbère qui étaient en train de disparaître. Il affirme que l’Algérie est un pays pluriel, avec les trois langues, berbère, arabe et française. Il rêvait d’un Etat laïc et multiculturel. Par ses romans il s’est impliqué dans la politique, action qu’il a menée directement en faveur du FLN pendant la guerre d’indépendance. IL a été sous pseudonyme éditorialiste dans des revues.  Si il est venu à Paris  (1982), c’est comme point de rencontre de tous les intellectuels de la Méditerranée, où il rencontre Bourdieu. On trouve chez lui une ambivalence vis-à-vis des textes religieux. Il affirme que le monde chrétien n’a pas le monopole de l’intégrisme. Il est important de sauver la mémoire de Mouloud Mammeri.

Hervé Sanson n’a pas connu Mammeri : il a travaillé depuis un colloque de 1990 sur une vision critique de L’opium et le baton. Malgré son classicisme apparent, il a procédé à un déplacement des limites en mettant en avant l’épopée et la tragédie. Pour les contenus, Mammeri fut avant-gardiste, dans le fond et la forme, en particulier pour les rapports homme/ femme et les cultures minorées. Quelques thèmes clés : part de vérité et d’illusion ; conformisme ; rapport entre individu et groupe. Dans l’opium et le bâton apparaît l’importance du chiffre 3 (frères, mères, amours, lieux), comme symbole de régénérescence et d’harmonie. Les romans sont extrêmement travaillés et aboutis. La pratique romanesque s’est nourrie de la pratique anthropologique.

Diverses interventions du public insistent sur le rôle de Mammeri dans la mobilisation de la jeunesse kabyle, à un moment où des officiels algériens considéraient que la Kabylie n’existait pas, pure invention des Pères Blancs. C’est le père de ceux qui aujourd’hui écrivent en berbère, lui qui est l’auteur d’un dictionnaire touareg, mais aussi le défenseur d’une triple culture, que certains en France réduisent à une double culture franco-kabyle

Youcef Nacib rappelle que dans l’Université coloniale d’Alger existait une chaire de berbère et qu’en 1962 un enseignement de fait a été poursuivi. Pendant la période de pensée unique Boumedienne/ Chadli, une salle restait ouverte à l’université pour qu’une vingtaine d’étudiants étudient le berbère, une chaire « sans le dire ». Ce dont il ne fut plus question sous l’influence baasiste ??? postérieure. Il remarque que Mammeri n’a jamais été « kabyliste ». Il parlait plusieurs langues berbères, l’arabe, le français… et même le latin et le grec.

Tassidir Yacine remarque qu’il y a besoin d’une exégèse des textes berbères pour un enseignement auprès des femmes, pas seulement avec quelques textes connus, mais avec toute l’œuvre représentative de Mammeri. Celui-ci a lutté contre les ghettos. Non sectaire, il a été élu président de l’association des écrivains arabes, il voulait un combat commun et luttait pour la multiplication des langues et des cultures d’Afrique du Nord.

Hervé Sanson rappelle que si les trois premiers romans de Mammeri se déroulent en Kabylie, le dernier est du sud saharien, de dimension berbère plus large.

(Michel Yvon)

Entretiens : quelque trente six écrivain(e)s ont été interrogé(e)s pour présenter leurs livres par Catherine Pont-Humbert, journaliste littéraire. Chaque fois un court dialogue d’un quart d’heure a permis de dégager l’essentiel d’un ouvrage. Rappelons que les fiches des cent quarante quatre livres qui ont été dédicacés par leurs auteurs au Vingtième Maghreb des livres forment un catalogue consultable ici même.

 « SERGE MOATI » « Le vieil orphelin » (samedi 8 février 2014)

« Je suis né une 2ème fois Place Tahrir. J’ai toujours 11 ans, âge fondateur pour moi : j’ai caché très tôt que j’étais orphelin, et juif. En 1958, j’ai quitté Tunis pour la pension du Lycée Michelet, Porte de Vanves. Je n’osais pas dire que j’étais orphelin, alors j’inventais des mensonges. Je suis devenu « menteur professionnel » (sic) Mon père était journaliste, en colonie de vacances, les autres enfants me posaient la question « qui est ton père? ». La TV tournait avec Léon Zitrone à l’image. Alors j’ai dit « c’est lui mon père! ». Et là, le cauchemar a commencé. Les enfants m’admiraient et je ne pouvais plus revenir en arrière. Par un hasard extraordinaire, les vrais enfants de Léon Zitrone sont arrivés, dans la même colonie de vacances que moi! Horreur! J’ai été découvert, dénoncé, et je suis tombé de mon piédestal!

Alors j’ai inventé que ma mère était la Reine d’Angleterre. Plus tard, quand j’ai visité Londres avec F. Mitterrand, il m’a dit d’un ton pince sans rire en désignant la reine : « Voilà votre maman »… « 

Le livre de Serge Moati est très truculent, à 2 voix, celle des morts et des vivants. « Je filme les gens, depuis l’âge de 12 ans, pour les garder vivants. « 

(Anne-Lise Verdier)

 « PIERRE JOXE » « Soif de justice » (samedi 8 février 2014)

Pierre Joxe, avocat spécialiste de la justice pénale pour les mineurs, montre dans son dernier ouvrage l’état alarmant des institutions de justice sociale : il s’agit des tribunaux des Prud’hommes, des affaires de sécurité sociale,  les tribunaux de contentieux de l’incapacité, sur lesquels l’auteur a enquêté. Il en ressort un aspect peu connu de la justice: les familles pauvres, les étrangers, précaires… face à des institutions qui fonctionnent mal et trop lentement! L’Etat français a déjà été condamné pour sa lenteur!… et pour déni de justice : à Bobigny, aux Prud’hommes, des gens ont attendu un an une décision de justice…

L’auteur montre la différence entre la France et les pays voisins : en Allemagne, il y a deux fois plus de préposés à la justice. Il montre aussi que la justice sociale est pauvre et dénigrée en France: « les luttes sociales n’ont pas de héros » : Maria Blondeau, femme fusillée sous la IIIème République, pour avoir manifesté pour la journée de 8 heures (à l’origine de la journée du 1er mai) qui la connait?

Au Palais de justice, il n’y a pas de juridiction sociale : les Prud’hommes, le tribunal de sécurité sociale, se trouvent toujours ailleurs, dans des endroits reculés, des ruelles… On entend « il faudrait 20 ans pour réformer », et un magistrat nécessite 30 ans de formation… mais 20 c’est peu dans l’histoire d’un pays, tout dépend ce que l’on veut en faire…Comment la France pourrait-elle changer pour arriver à un modèle juridictionnel européen? Si un droit est dans la loi mais que la loi ne peut pas s’appliquer, est-ce un droit?

Autant de questions posées par le livre Soif de justice, au secours des juridictions sociales

(Anne-Lise Verdier)

 

« JP FILIU, CYRILLE POMIES » Le Printemps des Arabes  (samedi 8 février 2014)

 Ce livre est né de la volonté de mettre des visages et des noms sur ceux qui ont fait les récentes révolutions arabes. Cyrille Pomiès, qui aime dessiner des portraits, est parti de photos, de vidéos… pour dessiner les chapitres d’une histoire qui est encore en train de s’écrire. Charge à Filiu de faire l’arrêt sur images que lui impose son rôle d’historien, tout le problème est de savoir quand faire cet arrêt sur images?

Le dernier chapitre aborde la théorie des « complots”, et montre comment cela sert les dictateurs, qui ont intérêt « à ce qu’on n’y comprenne rien ». Une situation trop compliquée, nous donne le sentiment de ne rien y comprendre et rien y pouvoir. Malheureusement la Syrie en est un bon exemple, depuis 1982.

Pomiès a fait des propositions de mise en scène graphiques : décembre 2010, SIdi Bouzid, il montre la sauvagerie de la contre -révolution en Tunisie. » Dès qu’il y a des dollars, c’est une catastrophe pour les peuples » « le pétrole (russe, iranien, arabe) finance la contre révolution en Syrie, en Tunisie la Révolution a été sauvée du fait qu’il n’y ait pas de pétrole. La Lybie actuelle est très dangereuse, l’Assemblée constituante est bloquée, la contre révolution est très active.

(Anne-Lise Verdier)

« ISABELLE MANDRAUD »Du djihad aux urnes : le parcours singulier d’Abdelhakim Belhadj  (Samedi 8 février 2014)

 Abdelhakim Belhadj est un Libyen au parcours chaotique. Un temps compagnon de route de Ben Laden, sa trajectoire l’amènera à se présenter aux élections libyennes de 2010.

Intriguée par ce personnage complexe à la forte personnalité, témoin d’une époque, Isabelle Mandraud a cherché à le rencontrer et y a réussi en 2012.

Né en 1966, révolté par la condamnation injuste de son père contremaître, poussé par la volonté de combattre et d’abattre Kadhafi, il rejoint le mouvement djihadiste dans ce but. Il se forme en Afghanistan et au Pakistan, puis se retrouve auprès de Ben Laden dont il ne partage pas toutes les idées : Ben Laden prône une lutte sans merci contre l’Occident dont les États Unis sont le fer de lance ; A. Belhadj milite pour une lutte active contre les dictatures arabes jusqu’à leur chute. En désaccord de plus en plus flagrant avec Ben Laden, il repart en Libye, puis au Soudan où il monte et organise des réseaux de résistance à Kadhafi.

Après le 11 septembre 2001, il est, comme tous ceux qui se sont trouvés, de près ou de loin, dans la mouvance d’Al Qaida, traqués par les Occidentaux. Errant de pays en pays (Irak, Iran, Malaisie, …), les Américains le débusquent en Chine, l’arrêtent et le livrent à Kadhafi. Torturé, condamné à mort, il n’est pas exécuté, bénéficiant du rapprochement vers l’Occident opéré par Kadhafi. Il décide alors d’écrire un livre anti-Al Qaida.

En 2010, il est libéré, participe à la libération de Tripoli et se présente aux élections. Très vite, il prend conscience du désastre vers lequel la Libye nouvelle court. Il en tire les conséquences : il s’inscrit comme opposant au régime actuel et décide de mener une opposition active depuis l’étranger. Il reste aujourd’hui un personnage qui compte, régulièrement consulté par beaucoup de chancelleries.

(Alain Guillou)

Interviewé en Tunisie et en Lybie. Sa haine de Khadafi l’emmène en Afghanistan, en Irak, au Soudan, etc Il tente d’assassiner Khadafi et se fait repérer par les Américains dont il va devenir un interlocuteur à cause de sa grande connaissance de la non- homogénéité des milieux djihadistes. Il estime qu’aujourd’hui mieux vaut l’action politique que les armes et s’est présenté sans succès aux premières élections libres de Lybie.

(Jean Domon)

« ABDELWAHAB MEDDEB (absent) et BENJAMIN STORA » Histoire des relations entre juifs et musulmans, des origines à nos jours  (Samedi 8 février 2014)

En premier lieu, Benjamin Stora tient à préciser que le livre est une œuvre académique qui a demandé 5 années de travail et mobilisé 120 auteurs originaires du monde méditerranéen.

Le début du livre est plus personnel : il fait référence à l’enfance de Benjamin Stora et de la conscience qu’il a d’être de la dernière génération qui aura connu cette cohabitation « juifs-arabes » vieille de plus de 13 siècles et aujourd’hui disparue. Dans le temps historique, cette disparition s’est faite de façon très rapide. La séparation est réelle et s’opère dès le milieu du 19ème siècle. Question coloniale, rapport à la culture, à l’Occident, facteurs politiques et économiques en sont les principales causes.

Les auteurs ont voulu adopter la posture de témoins et rappeler cette longue histoire commune. Pour eux, l’histoire, aujourd’hui, ne peut s’écrire qu’en termes de comparaison, et l’univers se comprendre que dans le rapport à l’autre.

Autre originalité : si l’ouvrage présente 3 parties chronologiques, une quatrième privilégie la transversalité, plus optimiste, au détriment de la progression chronologique plus pessimiste.

Le livre, sorti en octobre 2013, a été vendu, à la date d’aujourd’hui, à plus de 12 000 exemplaires et ce, malgré la quasi absence des grands réseaux médias lors de son lancement. Une telle réussite prouve l’intérêt porté par les deux communautés à leur histoire et relation communes. Le pari était risqué compte-tenu des tensions intercommunautaires actuelles et réelles. Pourtant, il est gagné. La longue histoire est souvent capable d’éclairer un présent difficile.

(Alain Guillou)

L’animatrice introduit l’entretien en remarquant que ce vaste travail est introduit par un témoignage très personnel des auteurs sur leur enfance. Ce travail se veut en effet original par rapport aux écrits plus académiques et veut démontrer que cette « convivance » entre les deux peuples n’est pas un mythe. Elle a disparu brusquement a cause des conflits du Moyen Orient. Essayer de comprendre comment ces liens profonds dans le domaine de la langue de la musique des arts qui se sont étalés sur 13 siècles ont fait place à la situation présente. Notre travail a duré 5 ans,  a fait appel à 120 auteurs mais  à notre surprise a été vendu à 12.000 exemplaires. Ceci est important pour l’information des jeunes qui ne voient que la séparation actuelle de ces deux communautés. Nous avons à ce titre ajouté au chapitre Chronologie de cette Histoire de relations fécondes ou tumultueuses un chapitre Transversalité qui opte pour plus d’optimisme

(Jean Domon)

 « JANINE GDALIA » journaliste et poète née en Tunisie Femmes et Révolution en Tunisie  (Samedi 8 février 2014)

 Ce n’est pas un récit  allant du triomphe des islamistes à celui de l’Armée, mais une étude sur les statut des femmes depuis 1956 avec le décret beylical  du temps de Bourguiba jusqu’à la situation présente .Si les femmes ont accès à l’éducation elles n’ont pas encore obtenu l’égalité des  droits sur la succession par exemple. On peut aujourd’hui parler d’un Automne de la Révolution qui exige que l’on suive de près la rédaction d’une Constitution dans laquelle les islamistes pourraient introduire la Charia.

L’auteure dresse des portraits de femmes militantes ou devenues sous la pression des évènements, militantes alors que dit l’une d’elle Les hommes n’ont pas bougé ! On est souvent face à face sur ce plan. Ces femmes réclament le droit à l’athéisme comme Nadia El Fani. Il est évident que l’année 2014 va être décisive pour leur liberté.

(Jean Domon)

« MAHMOUD HUSSEIN »,  pseudonyme de Baghad EINADI  et Adel RIFAAT (Nés en Egypte)  Ce que le Coran ne dit pas (Samedi 8 février 2014)

Posent le problème de l’intangibilité du texte coranique.  Si il est Parole de Dieu,  Dieu ne peut se tromper ? Mais  la Parole qui descend vers nous n’est pas de même nature que Dieu lui même. Et 3 remarques sont à examiner : 1) Cette parole est la langue arabe liée donc à l’Arabie du 7e siècle. 2) ce texte n’est pas un monologue mais un dialogue tenant compte de circonstances précises. 3) Dieu  a voulu donner des conseils aux hommes selon ces circonstances qui peuvent être différentes en d’autres lieux. Par ailleurs tous les versets n’ont pas le même statut. Il faut distinguer historicité et temporalité.

Le texte du Coran  nécessite une exégèse. Dès le 12eme siècle ont été rédigés les Hadiths et contrairement à ce que nous avait déclaré une fois Jean Genet sa lecture n’est pas ennuyeuse mais peut être joyeuse, elle unit le Ciel et la Terre dans un acte de liberté. Découvrir sa fabuleuse richesse et la responsabilité de chacun vis à vis de Dieu est la raison de cet ouvrage

 (Jean Domon)

« YASRINE MOUAATARIF », journaliste franco-marocaine Le Paris Oriental (Samedi 8 février 2014)

Il s’agit d’un Guide englobant entièrement tout ce qui peut se découvrir à Paris en matière de gastronomie, produits de beauté issus de toutes les cultures dites « arabes » de l’Atlantique au Golfe Persique ! Il rappelle les débuts de l’immigration du début du 20eme avec les ouvriers kabyles jusqu’à l’arrivée des égyptiens ou des yéménites récents. Il n’y a pas une véritable cartographie  mais malgré tout des quartiers plus fréquentés par tel ou tel avec encore des survivances comme par exemple les Bains Maures. Une liste bien fournie de 200 adresses avec l’espoir pour l’auteure de donner à Paris de redevenir une capitale culturelle !

(Jean Domon)

« ROBERT SOLE » Sadate (Samedi 8 février 2014)

 Le personnage de Sadate est passionnant. Jeune officier comploteur à ses débuts, il finit assassiné après avoir reçu le prix Nobel de la paix.

Sadate a bouleversé le destin de l’Égypte bien plus que ne l’aura fait son successeur. La reconquête du Sinaï, la paix avec Israël, le renversement d’alliance URSS-USA, sont le versant positif d’un personnage complexe qui possède aussi ses parts d’ombre.

Si, après la mort de Nasser, il a été choisi, c’est que ses pairs le pensait inoffensif. C’était faux : il a emprisonné ses opposants, chassé 15 000 conseillers soviétiques, attaqué Israël pour mieux conclure une paix durable qui a su résister à tous les évènements (intifadas, islamistes, Irak, Syrie, …).

En fait, sa politique a été en contradiction complète avec celle de Nasser, jusqu’à s’allier avec les frères musulmans en introduisant la charia dans la constitution, pour mieux combattre la gauche.

Il a changé le cours de l’histoire et espérait contribuer à régler le problème israélo-palestinien. Son assassinat ne lui a pas permis de mener à bien cette ambition.

En matière économique, ce fut un libéral qui a permis à son pays de s’ouvrir plus largement aux investissements étrangers et au tourisme, politique qui eut son revers : le creusement des inégalités.

Aujourd’hui, l’œuvre de Sadate perdure et il faut, malgré les évènements actuels, rester optimiste sur le moyen terme. En 60 ans, l’Égypte est passé de 18 millions d’habitants à 90 millions. Il faut du temps pour qu’une véritable démocratie, qui exclura militaires et religieux, s’installe durablement. Ce temps viendra, à condition qu’une vraie réforme du système éducatif soit entreprise.

(Alain Guillou)

Robert Solé estime qu’on peut bien comprendre la situation de l’Egypte actuelle à travers la vie de Sadate qui n’a dirigé le pays que pendant 11 années très importantes par rapport aux 29 de Moubarak. Succédant à Nasser, il a eu l’art de brouiller les pistes alors qu’on l’avait cru malléable ! Son traité de Paix avec Israël, sa visite à Jérusalem, son pacte avec les Frères Musulmans, son Alliance avec les USA contre les Russes, etc. C’était : un Homme d’Etat qui s’oppose à l’Opinion !

La situation de l’Egypte reste difficile sur le plan de la sécurité, de l’économie,   mais sa chance d’avenir est dans sa forte poussée démographique

(Jean Domon)

« Djemila BENHABIB », journaliste, née en Ukraine de père Algérien L’Automne des femmes arabes (Dimanche 9 février 2014)

 Est-ce que les révolutions tunisiennes et égyptiennes ont changé la prise de conscience du corps et du sexe des femmes arabes ? On est aujourd’hui devant le « tout ou rien » avec une forte survivance du conservatisme social avec, en particulier cette idée que l’amour est à combattre. On doit se battre pour ces deux mouvements : la liberté des femmes et la séparation du politique et du religieux. L’Islamisme des cavernes ( !) sait s’adapter a la démocratie en fonction de l’Internationale des mœurs et des idées. L’auteure cite les humiliations sur les corps, le fait que les rues restent inhospitalières pour les femmes, que les couples se cachent pour s’embrasser. Tenir tête aux salafistes doit être un acte politique. Et  constituer une chaîne de solidarité internationale pour la libération des femmes arabes.

(Jean Domon)

« Samy GHORBAL », journaliste tunisien Le Syndrome de Siliana (Dimanche 9 février 2014)

Il s’agit d’une enquête dans les couloirs de la mort des prisons tunisiennes, rendue possible grâce à la Révolution de 2011, menée auprès de 445 prisonniers avec l’accord respectueux du Ministère de la Justice. La tendance de l’opinion est désormais très nette à l’abolition et si la condamnation à mort reste autorisée en pays arabes elle n’est plus exécutée en Tunisie depuis 1991 mais les corps des condamnés totalement isolés après des décennies  n’étaient pas rendus à leur famille .Aujourd’hui il est possible de s’entretenir individuellement avec les prisonniers qui sont en général des pauvres bougres issus de régions isolées ou condamnés pour causes politiques sous Bourguiba  et très peu sous Ben Ali. L’appareil judiciaire garde toujours le droit d’exercer la peine capitale mais il s’agit plutôt d’une justice de classe.

 (Jean Domon

 « Alain REY et Lassaad METOUl » Lui lexicographe, elle calligraphe Le Voyage des mots de l’Orient arabe et persan vers la langue française (Dimanche 9 février 2014)

Les deux auteurs ont voulu créer un concept esthétique sur les recherches traditionnelle et contemporaine concernant l’origine des mots et leur  histoire. Toutes les langues sont tributaires les unes des autres a travers les passages d’une civilisation à l’autre. Les pays arabo-musulmans, persans et  turcs ont donné beaucoup de mots à notre vocabulaire. Alain Rey cite alors quelques exemples. Mais il ajoute que son travail a été enrichi par la collaboration de Lassaad qui par sa calligraphie crée un véritable bilinguisme des mots .On fait alors allusion à l’arabesque qui, relie le vent du Ciel au sable de la Terre. Et l’on évoque alors l’apport des civilisations arabes en astrologie, mais aussi  l’algèbre et les mystères de l’alcool, etc …  ….

(Jean Domon)

 « François RAYNAERT » L’orient mystérieux et autres fadaises (dimanche 9 février 2014)

François RAYNAERT est journaliste au Nouvel Observateur depuis 1995, il est également romancier. Son dernier ouvrage est un essai historique paru chez Fayard en 2013, dont le but est de souligner et d’annihiler l’ignorance et les clichés ancrés en occident à propos de l’orient.

Pourquoi parler d’une ignorance à propos de l’orient ?

            L’orient mystérieux et autres fadaises a une composition simple : il s’agit de retracer une histoire d’un point de vue chronologique qui part du moment de l’Empire romain jusqu’à nos jours, en passant par la succession des grands empires et l’apparition de l’Islam, puisque finalement un livre de ce genre n’existe pas, et ce à cause d’une séparation conventionnelle, universitaire entre islamistes et ottomanistes.

Du point de vue occidental, l’histoire orientale est ignorée à cause de sa domination au XIXème siècle : jusqu’à l’avènement de la première guerre mondiale, seuls sept pays ne sont pas colonisés par l’Europe. Cette domination est basée sur une idéologie que l’on pourrait résumer en ces termes « Nous sommes le progrès donc nous avons l’histoire. », le but étant de se distinguer du primitif qui n’est pas marqué historiquement en estimant que ces autres civilisations sont figées. Si l’on se penche sur Le voyage en Orient de Lamartine, ou sur celui de Flaubert, il s’agit toujours de découvrir des vestiges. De fait, en France, on ne s’intéresse d’un point de vue scolaire qu’à l’histoire de l’Europe.

Finalement, c’est un formidable travail de synthèse et en même temps, une occasion de se débarrasser de ces clichés ?

D’ailleurs, l’idée occidentale des chrétiens d’orient implique une mise à distance, une marginalisation de ces derniers. Or, le christianisme qui se développe au sein de l’Empire Romain est autorisé en 330 par Constantin, dont les grandes provinces sont la Syrie et l’Égypte. C’est un fait qui est actuellement sorti de nos têtes. Par exemple, l’Égypte a tendance à se réduire dans nos esprits à l’époque pharaonique et à l’Égypte actuelle : c’est une image qui est faussée. Après Cléopâtre, l’Égypte est conquise par César aux environs de 50 avant J.-C., et jusqu’en 650, sept siècles sont gommés durant lesquels l’Égypte est une province romaine. Elle est à l’époque le lieu des débats théologiques du christianisme débutant, il y a vers l’an 300 de grandes discussions sur la nature du Christ : il s’agit de savoir si, étant le fils de Dieu, il est de la même nature ou non. Le prêtre Arius affirme qu’au contraire, le Christ n’est pas un Dieu mais plutôt une sorte de « super prophète » et crée la doctrine qu’est l’arianisme.

C’est à Nicée, ville située dans l’actuelle Turquie, où les femmes sont aujourd’hui voilées, où l’on mange des kebabs par exemple que l’Empereur romain organise un grand concile pour résoudre les débats théologiques.

Dans votre œuvre, le personnage d’Alexandre le Grand est particulièrement intéressant, il apparaît comme rêvant de « symbiose et de syncrétisme ». Que serait le monde d’aujourd’hui si c’était réellement le cas ?

Dans les consciences actuelles, Alexandre le Grand est grec. En réalité, il est macédonien. Il organise des expéditions vers l’orient, l’héllénise, va jusqu’en Afghanistan. Cette héllénisation de l’Afghanistan est méconnue mais va pourtant perdurer très longtemps.

En l’an 800, la plus grande ville d’Europe compte 80 000 habitants alors que Bagdad, dans l’Empire abbasside en compte un million. C’est un empire immense qui représente une grande voie commerçante. De grands afflux culturels se produisent à Bagdad, il y a un partage des savoirs chinois, avec l’importation du papier, mais aussi indiens, avec les chiffres dits arabes.

En outre, à cause de l’héllénisation, les grands philosophes grecs ont étudié à Bagdad, puisque le calife Al-Ma’mûn, qui voit Aristote en rêve, a décidé d’y implanter la Maison de la Sagesse.

(Maud-Cécile Carette)

« Abdelkader DJEMAÏ) Une ville en temps de guerre (dimanche 9 février 2014)

Abdelkader Djemaï est né à Oran en 1948 et vit en France depuis 1993. Sa première œuvre, Saisons de pierre est publiée en 1986 en Algérie. Il a publié beaucoup de récits de voyages.

Une ville en temps de guerre est publié au Seuil, il s’agit d’un récit, dont le personnage s’apparente à vous, né de famille modeste à Oran.

Le « je » peut parfois paraître indécent, il y avait pour moi une nécessité d’inventer un « il » pour prendre un certain recul et ne pas me piéger dans une forme de narcissisme. Il fallait avant tout témoigner des atrocités vécues. En France, l’histoire de l’OAS n’a jamais été abordée d’un point de vue littéraire, il fallait « rétablir les choses dans leur vérité ». Né dans un quartier européen, je ne me suis jamais fait de copains européens pendant mon enfance puisqu’Oran était une ville fasciste, les algériens étaient exclus.

Le récit va jusqu’aux derniers mois de la guerre, jusqu’au bout des massacres : on voit apparaître le refus de l’indépendance de la part de l’OAS alors que cette indépendance était inéluctable. L’OAS abattait même les français comme des chiens.

Vous évoquez même la devise de l’OAS : elle peut frapper « quand elle veut, où elle veut et comme elle le veut »? -Il y avait du racisme par rapport aux autochtones, mais l’OAS s’offrait le luxe de tuer tout le monde, même les français. La littérature doit rappeler ces choses-là. C’est une réelle urgence. En 1960, on demande un recensement des populations du Maghreb. Il apparaît alors qu’il compte 95% d’analphabètes. Le seul point positif de la colonisation, c’est ce recensement.

Il y a dans votre œuvre une place réservée aux Pieds-Noirs qui prennent le chemin de l’exil. Sans l’OAS, il y a malgré tout une certaine douceur de vivre qui s’installe dans le récit.

Les enfants de Pieds-Noirs étaient, contrairement aux enfants algériens, tous scolarisés. Leur exil était moins difficile que pour les analphabètes. J’ai eu la chance d’être scolarisé parce que je vivais à Oran même, sinon j’aurai sans aucun doute fini berger chez le colon du coin. Il faut bien souligner que pas un seul enfant de Pieds-Noirs n’était analphabète, ils ne sont donc pas des martyrs, ni des victimes contrairement aux algériens exploités. C’est pourquoi il était nécessaire de faire ce livre afin de montrer à quel point, à Oran, la ville des européens, les algériens étaient des victimes du racisme pied-noir. Les Pieds-Noirs étaient les seuls à profiter de cet épicurisme oranais que l’on vante tant, les algériens n’y avaient pas droit parce qu’ils n’étaient ni chrétiens, ni européens. C’est pourquoi cette histoire se termine « en eau de boudin » [rires]. Ce texte était important pour ma famille et pour tout les algériens exploités par un système colonial dégueulasse.

(Maud-Cécile Carette)

 « Lamia BERRADA-BERCA » Une même nuit nous attend tous (dimanche 9 février 2014)

Lamia Berrada-Berca est franco-marocaine, son œuvre comporte de nombreuses influences, on peut affirmer que son fil rouge est la langue française. Elle est d’ailleurs professeur de Lettres Modernes.

Une même nuit nous attend tous est publié en 2012. Il s’agit d’un récit, du monologue intérieur d’un homme qui est fossoyeur alors que sa femme est sage-femme. Par le biais de ces deux personnages, on peut dire que l’on traverse le temps d’une vie.

Le contraste est volontairement violent mais la femme va finalement s’effacer puisque c’est l’homme qui accouche du nouvel espoir que constitue le livre qu’il lit et écrit en même temps. C’est un accouchement à travers l’espoir que l’on met dans les mots. Sa femme, au contraire est à la recherche d’un enracinement de manière plus concrète.

Les personnages de votre œuvre n’ont pas de nom, vivent dans une dictature. Vous parlez d’un pays « tombé dans un grand sommeil » et les habitants de ce pays sont « saoulés d’hébétude ».

Il est très important de percevoir la façon dont les sociétés humaines, les masses (par opposition à l’individu, à la singularité), sont dans un état d’hébétude, notamment à cause d’un discours d’universalisation de la pensée. Souligner cette hébétude permet de soulever l’importance du questionnement de la diversité : l’Individu n’a pas le droit d’exister, et surtout de se reconnaître en tant que tel.

La première cible des dictatures, c’est les livres. Ils sont jetés, détruits, on voit le fossoyeur qui ne lit plus, à tel point que sa femme se demande même s’il sait encore lire.

Le livre est une arme de subversion. On peut être emprisonné pour un poème, pour le mot de la transgression, on le voit actuellement avec le rap. Le questionnement sur la lecture est symbolique, il permet d’interpeller sur ce qui permet de lire, autrement dit l’éducation : Qu’est-ce qui permet de prendre conscience de soi ? C’est la lecture, et l’éducation est le premier des fossoyeurs : le seul livre qui reste est celui que le fossoyeur écrit en même temps qu’il le lit. Lire, vient du latin lego, lire, c’est choisir son chemin.

L’œuvre souligne également la question des frontières entre raison et folie.

Être fou, c’est avoir raison. Il y a un rapport oxymorique qui révèle l’enfermement dans un rapport indépassable au présent. Cette frontière révèle un questionnement sur notre place. Parfois la folie fait preuve d’une extrême lucidité. Être hors norme, c’est déborder les frontières de la norme.

Votre œuvre n’a pas une structure romanesque, les personnages sont sans nom. Pourquoi ne pas vouloir écrire un roman ?

Ce texte est né d’une urgence, d’une image documentaire sur les dictatures africaines que j’ai vu sur France 2, en zappant, comme tout le monde le fait [rires]. La télévision était allumée sans le son, et j’ai vu l’image d’un homme au regard incroyable, un regard qui m’a raconté une histoire de façon muette, et cet homme tenait une bêche. C’était le moment du printemps arabe, moment qui représente un espace incertain, mouvementé : finalement le récit est né du téléscopage de deux époques, celle des dictatures passées et celle du bouleversement présent. Les personnages n’ont pas de nom, ils sont des voix. Un texte est toujours dans un entre-deux, il y a un temps avant et un temps après le texte.

(Maud-Cécile Carette)