Nos auteurs « maghrébins » sont de plus en plus nombreux à se servir de leur sensibilité pluri-culturelle pour traiter des sujets de la société mondiale qui est la nôtre: c’était récemment le cas pour 404, au coeur du monde de l’informatique. http://alger-mexico-tunis.fr/?p=2272 Alice Zeniter, elle, fait converger ce monde informatique (les hackers) avec celui de la politique « classique » et celui des marginaux néo-ruraux. Un grand roman qui concerne Coup de soleil, même si seul le prénom présumé de l’héroïne (« L »), Leilah, est « maghrébin », comme ses attaches familiales, à peine évoquées.
Quelques formules, sans raconter ce roman, permettent de comprendre le regard aigu que l’auteure porte sur les mondes qu’elle décrit: « les inconnus [que l’attaché parlementaire invite au nom de son député]… s’inclinaient devant son titre et acceptaient de venir déjeuner, comme s’il avait été leur supérieur hiérarchique au lieu d’être le dépositaire d’un mandat populaire ». L’héroïne (L) et Fatou « s’étaient racontées leurs vies, qui étaient des vies de jeunes femmes pauvres, l’une noire et l’autre arabe, commencées dans des banlieues perdues loin sur des lignes de RER ». Sur la culture de l’héroïne (L), « elle l’avait forgée grâce à des posts et des PDF. Elle avait lu énormément mais toujours au-dedans [c’est-à-dire dans l’infra-monde des hackers] et un des problèmes de cette manière de faire, c’est qu’elle était incapable de se souvenir de l’auteur des lignes qu’elle avait lues. Tout se confondait comme si ce n’avait été qu’un seul grand texte, au final, qui s’autogénérait et se ramifiait en permanence ». Chez les marginaux néo-ruraux, on organise une fête: « les jours qui précèdent la fête deviennent en réalité le début de la fête […] L’amusement, le plaisir qui viennent dans ces moments-là ne sont pas abîmés par l’angoisse de ne pas s’amuser assez […] ils adviennent et c’est tout ».