C’est en 2013 que je me suis intéressé au texte de Memmi publié dans la revue Arguments http://alger-mexico-tunis.fr/?p=649 Je puisais alors dans mes archives pour me remettre au courant de ce que la guerre d’Algérie et le Maghreb étaient pour moi. C’est la lecture de Leila Slimani (le pays d’ailleurs), et à ce propos une conversation avec Marc, qui m’a rapproché de Memmi en relisant la semaine même de sa mort son roman Agar (1953). Du coup, je reprends le texte de 1958, un peu mieux édité que voici sept ans.
La revue Arguments a duré douze ans, née du double choc en 1956 de la révolution hongroise et de la montée de la guerre en Algérie. Elle a publié 28 numéros. Elle s’est attachée à redéfinir les bases des sociétés modernes de l’époque, de la société française avant tout : le numéro 10, de novembre 1958, fait exception en organisant une discussion sur le « Problème nord-africain ». Ailleurs dans la revue, certes, ce problème est sans cesse présent, puisque c’est la guerre d’Algérie qui vient de faire exploser la 4e République en France et qu’en cette fin d’année 1958 nul ne sait ce que va être la 5e République en train de naître. Mais ce « problème » est regardé depuis la société française. Le texte de Albert Memmi, puis les quatre commentaires qui le suivent, qui forment la moitié de ce numéro 10, essaient de ne pas s’en tenir exclusivement au côté français, pour dialoguer avec les Maghrébins, et pas seulement les Algériens. Albert Memmi (1920-), romancier et psychologue, juif tunisois, est alors connu depuis un an parce que son Portrait du colonisé (1957) a été préfacé par Jean Paul Sartre. Les commentaires à son présent texte proviennent des différentes composantes de la gauche française : Edgar Morin, Jean Marie Domenach (1922-1997), qui est alors le directeur de la revue de la gauche chrétienne, Esprit. Gilles Martinet (1916-2006), qui est alors directeur de l’hebdomadaire France- Observateur, le principal journal avec l’Express à militer pour une paix négociée en Algérie. Claude Duchet, évidemment proche du Parti Communiste d’après ses commentaires, est sans doute ce professeur de littérature qui après 1970 sera connu pour ses travaux de « sociocritique ». L’imperfection de notre texte a une double origine : au départ, c’est la transcription d’une table ronde, pas toujours bien révisée par les auteurs ou par l’éditeur. La graphie de la revue a ensuite gêné notre nouvelle saisie du texte, partiellement automatique.
La Gauche Française et le problème nord-africain
Si le tournant décisif de la décolonisation est franchi en Afrique noire, le problème algérien demeure entier. C’est sur ce problème que la gauche française s’est non seulemnt divisée mais enlisée. Elle y demeure encore enlisée et divisée. Un débat de récapitulation et de réflexion présente un intérêt, non seulement historique, mais encore actuel, car il met en cause des principes d’action presents et futurs. (Arguments)
Le bon métropolitain.
C’est une banalité, depuis quelques temps, de parler d’un malaise de la gauche à l’égard du problème colonial. Ce l’est moins d’en proposer une explication. J’avais montré que les difficultés du colonisateur de gauche provenaient d’une rupture, ou d’une disharmonie entre son idéologie et son experience vécue de la réalité coloniale. Chez le métropolitain de gauche, il n’y avait, en gros, que des attitudes idéologiques: ces attitudes n’ayant jamais été mises à l’épreuve du reel; c’est-à-dire en contact direct avec le colonisé et la colonisation. D’où apparemment chez le métropolitain de gauche:
1) Une attitude idéologique plus unie, plus ferme que chez le colonisateur de gauche. 2) Une attitude plus généreuse 3) Une attitude plus abstraite
D’où, chez le colonisé, la naissance du mythe du Français de France, ou du bon métropolitain, qui serait meilleurs, plus compréhensif, plus désintéressé que le colonisateur. D’où également, chez le colonisateur, l’impression que le métropolitain ne comprenait rien à la réalité de la colonisation. Puis vint la guerre d’Indochine, puis les événement de Tunisie et du Maroc, puis surtout l’Affaire d’Algérie: ce fut l’irruption progressive de cette réalité dans la vie du métropolitain; ce fut la confrontation implacable, de plus en plus aiguë, de l’idéologie du métropolitain avec cette réalité. Les positions du métropolitain de gauche, qui participe, avec tous les métropolitains, à cette aventure historique, vont nécessairement s’en trouver nuancées, et quelquefois bouleversées. Cette fois il doit prendre des options, des décisions souvent douloureuses.
Le bon colonisé.
L’attitude coloniale du métropolitain de gauche, avant ces événements, doit se comprendre en fonction de son attitude politique générale. En droit, sinon toujours en fait, le métropolitain de gauche tendait vers un humanisme universaliste, laïque et social; plus ou moins universaliste, plus ou moins laïque et plus ou moins social. Il pouvait être nationaliste de fait, avec une petite teinture universaliste (comme les radicaux), internationtliste avec des crises nationalistes (comme les ouvriers communistes), etc… Mais, enfiin, c’était ainsi qu’il se voyait.
La manière dont il concevait le colonisé trouvait une place cohérente dans ce tableau : il souhaitait le bien du colonisé, et, d’une certaine manière, sa libération. Mais quelle libération ? Essentiellement sa libération sociale. En outre, plus ou moins clairement, sa promotion culturelle et spirituelle. En somme, il voulait faire bénéficier le colonisé de ce qui lui paraissait souhaitable pour lui-même. Car pour lui, la lutte sociale était la plus importante; de plus, il en était déjà aux problèlmes culturels. Lorsqu’il admit qu’il existait aussi un problème de libération nationale pour le colonisé, il insista sur la liaison indissoluble de cette libération nationale avec la libération sociale, qui en serait la condition sine qua non. En bref, raisonnant pour lui‑même en termes de classe, il extrapole pour le colonisé.
Cette sollicitude du métropolitain pour le colonisé repose à la fois sur une certaine image de soi-même et sur une certaine conception du colonisé et de ses besoins. On peut essayer de faire l’inventaire de cette conception du colonisé avant les troubles coloniaux. Bornons‑nous à noter que le métropolitain, ne se trouvant pas en rapport direct de domination avec le colonisé, ne vivait pas les aspects négatifs de la relation coloniale, si importants pour comprendre le colonisateur de gauche. Si même on lui avait démontré que cette domination existait, qu’elle avait des conséquences importantes, par exemple, que le métropolitain lui‑même en tirait des avantages considérables, qu’il était donc lui aussi en relation coloniale, cette relation. n’étant pas vécue, restait abstraite.
Brève rencontre. Un fait nouveau, avons-nous dit, a surgi avec l’ébranlement de l’empire colonial français : les métropolitains se sont trouvés confrontés, de manière brutale avec la réalité coloniale. Il n’est pas étonnant que les mythes risquent d’éclater… et, peut‑être, d’être remplacés par d’autres. Puisqu’il est difficile de supporter une réalité menaçante, et que l’homme a découvert de lui opposer le dérivatif du mythe. Comment s’est présentée cette confrontation ? Et, d’abord, quelle fut la physionomie des mouvements de libération coloniale ? Essentiellement, et nécessairement – je l’ai montré ailleurs ‑ sous forme nationale et nationaliste a‑sociale, politique, religieuse. L’aspect social, quand il existait, ne primait pas et, dans plusieurs cas, était même refusé ; l’aspect politique était de loin le plus important et souvent dans le mauvais sens ; l’utilisation pour le moins, de l’aspect religieux, était très fréquente.
a) D’où, déjà, un trouble idéologique, fort compréhensible chez le métropolitain de gauche : il s’est toujours méfié des revendications nationalistes, qu’il considère comme des alibis, destinées à voiler des intérêts de classe. Il ne peut que s’en méfier davantage lorsqu’eIles se présentent nettement sans contenu de classe. De même pour l’aspect religieux.
b) Mais ce trouble serait demeuré idéologique, je pense, s’il n’y avait pas eu une base matérielle aux hésitations de la gauche. Ce point est capital.La gauche française représente et défend les intérêts des masses françaises. C’est ainsi, en tous cas, qu’elle se conçoit ; c’est vrai en grande partie. Or comment ont réagi les masses françaises dans cette confrontation nouvelle avec le colonisé ? En d’autres termes, pour employer un langage connu : quelle devint l’infrastructure nouvelle à l’idéologie coloniale de la gauche?
En gros, on peut affirmer que les masses françaises ont réagi négativement. Elles ont cru, à tort ou à raison, qu’elles seraient lésées par l’abandon des colonies (exemple type : l’affaire du pétrole, grossie certes, mais efficace). Elles ont fait des réactions xénophobes (constatées par les étrangers les plus francophiles). Vis‑à‑vis du colonisé, elles ont adopté une attitude de refus grandissant. Une analyse plus complète de ce réveil xénophobe mériterait d’être faite. Pour nous en tenir à la relation coloniale, notons rapidement : la présence de nombreux Algériens en France, très prolétarisés, donc inspirant un certain mépris à un peuple riche ; des expériences désastreuse : guerre, vécue de plus en plus directement, peur, humiliation, sentiment de complicité en face de la torture, etc… Bien entendu, il faut ajouter que de bons apôtres ont poussé à la roue de toutes leurs forces.
Pour conclure d’une manière imagée, disons que, mis à l’épreuve du réel, le mythe du bon métropolitain s’effondre. Par quoi va‑t‑il être remplacé chez le colonisé ? La place nous étant mesurée, résumons‑nous encore : il n’y a plus, dira‑t‑il, de métropolitain, ou même, il n’a jamais existé. Tendance à mettre tous les Français dans la même catégorie ; ce qui est aussi faux. Inversement : le mythe du bon colonisé disparaît chez le métropolitain. Par quoi est‑il remplacé? Nous allons le voir. Ainsi la rencontre du bon métropolitain et du bon colonisé les fait éclater tous les deux. Après cela, comme je l’ai montré pour le colonisateur et le colonisé, ils ne seront plus jamais les mêmes.
COMMENT A RÉAGI LA GAUCHE FRANÇAISE ?
1) Elle est d’abord désorientée. Le trouble idéologique, né au contact des revendications colonisées, devient bouleversement devant les réactions des masses françaises ; dont la gauche se veut, ne l’oublions pas, l’expression et l’agent d’exécution. La gauche est ainsi désorientée en tant que gauche et en tant que française. En tant que gauche : elle ne retrouvait pas chez les colonisés, les schémas avec lesquels elles les pensait ; et, plus gravement encore, ce pour quoi elle se battait, ce pour quoi elle existait. D’autre part, elle se sentait désavouée par ses propres troupes, elle ne collait pas à leurs réactions. En tant que française, elle avait beau en faire abstraction, ou même le nier, elle était nationalement concernée : par les colonisés, qui présentaient des revendications de nation à nation ; par ses propres troupes qui faisaient une authentique réaction nationale.
2) Quelle va être son action politique ? Elle s’est graduellement, et de plus en plus gravement, paralysée. Répondons en passant à une objection courante : la gauche serait paralysée simplement parce qu’elle n’a pas d’action commune. Je crois malheureusement le mal plus grave, plus profond et plus lointain. Elle n’a pas d’action commune parce qu’elle n’a pas de politique commune ; et elle ne peut avoir de politique commune parce qu’elle n’a plus guère de doctrine commune.
Le résultat de cette carence est que la gauche a éclaté sur ce problème. Les résolutions de gauche, si résolutions il y a, relèvent de l’émiettement ; même dans le même groupe, même chez un même individu. La diversité des positions permet à tous les intérêts, comme à l’individualité de chacun, aux passions les plus diverses, de se refaire une place. puisque tout peut être soutenu à la faveur de ce désordre. Mieux encore, dans chaque attitude on trouve un peu des autres. Cela dit, on peut distinguer en gros :
1° La réaction nationaliste (type Lacoste‑Mollet‑Lejeune) ; 2° Le soutien inconditionnel : (a/ type Observateur, surtout CI. Bourdet ‑ b/ type chrétiens‑progressistes: R. Barrat) ; 3° L’opportunisme : (a/ les comunistes ‑ b/ les mendessistes et les libéraux).
Pour comprendre ce tableau, il faut tenir compte, par delà le bouleversement : 1) du passé idéologique de chaque groupe, 2) de l’état actuel de leur clientèle politique, 3) de la relation de cette clientèle avec le reste, c’est‑à‑dire, aussi de la conjonc politique globale.
La réaction nationaliste et le mythe du colonisé nationaliste‑fanatique, etc…
C’est la plus simple, la plus naïve ; à fond de dépit et de peur. Ah! c’est ainsi! Le colonisé se révèle donc nationaliste! Alors qu’on avait soi‑même dépassé (ou croyait avoir dépassé) l’attitude nationialiste. Eh bien ! soyons aussi nationalists que lui ! Et puisqu’il nous fait la guerre, nous y répondrons par la guerre.
C’est l’espèce d’étonnement, de plus en plus irrité, jusqu’à la rage, jusqu’à l’agression… de nombreux enseignants socialistes. Attitude réactionnelle, certes, mais qui contient également une espèce de bonne conscience, de revendication éthique : celle d’un humanisme laïque désemparé, d’un universalisme qui se croit bafoué, et qui, d’une certaine manière, l’est. Les enseignants socialistes ont cru sincèrement que, tôt ou tard, à force de patience, de temps, d’éducation laïque et républicaine donnée par l’école, et de réformes obtenues par le parti socialiste, on arriverait à la grande fraternité humaine, en particulier entre colonisateurs et colonisés. Au moment où cette vue semble le plus éprouvée, disons‑le : elle n’était pas sans beauté : naïve peut-être, de la naïveté même de l’école primaire, elle était au moins généreuse, résolument anti-raciste par exemple. Malheureusement, la déception n’en sera que plus cuisante; la revendication colonisée, qui ressemble étrangement à ce que les socîalistes combattaient, leur paraît suspecte.
On voit comment ils sont amenés à rouvrir le procès de la colonisation, et cette fois en appel. Est‑ce que la victime en a été vraiment victime ? cette victime qui manifeste tant d’aveuglement, ingratitude et mauvaise foi ? Engagés dans cette voie dangereuse, la guerre se continuant, un grief en amenant un autre, les attitudes se contaminant l’une l’autre, on va revoir, un à un, les attendus du procès, de ce procès qui semblait définitivement instruit, et qui se révèle incertain aux yeux étonnés du socialiste lui-même.
Nous n’allons pas examiner ici les arguments tout frais de ces nouveaux procureurs du colonisé… au nom de la morale socialiste. On peut les trouver dans la Revue socialistedont la passion anti‑colonisée dépasse actuellement celle de Carrefour.
Notons seulement que nous y retrouvons un processus déjà étudié dans mon Portrait du colonisateur : nécessairement un noircissement du colonisé. De fil en aiguille, le métropolitain de gauche, qui a fait la réaction nationaliste, se construit un portrait du colonisé suivant les schèmes colonialistes courants : fanatique, arriéré, incapable de se gouverner lui‑même, hypocrite, brutal, etc., etc… Peu à peu, comme me le souffle plaisamment E. Morin, nous passons du bon sauvage à l’affreux Papou…
Commentaire. Quel que soit l’itinéraire qui aboutit à cette position, la cohérence passionnelle qui l’explique, c’est évidemment une position de Gribouille :
1° Confusion, et soumission progressive de la gauche à des objectifs “nationaux” : la gauche finit par s’effacer en tantt que gauche. 2° Contradiction : on part de l’humanisme universaliste, on aboutit au chauvinisme et à la guerre coloniale… tout en continuant à se réclamer de la paix et de la libération des peuples. 3° Inefficacité : Encore si, ce faisant, la gauche arrivait à résoudre le problème: en fait, elle est toujours dépassée par la surenchère de la droite. 4° Déshonneur : Aux yeux du colonisé, aux yeux du monde et même aux yeux du monde socialiste ; souvent aux yeux d’une partie de ses troupes. En résumé : elle se discalifie et se suicide sans résultats.
Le soutien inconditionnel, ou le colonisé qui a toujours raison.
Les raisons dernières des gens de « la nouvelle gauche » et celles des chrétiens dits progressistes sont différentes. Il n’est pas inutile, cependant, de noter qu’ils sont maintenant parents et alliés par l’intermédiaire de l’U.G.S. En gros, ils disent tous les deux : les colonisés sont ce qu’ils sont, il faut les admettre tels quels. Leur cause est juste, le reste est fioriture et incidents (Claude Bourdet, Roger Stéphane ; Martinet a un peu varié, mais d’abord, il n’acceptait aucune nuance).
Le résultat de cette pétition de principe s’exprime à peu près ainsi :
Sartre : Cela ne nous regarde pas; nous n’avons pas à les juger.
Bourdet : Ne les gênons pas dans leur lutte, même si certaines de leurs initiatives ne nous plaisent pas.
Il est intéressant de noter que la clientèle de ces hommes, aussi honnêtes que possible, les plus fidèles à la gauche, contient de nombreux intellectuels. Ou encore des gens chez qui l’éthique politique n’est pas étouffée par des intérêts trop contraignants. Les chrétiens progressistes sont ceux qui donnent le plus totalement raison aux colonisés; si totalement que celà en paraît bizarre. Il n’y a chez eux ni tactique apparente ni gêne : on dirait que leurs raisons sont d’un autre plan, j’allais écrire d’un autre monde. Je me souviens d’un assez joli mot de Claude Roy : « Ne pouvant convertir les musulmans au christianisme, les chrétiens essayent maintenant de les convertir à l’islamisme. »
L’extraordinaire renversement des positions chrétiennes en matière coloniale trouve là, je crois, son explication. Les raisons des chrétiens progressistes ne sont pas exactement des raisons de gauche : il se fait, par hasard historique, qu’elles s’inscrivent dans une politique de gauche. Mais il s’agit essentiellement de trouver une nouvelle politique chrétienne à l’égard des ex‑colonies ou des futures ex‑colonies, lui permette de sauver ou de préserver les chance du christianisme. Je me hâte d’ajouter que, là‑dessus, viennent se greffer beaucoup de générosité, de dévouement et de courage. Et que, tous les chrétiens ne comprenant pas l’affaire de la même manière, cela coûte souvent assez cher aux chrétiens progressistes.
Commentaire.
Cette attitude, en apparence plus solide et plus fidèle à la gauche, s’est révélée aussi difficile à tenir. C’est que, nous ne nous lasserons pas de le dire, là, encore on refuse de considérer la réalité nouvelle, inattendue, non prévue par l’idéologie. Au lieu de s’y confronter, on la mutile, ou plus exactement ‑ car la réalité, elle, se fiche de nos troubles, on déforme la vision qu’on en a : c’est‑à-dire : on se propose un nouveau mythe. C’est ici celui du colonisé‑civilisé qui a toujours raison et qui n’a besoin de rien. Or, on s’aperçoit vite que, ce faisant, on quitte également le terraiin universaliste et internationaliste; alors que l’on faisait, croyait‑on, le plus gros effort pour s’y maintenir.
Car enfin :
1° Comment un interntionaliste peut-il dire : cela ne me regarde pas ? Pourquoi accepte‑t‑il de sacrifier ses intérêts particuliers, de dépasser le point de vue de son groupe, si les intérêts des autres ne le préoccupaient pas? Pourquoi la gauche a‑t‑elle été pour l’intervention en Espagne, sinon. parce qu’elle pensait que cela la regardait. Pourquoi des Internationales, politiques, syndicales ?
2° Comment ne pas voir qu’une telle attitude tactique aboutit à tolérer tous les excès, terrorisme, xénophobie, réaction sociale, etc ? Et c’est bien ce qui s’est passé. 0n ne dira jamais assez que, ce faisant, les intellectuels de gauche, par exemple, n’ont guère aidé le colonisé à se définir. Bien plutôt, ils ont encouragé chez lui toutes les confusions, ils ont ajouté au désarroi des quelques colonisés qui avaient une conscience politique plus aiguë, plus éthique. Comment un intellectuel colonisé peut‑il condamner le terrorisme, par exemple, alors que les intellectuels non colonisés ne semblent pas si sévères ? Comment un intellectuel colonisé, peut‑il condamner l’utilisation de la religion alors que les intellectuels non colonisés trouvent cela bien naturel ?
3° L’attitude tactique ne sait plus quoi faire des non‑colonisés vivant en colonie. Or ils existent, et ils ne sont pas toujours coupables. Et le seraient‑ils, peut‑on se désinteresser du sort de groupes humains entiers, simplement parce qu’ils ne se trouvent pas, actuellement, en situation d’opprimés ? Est‑ce là encore une attitude universaliste ?
4° Dans cette perspective, on ne comprendrait plus que le métropolitain continue à aider les colonisés, surtout après leur révolte et leur libération. Or il est clair que les colonisés ont besoin de tout, d’une aide technique comme d’une aide culturelle. Le métropolitain de gauche se trouve devant une nouvelle contradiction : d’une part il accepte la séparation absolue entre colonisateurs et colonisés, d’autre part, il découvre que le colonisé a besoin d’une aide extérieure.
Il ne s’en tire vaguement en disant qu’il faut réparer. Connaît‑il beaucoup de politiques fondées uniquement sur des obligations morales ? En fait, comment ne pas voir que le colonisé, ayant été laissé hors de l’histoire, en grande partie par la faute de la colonisation, doit être considéré maintenant dans une perspective internationale, de solidarité internationale ? Qu’on ne peut passer de la colonisation à rien, mais précisément de la colonisation à une organisation universaliste du monde, où chacun a droit de regard, oui, sur les autres ?
En bref, voici peut‑être un paradoxe: se méfiant, au départ, de tout réflexe nationaliste, la gauche‑au‑soutien‑inconditionnel finit curieusement par avaliser le nationalisme du colonisé. Et par contre-coup, à faire du chacun pour soi, c’est‑à‑dire que, subrepticement, nous retrouvons une position nationaliste.
L’opportunisme communiste.
Les difficultés communistes se résument, je crois, dans cette formule que j’ai proposée ailleurs : “ L’heure des libérations nationals des colonisés a sonné plus tôt que l’heure de la liberation mondiale”
Or, pour les communistes – comme pour la plupart des socialistes ‑ c’est la libération par la révolution qui est la seule vraie. L’autre, on ne sait pas trop, elle a quelque chose d’inquiétant, d’imprévu, donc de trouble et d’unique. (C’est peut‑être, d’ailleurs, objectivement, un malheur: la révolution socialiste aurait économisé aux colonisés l’étape du nationalisme ‑ peut‑être ; pas surement. S’il avait existé, une “Union des Républiques démocratiques de France et d’Afrique”, le trouble idéologique de la gauche aurait été moins grave. Elle aurait peut‑être exigé, avec bonne conscience, le maintien des ex-colonisés dans l’Union.)
En tout cas, malgré le livre connu de Staline, malgré les quelques texts de Lénine sur la question nationale, la liberation nationals des colonisés ne peut jamais être, pour les communistes, qu’un substitut de l’autre, une étape. L’historique des positions communistes est celle d’un grand embarrass. Après avoir combattu les premières affirmations nationalists, dont ils avaient sous-estimé la vigueur, et parce qu’ils espéraient que la revolution socialiste surviendrait avant leur aboutissement (voir 1936), ils décidèrent de lâcher du lest. Mais, c’est faute de mieux, e il s’agit toujours de sauver les meubles.
C’est‑à‑dire, ici, de ménager l’avenir. Comment ? En obtenant la confiance des nationalistes, puisque la prevue est faite que c’est eux qui ont la confiance des masses colonisée, que c’est leur langage qui est entendu, que c’est leurs thèmes qui portent, et, en même temps, en refusant de romper les liens entre les colonisés et la métropole. Ils n’ont même pas une confiance sérieuse dans les partis communistes locaux, qui restent, probablement, sous la direction du parti métropolitain.
Un autre argument, en apparence different, mais qui rejoint le précédent: les directives russes (le mot peut être remplacé par un autre, cela ne change pas le fond, mettons “les intérets de l’U.R.S.S. », ou “les nécessités de la révolution mondiale” ou “les conseils”). L’allure nationaliste des mouvements colonisés de libération les fait regarder souvent du côté américain, c’est‑à‑dire du côté bourgeois. La conjoncture économique et historique l’exige fréquemment (O.N.U., aide militaire, économique, etc.). Cela signifie aussi que la Russie ne peut que se méfier. En outre, si les colonisés se mettent à naviguer entre deux impérialismes, le français moribond et l’américain tout vigoureux, autant leur conseiller le moribond (il n’est pas impossible enfin qu’il s’y ajoute l’espoir de voir la France s’épuiser dans l’aventure et l’O.T.A.N. indirectement atteint. Cela, on l’a écrit assez souvent déjà).
Nous nous trouvons, une fois de plus, en présence d’une situation politique contradictoire. D’une part, les libérations coloniales sont souhaitées puisqu’elles vont “dans le sens de l’histoire”; d’autre part elles se font dans des formes pour le moins suspectes et hors du contrôle des révolutionnaires français et hors du contrôle de l’U.R.S.S (la récente influence russe sur l’Egypte et la R.A.U. demanderait une analyse à part).
Le résultat de tout cela est l’action si visiblement contradictoire, incohérente des communistes, le résultat, c’est la paralysie progressive du parti communiste devant les problèmes coloniaux. Des militants communistes se font tuer comme soldats en Algérie et d’autres se font torturer parce qu’ils gênent I’armée. Le Parti Français clame son indignation et vote les pleins pouvoirs aux gouvernements qui font la guerre: il le ferait encore si l’alliance avec les socialistes pouvait s’en trouver mieux, toujours persuadé que c’est le plus important, le plus urgent (sens de la rupture de A. Césaire). Et bientôt, il n’y mène plus d’action communiste, il y a paralysie constatée.
Là encore, bien sûr, il faut considérer la clientèle communiste, Si cette clientele avait été résolument contre la guerre, les communistes en auraient tenu compte. Il faut bien constater que, leur clientèle, surtout ouvrière, leur permet largement une telle conduite. Lorsque l’ouvrier communiste avait fini par se résigner à l’abandon de l’Algérie, c’était par indifférence, lassitude ou dégoût, non par éthique ou sympathie pour le Nord-Africain. Au contraire, la xénophobie, une espèce de colère nouvelle contre le Nord-Africain, la crainte de voir diminuer le niveau de vie, etc… se sont accrus dangereusement, entretenues d’ailleurs par la propagande, le cinema, la radio et la presse. Ce n’est donc pas entièrement de la faute des communistes ; mais il y a tout de même faute, en ceci qu’ils confirment leurs troupes dans cet état d’esprit. Ils ne font rien pour lutter sérieusement contre cette propagande, pour dissuader les ouvriers de leur xénophobie naissante, pour leur montrer que ni le socialisme, ni peut-être leurs intérêts véritables, ne, trouvent leurs comptes dans les guerres colonials. Mais pour cela, il aurait fallu qu’ils en soient eux‑mêmes convaincus.
L’opportunisme mendésiste.
Un autre opportunism est celui des radicaix de Mendès-France et du journal l’Express, qui est relayé en partie par les libéraux du Monde, tel Maurice Duverger. Je ne sais en vérité si l’on peut encore parler correctement de gauche, mais enfin la classification l’admet communément. Et puis, les socialistes ont tant fait qu’il n’est plus difficile d’être plus à gauche qu’eux.
Le fond de l’affaire est ici, je crois, de sauvegarder les intérêts économiques de la France dans les colonies ou les ex‑colonies. Pour certains « jeunes patrons » intelligents, il y a coïncidence entre une politique libérale, le salut économique du pays et leurs intérêts privés. Ce n’est pas absurde, ou point de vue français au moins. Et c’est probableruent une grande erreur historique de la bourgeoisie française d’avoir torpillé Mendès‑France, qui aurait peut‑être sauvé l’essentiel ‑ c’est‑à‑dire les liens économiques ‑ en accordant l’autonomie administrative. Evidemment, ce n’était pas certain et il y avait un certain risque (qu’elle a refusé de courir, préférant risquer de tout perdre).
1° L’aménagement proposé par Mendès‑France pouvait ne pas tenir longtemps. Le dynamisme des mouvements de libération colonisés, un instant freiné par ces accords, pouvait reprendre et échapper à sa propre bourgeoisie signataire de ces accords. Je pense, franchement, que c’est ce qui serait passé, tôt ou tard. 2° Le colonat se trouvait tout de même en partie atteint : Après quelques hésitations, il a repris l’offensive. 3° Les fonctionnaires francais, qui constituent en colonie une partie importante des colonisateurs, ont compris qu’ils étaient condamnés : ils ont été les plus virulents contre Mendès‑France et n’ont pas eu de peine à se trouver des défenseurs parisiens (l’opposition du fonctionnariat a dépassé celle des colons, à l’étonnement général).
Quoi qu’il en soit, possible ou impossible en théorie, l’opportunisme de Mendès‑France et de ses amis a échoué en fait. Il n’a pas réussi à sauver les meubles, lui non plus.
Conclusions.
Pour nous résumer brièvement : au contact de la réalité humaine, sociologique et politique du colonisé et de la colonisation, c’est‑à‑dire devant la manière : 1) dont le colonisé a entrepris sa libération ; 2) dont les masses françaises ont réagi devant ces revendications
il s’est produit : 1° un désordre idéologique au sein de la gauche française ; 2° une action ou une absence d’action qui ont mené la gauche ‑ soit à se discalifier, en rejoignant la droite, sans même y gagner en efficacité ; ‑ soit à se contredire en tant que gauche ; ‑ soit à la démission et à la paralysie. Dans les trois cas enfin, à l’inefficacité et à la démission de soi.
QUE FAIRE ? Je voudrais revenir ici à une distiction méthodologique que j’avais eu le tort d’indiquer trop rapidement dans « le portrait du colonisé » : celle du vœu et du constat.
Je disais qu’il était nécessaire de séparer nettement ces deux étapes ; qu’il fallait d’abord provoquer la discussion par un bilan et n’examiner les solutions qu’après. Un constat peut être parfaitement correct et les voeux parfaitement discutables ; pour cette, raison, entre autres, que le constat porte sur le réel, le vœu est du domaine de l’hypothèse, du futur, souvent de l’éthique ou simplement de la passion. Enfin la préoccupation des solutions risque constamment de gêner, de polluer l’examen du constat.
J’ai essayé de faire ici une analyse de la situation sociologique, psychologique et politique de la gauche française en face de l’aspect actuel du problème colonial. Je propose une explication de sa confusion idéologique et de sa paralysie. Je souhaite que l’on discute de ces propositions isolément, en laissant de côté pour le moment, les lignes qui vont suivre.
Cela dit et fait, je me permets de me poser une question supplémentaire : que peut faire la gauche pour en sortir ?
Je crois, pour ma part, qu’elle doit revenir à elle‑mêrne. Qu’est‑ce que cela veut dire? Pour répondre à cette question, il faudrait, en vérité, redéfinir ce qu’est être de gauche ; rappeler les termes essentiels d’une philosophie et d’une éthique politique. Et, tôt ou tard, il faudra bien y arriver. En attendant, voici quelques propositions qui me paraissent entrer dans le cadre de notre propos.
1. Réaffirmer l’universalisme. En parole et en acte. Loin de croire qu’il a fait faillite ou que les nécessités de l’heure nous imposent de le remiser pour un temps. C’est‑à‑dire, pour ce qui nous préoccupe :
a) Ne plus rouvrir le procès de la colonisation : il est achevé. Ou si l’on croit nécessaire de corriger tel ou tei détail, telle ou telle perspective, à partir tout de même de là : admettre une fois pour toutes la nécessité de la libération des colonisés, et sans toutes les restrictions mentales habituelles (ex. : le paternalisme cullturel : « Ah non, pas la culture! Ah non, sauf Bizerte, etc… »).
b) Mais en même temps, cesser de dire : celt ne nous regarde pas. Cela nous regarde, en tant qu’homme de gauche, précisément. Ne pas craindre d’affirmer, en même temps, que la liaison des peuples existe, qu’un peuple ne dispose de lui‑même que d’une manière illimitée. Qu’il n’a pas le droit de devenir à son tour impérialiste ou oppresseur à son tour, qu’une minorité a le droit d’être respectée dans son originalité, etc… Est‑ce que nous retournons aux restrictions ? Non, car ou peut d’autant mieux dire cela qu’on a affirmé sans équivoque la nécessité de la libération, et non une libération truquée et pleine de repentir.
2 Cela nous conduit au problème du nationalisme. Oser prendre une position nette sur le nationalisme. C’est‑à‑dire, là encore :
a) l’admettre, sans arrière‑pensée. non comme à regrêt, ne plus chercher à tricher avec, c’est‑à‑dire laisser tomber les nationalistes chaque fois, par exemple, que d’autres intérêts sont en jeu (intérêts électoraux, russes, masses françaises, etc…).
b) mais en même temps l’intégrer dans une perspective de gauche : c’est‑à‑dire ne pas le garder dans son gosier comrne un os qu’on est toujours tenté de vomir, mais le digérer : c’est‑à‑dire le juger.
Le nationalisme est l’expression actuelle de la libération de nombreux peuples (colonisés ou non, d’ailleurs) ; comme tel il est authentique et positif. Le refuser, c’est une idéologie abstraite, c’est le refus du réel. Mais l’accepter sans discussions, sans réflexions, c’est encore se disqualifier. Il faut le juger et prendre position nette à l’égard de ses erreurs ou de ses manifestations qui le défigurent et finissent par lui nuire, ou simplement nuire à la vie d’autres groupement humain.
Je pense par exemple au problème du terrorisme civil et aveugle. C’est précisément dans la mesure où la gauche intègire le nationalisme des colonisés sans arrière pensée qu’elle pourrait refuser ce terrorisme, qu’elle doit le refuser. Alors que, hésitant sur le fond, tout ce qu’elle peut en dire apparait calcul et tactique.
3. Et nous voici au problème de la tactique. Il est urgent qu’on remette la tactique à sa place. N’est‑il pas extraordinaire qu’il n’existe pratiquement plus à Paris une seule publication qui fasse passer la vérité avant la tactique.
Cela n’est pas nécessairement l’expression d’un manque de courage ou par calcul intéressé, loin de là, c’est surtout parce que la vérité semble ne plus s’imposer avec une force suffisante; parce que l’on croit que la tactique est plus efficace (la tactique peut être verbale ou agie : on fait souvent le contraire pour mieux atteindre le but poursuivi.
Il faut dire et redire que la tactique n’est pas tout ‑ qu’elle a sa place mais qu’il ne faut pas qu’elle vampirise toutes les autres préoccupations, sans quoi plus rien n’existe : la tactique qui n’est qu’un moyen détourné pour atteindre la vérité, pour l’installer plus sûrement, devient Ie seul projet, finit par masquer toute perspective : on ne sait plus très bien ce que l’on veut atteindre soi‑même. Ce qui arrive souvent à l’opportunisme: le fond finit par mourir en route.
POSTFACE Ce texte a été écrit en mars dernier [1958]. Les événements, puis les vacances ont considérablement retardé la parution de ce numéro d’Arguments. J’ai d’abord pensé qu’il n’avait plus de raison d’être: A quoi ser‑t‑il d’analyser une paralysie graduelle de Ia gauche, alors qu’elle s’est transformée en déroute ?
Il a fallu l’insistance d’Edgar Morin. Après tout, pourquoi pas ? Ce qui était analyse et pronostic devient bilan, puisque largement confirmé par les faits. Car au fond, que s’est‑il passé ? En gros, la majorité des Francais ont fini par retirer à la gauche toute possibilité d’agir. Dorénavant, ils comptent sur le général de Gaulle pour résoudre leurs difficultés coloniales.
On dira, autant que l’on voudra : ils ont tort, ils se trompent, ils sont trompés, etc…. Cela, c’est un jugement, au plus une tentative d’explication, mais le fait demeure : les Français ont considéré qu’il valait mieux confier les affaires à d’autres mains. Et, franchement, ont‑ils absolumen tort ? Au risque de scandaliser mes camarades de gauche, il faut ici parler net : le gouverment De Gaulle dure depuis quatre mois : son bilan dans le domaine colonial est loin d’être négatif (je laisse de côté, bien entendu, les problèmes intérieurs qui sont hors de notre propos).
Car enfin que pouvaient ils souhaiter, dans l’immédiat, et surtout concrètement ? En quatre mois, De Gaulle aura : procédé à l’évacuation militaire totale de la Tunisie, partielle du Maroc, accepté l’indépendance, de la Guinée, proposé à l’Afrique Noire, à Madagascar et aux Antilles, quelque chose qui équivaut à l’autonomie interne. Reste l’Algérie, bien sûr. Echouerait-il, il aurait déjà fait plus que n’importe lequel des gouvernements qui se sont sucédé.
Je n’ai vraiment rien à ajouter après les réponses de Domenach, Martinet et Duchet. Il me semble que la réponse à leurs objections se trouve déjà dans le texte.
Par exemple lorsqu’on me reproche de “faire de la psychologie”. Je ne vois pas ce que cela a de nocif ni de faux. Ce le serait si je m’y cantonnais. Or j’insiste constamment, au contraire, sur les bases socioloqiques de cette « psychologie ».
J’aurais aimé, par contre, qu’on me réponde précisément sur les points précis qui concernent chacun de mes interlocuteurs. Par exemple, que pense Domenach de mon étonnement devant un tel renversement historique, si rapide et si complet, de l’Eglise en face de la colonisation ? Et de l’explication que j’en propose?
Quant à Duchet, que lui dire ? A des faits, à une analyse de ces faits, il oppose l’argument d’autoriité. Il invoque Staline, Lénine, etc… Oui ou non, les communists ont‑ils voté les pleins pouvoirs? Oui ou non, se sont‑ils coupés des masses musulmanes en Afrique du Nord, en combattant les leaders nationalistes ? etc… Si on ne veut pas, d’abord, admettre qu’il y a eu des erreurs, au moins, dans la politique de la gauche, alors la discussion n’est pas possible.
Un mot pour terminer : je tiens par contre à dire que ce texte ne constitue ni une accusation, ni une série d’injures, adressées à la gauche et aux intellectuels de gauche. C’est une simple analyse d’une carence que je déplore, Quant aux intellectuels français de gauche, dois‑je préciser que je les considère comme l’honneur de leur pays, qu’il n’y a pas beaucoup de pays dans le monde qui peuvent se targuer d’en posséder l’équivalent?