Pierre Audin, militant antiraciste (et mathématicien…) vient de nous quitter (mai 2023). C’est pour Coup de soleil important de célébrer la mémoire de son combat de vérité sur l’assassinat de son père Maurice, travail qu’il a mené avec sa mère Josette. Coup de soleil s’associe au deuil de cette famille.

Nos amis algérois nous font part du rassemblement pour Pierre Audin le 1er juin à midi Place Maurice Audin

***

Reprendre un article vieux de cinq ans a du sens quand on peut le revivifier: c’est le cas grâce à la Dépêche du Midi! Celle-ci annonce « l’inauguration » de la place Maurice Audin le 26 février 2023 à Toulouse, une manifestation destinée à « inciter » la municipalité à créer officiellement cette place, face à la Bibliothèque Grand M dans le quartier du Mirail.

***

 

 

 

 

 

 

“Hommage à Maurice Audin”, animé par Nathalie Funès, avec Michèle Audin, Aïssa Kadri, Cédric Villani, le 3 février 2018

Maurice Audin (Béja/ Tunisie- Alger 1957) est considéré comme « disparu » suite aux interrogatoires subis lors de la bataille d’Alger. La mémoire de ce mathématicien est conservée, en Algérie comme en France, grâce aux coopérations scientifiques organisées avec de jeunes mathématiciens, comme les historiens de la guerre de 1954-1962.

Maurice Audin est un mathématicien. Né à Béja (Tunisie, 1932), mort à Alger, 1957, « disparu ». Dans la guerre civile algérienne (1954-1962), l’armée française a été responsable, après leur arrestation, de la disparition de milliers d’hommes (sans doute un maximum, quelque 3000, pendant le premier semestre de 1957, celui de la « bataille d’Alger) : soit morts sous la torture, soit victimes d’exécutions « extrajudiciaires ». Parmi ceux-ci, un seul « européen », Audin.

Celui-ci, fils de gendarme, fait ses études en partie à Autun, mais sutout à Alger, où à l’université il est recruté comme assistant en mathématique. Après sa disparition sa thèse sera cependant soutenue à Paris « en son absence » (Laurent Schwartz rapporteur).

. C’est sa fille, Michèle Audin, mathématicienne membre du groupe OULIPO créé par Raymond Queneau, qui le raconte.

Aïssa Kadri, historien, nous raconte comment Maurice Audin, communiste, est arrété chez lui, conduit au CTT (centre de triage et de transit) d’El Biar, banlieu algéroise : c’est un des quelque 200 lieux de détention, triage, interrogatoire, où opère l’armée française en Algérie. Celui-ci à l’époque est assez « protégé » pour que la Croix Rouge internationale ignore son existence. Henri Alleg, journaliste communiste y est détenu lui aussi, il y reconnaît Audin. Le général Aussaresses, mort en 2013, confirme dans ses mémoires l’ordre d’exécuter Audin.

La place Maréchal Lyautey à Alger prend en 1963 le nom de Maurice Audin. En visite en Algérie, le président Hollande reconnaît l’assassinat d’Audin. Candidat à la présidence, Macron dénonce les exactions de l’armée française en Algérie. Il fera part à Cédric Vilani de sa politique sur ce sujet : pas de « vérité gouvernementale officielle », mais une incitation à un vrai travailsur ces dossiers, y compris sur celui des harkis, ce qui suppose une action croisée des historiens algériens et français, comme une ouverture des dossiers des deux côtés.

Cédric Vilani, mathématicien et médaille Field, député depuis 2017, est fils de pieds noirs d’Algérie, où il fait son premier voyage en 1990. Les blessures de la guerre d’Algérie sont une part de l’histoire commune des deux pays. Il faut panser ces plaies et construire un avenir commun. L’association Maurice Audin s’est scindée en deux actions : une, militante, pour la mémoire et l’élucidation de la disparition : l’avocat Roland Rappaport, mort récemment, y a consacré 60 ans de sa vie. L’autre action, scientifique et de développement, gérée par l’Institut Henri Poincaré : un prix de mathématique est attribué annuellement à deux lauréats de moins de 45 ans, l’un algérien, l’autre français, qui chacun traversent la Méditerranée pour recevoir un prix qui est… ce voyage. La coopération scientifique avec l’Algérie est urgente dans ce pays dont la recherche scientifique est sinistrée par la décennie noire qui a obligé à fuir de nombreux scientifiques, dont la gouvernance scientifique actuelle est faible et dont le nombre d’étudiants demandeurs de visas vers la France est à la hausse.

Dans le public, Georges Morin insiste sur la curiosité des jeunes Algériens pour savoir ce que fut cette guerre vieille de plus d’un demi siècle, ses protagonistes, tant du côté algérien que du côté français. Dans le même sens, une Algérienne qui appartint au Parti communiste algérien rappelle le déni, des deux côtés, de ce que fut le rôle de ce parti qui était composé de gens des deux « communautés ».

Michèle AudinUne vie brève, Paris, Gallimard, coll. « L’arbalète », 2013

 

_____________________