Dorothée Myriam Kellou nous a autorisés à reproduire un article qu’elle a écrit sur ce film qui l’a bouleversée.
Tu mérites un amour, le premier film de l’actrice Hafsia Herzi avec laquelle j’ai rêvé de cinéma, est pour moi un film puissant sur notre génération. Je suis sortie sonnée. Comme après un choc amoureux. Un choc émotionnel fort. J’ai mis du temps à retrouver mes esprits et je n’ai même pas réussi à exprimer à Hafsia ce que j’avais ressenti. D’abord de la fierté car nous avons besoin d’auteurs et de réalisatrices comme elle, comme Lina Su comme d’autres qu’y émergent. Quand je vois son film, la liberté avec laquelle elle l’a mené, la liberté qui s’en dégage, la justesse du regard et surtout la sincérité, dire, crier, laisser entendre, laisser parler les corps… je suis profondément émue. C’est une claque au cinéma français de ces dernières années que je trouve trop souvent rigidifié, dans une haute idée de lui-même. Là on est dans du brut, du vrai. Et bien sûr, je suis touchée par la place qu’elle nous donne. Je dis nous car je me retrouve bien sûr dans ces Myriam, Leila, Lila, Fatima… Eléonore. La question des origines, des prénoms francisés, des langues de nos pères que l’on ne parle plus et bien sûr ces errances amoureuses, cette quête de soi et d’un amour que l’on mérite… que l’on s’appelle Fatima ou Eléonore. On retrouve des signatures de Kéchiche dans son film, pas comme un jeune disciple copiant son maître, plus comme un hommage à des années d’apprentissage à ses côtés. Et j’y retrouve du Pialat aussi par endroit, l’émotion, la liberté de ton et des textes. Bravo et j’espère une suite avec un budget supérieur à 1000 euros. Tu mérites un vrai budget, à la hauteur de ton talent Hafsia !
Et en prime le poème du film, emprunté à Frida Kahlo !
« Tu mérites un amour décoiffant, qui te pousse à te lever rapidement le matin, et qui éloigne tous ces démons qui ne te laissent pas dormir.
Tu mérites un amour qui te fasse te sentir en sécurité, capable de décrocher la lune lors qu’il marche à tes côtés, qui pense que tes bras sont parfaits pour sa peau.
Tu mérites un amour qui veuille danser avec toi, qui trouve le paradis chaque fois qu’il regarde dans tes yeux, qui ne s’ennuie jamais de lire tes expressions.
Tu mérites un amour qui t’écoute quand tu chantes, qui te soutient lorsque tu es ridicule, qui respecte ta liberté, qui t’accompagne dans ton vol, qui n’a pas peur de tomber.
Tu mérites un amour qui balayerait les mensonges et t’apporterait le rêve, le café et la poésie. »
Dorothée Myriam Kellou (repris de la Lettre culturelle franco-maghrébine N°37, octobre 2019)