Catherine Simon, Algérie, les années pieds-rouges, des rêves de l’indépendance au désenchantement (1962-1969), Paris, La Découverte, 2009, 286 p., index, repères biographiques des 80 personnages interrogés.
En journaliste, Catherine Simon nous donne un reportage de l’Algérie des débuts de l’indépendance. Elle interroge 80 témoins et verse au même dossier presque autant de livres, brochures, rapports dont l’écriture s’échelonne entre les années 1960 et le moment où elle rédige son livre.
Quelle que soit sa sympathie pour divers acteurs, elle ne ménage pas ses jugements sur leurs erreurs, faux-semblants, non-dits : ceux des Algériens comme ceux des pieds-rouges, ces Français venus à l’époque en Algérie pour participer à ce qu’ils croient être une révolution, dans une ambiance bien particulière : Alger se veut, avec La Havane, capitale du Tiers-Monde, dépassement du capitalisme corrompu et du communisme autoritaire.
Le livre déconstruit tous les non-dits (armée, religion, situation des femmes, enjeux linguistiques). Trop d’anecdotes pour en citer plus d’une. Tel pied-rouge ne découvre qu’en 1968 que moudjahid veut dire combattant de la foi : il croyait que c’était un maquisard « de la campagne » à la différence du fedayin combattant « à la ville ». Qui se souvient qu’en mars 1965, pour célébrer la journée de la femme, une manifestation incontrôlée (3000 à 12000 femmes ?) exige à Alger l’égalité devant des hommes éberlués ou enragés. Le président Ben Bella, pour clore le meeting prévu, aurait dû parler des « femmes du tiers-monde » et doit improviser sur l’égalité nécessaire en Algérie.