En attendant les hirondelles, film 2017. Une Algérie où les risques vécus, connus, imaginés sont si présents que dans ce film qui serait sensé parler d’événements heureux le spectateur s’attend, comme les protagonistes, à une catastrophe à chaque instant… ce qui n’arrive pas.
Si les paysages ruraux ou urbains sont marqués par le manque de finition, d’entretien, de nettoyage au quotidien, c’est aussi partout la puissance et le modernisme des routes neuves, des immeubles qui poussent partout. Dans les intérieurs règne (pour ces couches sociales « bourgeoises » mises en scène) le confort de l’électro-ménager moderne et le conformisme du mobilier, ici orientalisant, là moderne-ikéa.
Evénements heureux certes : le mariage du médecin, les bonnes affaires du promoteur immobilier- architecte, mais dans un conformisme social où la liberté est bridée. Ceux qui « se lâchent » (dans la noce ou dans l’étrange ballet des danseurs et musiciens transgressifs en pleine campagne) semblent irréels.
Les trois histoires qui ne se recoupent que par hasard mettent en scène chacune une femme qui ne renonce pas : l’intellectuelle qui ne renonce pas comme mère, la promise qui ne renonce pas totalement à son amour, la victime qui ne renonce pas à défaire son malheur.
Si le moyen métrage de Karim Moussaoui (Les jours d’avant, 2013) http://alger-mexico-tunis.fr/?p=1188 racontait les prémices de la guerre civile des années 1990, le cinéaste montre maintenant l’Algérie « apaisée » quinze ans après « la paix », mais où la violence banale actuelle, ou le souvenir de la « décennie noire » commandent l’inévitable du quotidien : renoncements, prudences, lâchetés.
Un film désespérant ? Je ne crois pas, parce que les personnages sont au fond honnêtes et cultivés, ce que rappelle le leit motiv musical du film : une cantate de Jean Sébastien Bach.