Ce roman faisait partie de la sélection Coup de Coeur 2009 (voir rubrique « événements »)
Filiation, paternité, identités, amour hors frontières, une énigme à plusieurs entrées. Ce livre nous concerne tous par son exigence de vérité, par sa portée symbolique et par l’actualité de ses thèmes.
Deux images se superposent dans ce livre. Deux figures d’hommes aux destins semblables et différents, unis par les liens du sang, par la quête des traces de l’origine, la quête obstinée, obsédante, du père.
De ces deux personnages complexes, c’est Pierre qui gardera jusqu’à la fin sa douleur: l’interrogation sans réponse sur la perte qui marqua sa naissance et sa propre paternité. Sa tentative désespérée de trouver des bribes de révélations sur sa filiation, qu’il croit contenues dans le carnet d’un père présumé et étranger, lui permet de rencontrer Nadj, une femme venue d’un monde dont il ignore tout.
L’amour partagé avec elle le transporte dans un autre univers dont il sortira meurtri. L’accueil qui lui est fait par la société de Médéa en Algérie n’atténuera pas les distances avec ce que Karima Berger appelle « la horde ». Même si … au fond c’est lui qui est vraiment attendu, lui l’étranger, le roumi, le chrétien que Nadj, femme libre a osé inviter dans le fief familial. Un privilège exorbitant que personne ne lui a accordé mais qu’elle s’est accordé seule, privilège au-delà de ce que pouvait supporter la loi atavique et meurtrière du groupe.
Ce livre est d’une grande puissance narrative ; son style, très charnel, ne fait aucune concession à la facilité ; le corps à corps qu’il entretient avec les forteresses des interdits se livre au lecteur avec des mots qui jamais ne cèdent de leur force.
Un style à la fois âpre et doux où folie, amour et deuils n’en finissent pas de dériver au fil de l’imaginaire et du réel, mais aussi et surtout de la mémoire que l’auteure nous confie dans ce superbe roman.