Coup de soleil nous signale l’accès à onze périodiques qui ont réunis des volumes spéciaux dédiés à l’Algérie, à son histoire jusqu’à sa guerre d’indépendance conclue voici 50 ans. Ajoutons la contribution de la revue Temps modernes qui consacre son numéro 666 (novembre- décembre 2011) aux harkis.
L’histoire de ceux-ci permet de comprendre comment la majorité des ruraux algériens, soumis aux camps de regroupement, l’outil principal de la lutte contre les guérillas nationalistes, a été prise entre deux feux. Là ont été recrutés l’essentiel de ces supplétifs algériens de l’armée française. Après 1962, ils ont été en France transformés en une communauté marginalisés et symbolisée, en Algérie en une image de la traitrise envers la patrie naissante. A nous de décoder ce qui fut, au cœur de la guerre d’Algérie, la déchirure qu’il faut regarder à la loupe.
C’est, en 290 pages, un livre collectif complet que nous livre les Temps modernes (avec chronologie, glossaire, bibliographie de 50 livres et 25 thèses inédites). Il est préfacé, mais aussi organisé, par Fatima Besnaci-Lancou qui a réuni documents d’archives, témoignages (Wassyla Tamzali et Mohamed Harbi entre beaucoup d’autres), articles historiques « pour une histoire sans manichéisme ».
Les « documents secrets » français de 1962 ouvrent le cœur du problème : le gouvernement français ayant déclaré en 1958 que tous ses sujets algériens devenaient des citoyens à part entière, se retourne à l’aboutissement de ses négociations avec le FLN (accords d’Evian) : ses ex-sujets cessent d’être citoyens français pour devenir citoyens algériens, y compris ceux qui ont servi cette France. Quelle population est concernée par ce problème crucial ? En première ligne ceux qui ont été incorporés à son armée ou associés à celle-ci, catégories nombreuses et disparates désignées sous le terme de harkis.
Que deviennent ces harkis « au sens large » en 1962 ? Il est évident que l’immense majorité se fond dans la population, grâce aux solidarités familiales ou locales, mais en étant obligé de faire « profil bas ». Côté français, il ne faut pas oublier la panique du gouvernement français en 1962 devant le phantasme d’une OAS capable, avec l’aide de supplétifs algériens, de créer des maquis en France. Sur les cicatrices de ce passé dans la politique locale algérienne on sait fort peu (le livre Palestro 1956 de Raphaëlle Branche donne quelques aperçus (http://alger-mexico-tunis.fr document du 21 juin 2012.
C’est dans les têtes, aux deux rives de la Méditerranée, que la blessure subsiste de nos jours à propos du sort des harkis, nom conservé alors que militaire ou moghazni aurait pu surnager. Si la saga des maquis et réseaux de la lutte indépendantiste est constitutive de la nationalité algérienne, et donc objet de récits récurrents, la mémoire des vaincus est au contraire silencieuse, ce qu’on sait bien pour les millions de français appelés au service militaire et de ce fait témoins pour la plupart, et acteurs en petite minorité, d’une « guerre sale » de contre guérilla. Mémoire plus silencieuse encore chez les harkis, par la force de l’unanimité fondatrice de la nation en Algérie, par la situation de porte à faux en France, pour ces ex sujets coloniaux marginaux qu’au mieux on présente comme des anciens combattants (pour plus de détail sur ce volume des Temps modernes, http://alger-mexico-tunis.fr document du 18 aout 2012)
Les nombreux récits de vie présentés dans l’ouvrage des Temps Modernes brisent ce silence. Le traitement de l’histoire des harkis par les livres scolaires algériens et français est significatif de ce qui est nié, puis peu à peu accepté.
Pour montrer l’importance du problème des harkis des deux côtés de la Méditerranée, il faut souligner qu’ils ne se fondent que lentement dans la nébuleuse de population française d’origine maghrébine, parce que leur relation aux deux nations algérienne et française est exceptionnelle.