-« Vies voisines », de Mohamed Berrada, Actes sud, 2013
Le fil conducteur du récit est la vie de trois personnages, une femme émancipée, Naïma, un homme du peuple éclairé et un vieux politicien déluré, qui se racontent et se confient, se croisent et se séduisent, s’entraident et se trompent. En filigrane de leurs mémoires et de leurs confessions se dessine une image contrastée de la société marocaine contemporaine, avec ses aspirations au changement et ses blocages structurels. Les vies voisines sont autant de quêtes existentielles qui questionnent l’origine du plaisir, le sens et la raison d’être au monde, le drame de la temporalité et de la finitude humaine. La construction narrative elle-même invite à s’interroger sur la subjectivité des regards et des récits, car Vies voisines est un roman à trois personnages et à cinq voix. A celle des personnages principaux vient en effet s’ajouter la voix du narrateur-narrataire qui a partagé la vie, voisine, des trois héros, a enregistré leurs récits et qui le relate. La dernière voix qui s’élève est enfin celle du conteur ou râwî, figure traditionnelle des textes arabes anciens. Celui-ci est chargé de mettre à distance et de présenter chacune des existences entremêlées. Il est pour ainsi dire le regard extérieur, mais est-il pour autant plus objectif ?, le présentateur ou le chef d’orchestre du roman. Chaque existence est ainsi racontée plusieurs fois, jusqu’à ce que le conteur choisisse à son tour en fin d’ouvrage son propre mode de narration, et revendique sa propre subjectivité en s’intronisant auteur d’un scénario. Sinbad, 192 pages
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