Régie par la loi de 1901, l’association Coup de soleil aspire à rassembler les gens originaires du Maghreb et leurs amis. Elle a pour vocation première de renforcer les liens entre ces populations, quelles que soient leurs origines géographique (Algérie, France, Maroc ou Tunisie), culturelle (arabo berbère, juive ou européenne), ou historique (immigrés ou rapatriés). Elle a aussi pour objectif de mettre en lumière les apports multiples du Maghreb et de ses populations à la culture et à la société françaises.
Les activités de Coup de soleil sont essentiellement tournées vers l’information (réflexion sur l’histoire ou l’actualité du Maghreb et de l’intégration) et vers la culture (mise en valeur des livres, films, musiques et spectacles).
A travers ces objectifs et ces activités, les militants de Coup de soleil veulent contribuer à bâtir une «société française sûre d’elle-même, ouverte au monde et fraternelle» (art. 2 des statuts). Ils inscrivent résolument leur action dans le cadre d’une communauté de destin entre les peuples de la Méditerranée occidentale.
Coup de soleil : les origines
Réunir des Maghrébins et des Pieds-noirs, des « immigrés » et des « rapatriés« , des gens d’Algérie, du Maroc et de Tunisie, qu’est-ce qui a pu pousser la quinzaine d’amis réunis en 1985 à lancer cette étrange initiative ? Nous ressentions alors une véritable nausée à voir se répandre la lèpre de la xénophobie. Ce racisme rampant, nous l’avions déjà connu : soubassement d’un système colonial fondé sur l’inégalité, il nous avait souvent séparés au Maghreb, nous avait parfois dressés les uns contre les autres et il avait contraint beaucoup d’entre nous à l’exil. Et voilà que, sur le terreau de la crise et du chômage, les Maghrébins de France devenaient les nouveaux boucs émissaires, le nouveau fonds de commerce de l’extrême-droite. Cela nous était insupportable. Pour deux raisons : la première est que nous ne voulions pas revivre le cauchemar des années 50-60 avec son sinistre cortège de violence, de répression, de souffrance, de haine et d’exclusion. La seconde raison est que nous étions profondément blessés de constater les gouffres d’ignorance et d’incompréhension au fond desquels ce mal prenait racine : depuis le racisme anti-arabe ou anti-juif à l’état brut jusqu’au mépris « amusé » envers le Pied-noir et son prétendu folklore, la société française continuait à nous considérer, à des degrés divers, comme de drôles de gens, auxquels on reprochait, pêle-mêle, Pieds-noirs, Juifs et Maghrébins confondus, la guerre d’Algérie, l’arrivée massive en France et notre curieux attachement à notre terre natale. C’est donc sur tous ces fronts qu’il convenait de se battre et nous avons, dès lors, pris le parti de nous lancer dans une action qui prenne le mal à sa racine : nous l’avons fait en alliant résolument le sérieux de l’information et la convivialité de la culture.
Mémoire, intégration, Maghreb, Méditerranée
Il nous fallait d’abord réhabiliter notre mémoire. Nous l’avons fait à chaque occasion : lors des anniversaires des soubresauts de la décolonisation, en réfléchissant sur l’histoire de la guerre d’Algérie, sur le combat des femmes au Maghreb ou en rappelant le rôle de l’Armée d’Afrique dans la libération de la France.
Il nous fallait ensuite éclairer à notre manière les chemins de l’intégration. Et ce furent les nombreux débats qui ont jalonné ces dernières années sur les banlieues, les religions du Livre, l’école de la République, l’emploi des jeunes ou l’évolution de l’appareil législatif. Notre petite bande dessinée sur la reconnaissance de la nationalité française (1994) a aussi fortement marqué notre solidarité envers nos jeunes compatriotes d’origine maghrébine. Cette solidarité s’est aussi manifestée, bien entendu, envers la nouvelle vague d’exilés d’Algérie qui fuyaient, dans les sombres années 90, l’obscurantisme, la violence et la mort. Aujourd’hui, Coup de soleil se retrouve au premier rang des combats pour l’égalité des chances et contre les discriminations, pour une laïcité ouverte et contre les replis communautaristes.
Mais nos préoccupations ne se bornent pas à l’Hexagone. Tous ceux qui militent à Coup de soleil ont toujours voulu garder leur « source vive » au Maghreb et nous nous sommes donc intéressés en permanence, à travers colloques, débats et publications, à la vie économique et sociale, politique et culturelle de nos pays d’origine. Nous avons même dépassé ces frontières pour nous iterroger sur d’autres conflits qui nous touchaient de près en Méditerranée, qu’il s’agisse des deux guerres d’Irak, de la situation en Palestine ou en Bosnie.
Cet effort continu de meilleure connaissance de notre histoire et des problèmes contemporains, nationaux et internationaux, reste fondamental dans notre action de lutte contre l’ignorance.
Livres et films : le coup de projecteurs
Nous avons aussi privilégié, depuis 1985, une action culturelle spécifique en tentant de mettre en valeur toute la production des créateurs originaires du Maghreb. Façon de montrer à l’opinion française qu’elle a beaucoup gagné à nous avoir, un jour, accueillis sur son sol. Façon aussi de rendre espoir et dignité aux jeunes qui « galèrent » souvent dans les banlieues de nos villes. La présentation de livres et la projection de films ont ainsi illustré de nombreuses rencontres littéraires ou cinématographiques de Coup de soleil, en présence des auteurs et des réalisateurs. Les rencontres avec des écrivains se sont aussi concrétisées de manière encore plus massive dans des manifestations auxquelles nous avons étroitement participé comme Aigues-Mortes en 1994 et Villeneuve-sur-Lot en 1995.
Depuis 1994 enfin, nous organisons chaque année à Paris, en partenariat avec le journal Le Monde, Jeune-Afrique,Radio France, Beur FM et TV5-Monde, entre autres, un Maghreb des livres » qui est devenu le rendez-vous annuel incontournable de quelque cent cinquante auteurs avec des milliers de leurs lecteurs. Les 6.300 visiteurs qui se sont retrouvés en octobre 2001 à l’hôtel de ville de Paris, pour la 8e édition, ont donné à cette manifestation une nouvelle dimension, renforcée d’année en année jusqu’au récent succès de la 20ème édition en février 2013.
Spectacles, musique et plaisir d’être ensemble
Le troisième axe de notre action est consacré à des rencontres conviviales où se mêlent spectacles, musique et plaisir d’être ensemble : 1986, pour notre première manifestation au Musée de la Porte dorée, 1989 pour notre « Sacrée veillée » de Ramadan à l’UNESCO, 1991 avec notre inoubliable soirée « Bedos, Boujenah, Smaïn » à l’Olympia, 1992 à Lille avec le festival « Coup de soleil sur le Nord », 1995 avec la soirée du 10ème anniversaire, 1997 avec le premier « Coup de soleil sur Orange » de notre section de Provence, 2005 avec la soirée du 20ème anniversaire : chacune de ses dates aura marqué d’une pierre blanche les étapes de notre parcours.
Le théâtre prend aussi peu à peu sa place dans nos activités, sans compter les moments privilégiés qui nous ont réunis autour de Guy Bedos, Michel Boujenah, Gad Elmaleh, Fellag, Gyps ou Smaïn.
De même la musique réunit-elle de plus en plus souvent les amis de Coup de soleil : des chants traditionnels des Aurès au raï, en passant par l’arabo-andalou ou le kabyle, nous avons pu goûter de belles soirées musicales avec Houria Aïchi, Djamel Allam, Taoufik Bestandji, les frères Bouchenak, Leïla Chalanne, Idir, Malek, Cheb Mami, Reinette l’Oranaise ou Sapho.
La gastronomie enfin nous réunit chaque année au début de l’été autour de méchouis traditionnels.
Coup de soleil : une nécessité
Nous espérons ainsi, à travers l’information, à travers la promotion de nos créateurs et à travers la convivialité contagieuse de nos rencontres, avoir suscité d’efficaces contre-poisons au mépris et au racisme.
Mais aujourd’hui, hélas, les ferments d’exclusion ont tendance à se multiplier : les désordres économiques mondiaux, le sentiment général d’insécurité et la perte de repères des dernières décennies ont embrasé la planète en général et la Méditerranée en particulier, d’une folie de « purification » et de repli identitaire qui multiplie les affrontements sanglants entre les peuples ou en leur sein. De même, et plus près de nous, les idéologies d’apartheid incarnées par l’extrême-droite et les fondamentalismes religieux se confortent l’une l’autre, risquant, si l’on n’y prend garde, de menacer la cohésion de nos sociétés.
L’action de Coup de soleil est donc plus nécessaire que jamais. Avec l’expérience dont nous font bénéficier aujourd’hui ces longues années de travail, nous devons pouvoir accentuer notre démarche, la démultiplier aussi sur le terrain, à travers des groupes d’amis tels que ceux qui œuvrent déjà efficacement en Ile-de-France, Aquitaine, Languedoc, Midi-Pyrénées, Nord-Pas-de-Calais, Picardie, Provence, Rhône-Alpes et Roussillon. Nous devons aussi renforcer nos liens avec ceux qui, de l’autre côté de la Méditerranée, luttent courageusement pour nos valeurs communes d’ouverture à l’autre et de fraternité : la belle activité des associations nationales « Aïn Chams » en Algérie, au Maroc et en Tunisie est à cet égard hautement réconfortante.