s130409180030Christian Delorme, L’émir Abd el-Kader à Lyon, 2008,  Mémoire Active

L’auteur : Prêtre catholique du Diocèse de Lyon, Christian Delorme est engagé depuis longtemps dans le dialogue interculturel et interreligieux. Il a été l’initiateur de la Marche pour l’Egalité et contre le racisme (« Marche des beurs ») de 1983. Curé de trois paroisses dans la banlieue lyonnaise, il est également chroniqueur à l’hebdomadaire « Pèlerin ». Parmi ses ouvrages : « Quartiers sensibles » (écrit avec Azouz Begag), « Nous avons tant de choses à nous dire » (écrit avec Rachid Benzine), « Martin-Luther King ». Il a aussi écrit l’article « Histoire du dialogue islamo-chrétien en France » dans l’ouvrage dirigé par Mohamed Arkoun : « Histoire de l’islam et des musulmans en France ».

Le livre : Abd el-Kader est une figure majeure de l’histoire algérienne, et aussi des relations entre la France et l’Algérie. Héros d’une résistance impossible à la conquête française, il dut subir cinq années de captivité en France avant de pouvoir s’exiler en Turquie puis en Syrie. C’est juste après sa libération, en décembre 1852, alors qu’il partait pour l’Orient, que l’émir Abd el-Kader s’est arrêté à Lyon, où il fut accueilli avec chaleur et respect. A l’occasion des commémorations du deuxième centenaire de la naissance de l’émir algérien, Christian Delorme a voulu raviver la mémoire de ce passage dans une ville et une agglomération où, aujourd’hui, environ 10% de la population ont des ascendances algériennes. Car Abd el-Kader, combattant de la liberté, fut aussi un homme de la fraternité et un précurseur du dialogue entre les civilisations et entre les hommes de religions différentes. Le fondateur de la Nation et de l’Etat algérien était avant tout, en effet, un homme de prière et d’étude, et le disciple du grand maitre soufi Ibn Arabi.

El Watan: L’émir Abd el Kader à Lyon Hommage du prêtre Christian Delorme

Christian Delorme n’a pas manqué de mettre à profit une information essentielle de la vie de l’Emir Abd El Kader après sa reddition, à savoir son passage par Lyon, en 1852, au cours d’une simple journée. Le combattant de la liberté de l’Algérie assaillie par l’armée coloniale, à l’aube de sa longue vie d’exilé et de prisonnier, avait reçu dans la capitale du sud-est français un accueil à la hauteur de son aura, malgré son statut de perdant d’un conflit inégal.

Une courte journée à Lyon qui marqua suffisamment la ville pour que cette année 2008 on inaugure officiellement une place Abd El Kader dans le quartier de la Guillotière, événement aussi rare qu’exceptionnel. « Il faut dire que l’émir fait figure de véritable précurseur musulman du dialogue interreligieux, une figure de référence dont nous avons besoin aujourd’hui », selon le père Delorme. Il explique dans un entretien à Lyon mag : « il considérait, en effet, que les chrétiens et les juifs devaient être respectés. En Algérie comme en France, il était d’ailleurs en contact avec des évêques. Il a ensuite accueilli chez lui et protégé de nombreux chrétiens maronites qui allaient se faire massacrer à Damas en 1860. Ce qui lui vaudra une reconnaissance internationale. » Christian Delorme, dans les entretiens nombreux qu’il a donnés à Lyon à la presse, indique que l’Emir Abd El Kader « est un personnage qui me touche depuis longtemps.

 

Pour la plupart des gens, aussi bien en France qu’en Algérie, l’Emir Abd el Kader est d’abord l’homme qui a dirigé la résistance algérienne au cours de l’invasion française dans les années 1830. Mais pour les Algériens, l’émir est aussi le fondateur de l’Etat algérien moderne. Car, pendant cette résistance, il va créer une armée, une administration, une monnaie… C’est donc le père de la nation algérienne ». Il estime aussi, plutôt que d’utiliser le terme de chef de guerre, qu’il faudrait employer celui de « figure de la résistance » ( …). « Trahi par la plupart des tribus qu’il pensait fédérer (…), il ne pouvait donc pas gagner… Il va alors entamer la deuxième partie de sa vie, la plus importante pour moi : celle d’un homme d’études et de prières. » C’est justement sur cet aspect de la foi que Christian Delorme, homme de religion, rencontre le souvenir puissant de l’émir. Il le dit : « Il est issu de la noblesse religieuse. Sa famille descend même du prophète Mahomet par sa fille Fatima. Mais il va devoir, malgré lui, jouer un rôle militaire face à l’absence d’une noblesse d’épée en Algérie. Du coup, après s’être rendu, il va reprendre ses études et devenir un grand savant religieux et un mystique. »

Enfin, le prêtre dit quelques mots sur le passage de l’émir par le sud de la France, alors qu’il remontait la vallée du Rhône, sur le chemin de son exil, en passant par Marseille qu’il va traverser Lyon. Une ville où il n’avait pas l’intention de s’arrêter mais où le gouverneur de Lyon, le maréchal de Castellane, l’invite à assister à une parade militaire. Par hasard, c’est ce jour-là, le dimanche 12 décembre 1852, qu’ont lieu les festivités officielles pour inaugurer la statue de la Vierge dorée qui vient d’être installée au sommet de la très célèbre basilique de Fourvière qui domine le Rhône et la Saône. Selon Christian Delorme, « les journaux de l’époque expliquent qu’il s’est promené en calèche dans les quartiers de Lyon et qu’il a été émerveillé par cette ville illuminée en l’honneur de Marie. Une fête religieuse qui l’aurait marqué, puisqu’il aurait lancé au moment de son départ : «  »C’est aux prières de son clergé que la France devra son salut. » »