Hasard, mektoub ou miracle ? roman, Khalid Benzakour, L’Harmattan, Lettres du monde arabe, 2021, 298 p.
Un récit- témoignage sur une famille de la bourgeoisie fassie des années 1950 à nos jours. L’auteur, scientifique de l’informatique et entrepreneur, s’est formé à Toulouse. Le titre du livre découle de cette culture? Il conçoit ce « roman » comme une chronique familiale, sans doute proche de la sienne, racontée par une femme. La femme aussi bien que l’auteur ont un point de vue imprégné d’une culture moderne « française » pour décrire une société pétrie de traditions patriarcales à travers près de trois quarts de siècle. La langue (française) de l’auteur navigue entre l’écriture un peu compassée du scientifique et le parler plus cru des anecdotes du récit. De Fès à Casablanca, par Kenitra et Taza, on oscille entre respect des traditions cérémonielles et transgressions précoces de celles-ci de la part des hommes et bien plus tardivement pour les femmes. C’est tout un versant (bourgeois…) de la modernisation de la société marocaine que l’on capte, avec des jalons dans la politique et ses jeux de pouvoir, vus par un cadre supérieur dans le public et dans le privé. Une traduction en arabe de Abdellatif El Yagoubi a été éditée au Maroc.
Il faut que jeunesse se cache ! roman, Khalid Benzakour, L’Harmattan, Lettres du monde arabe, 2022, 229 p.
Ce récit (bien sûr largement autobiographique) est le journal de bord « raconté » du directeur d’une école supérieure (formation de cadres d’entreprises) à Casablanca dans les années 2020. Ce versant « moderniste » de la société marocaine, à travers des adolescents et jeunes adultes, permet de comprendre tous les heurts et tensions entre des milieux familiaux majoritairement traditionnels et une nouvelle génération (future élite du pays…) qui adopte des moeurs modernes. Le directeur doit servir d’intermédiaire entre ceux qui n’arrivent pas à se comprendre : souvent enfants et parents, mais parfois aussi élèves d’origine différente, car l’école accueille à côté des « bons milieux » des blédard de petite origines et un contingent de non – marocains, en particulier de l’Afrique au sud du Sahara. Les couples chez les étudiants se forment et se défont parfois tragiquement, dans un océan de non-dits, puisque que pour mener sa vie « Il faut que jeunesse se cache », titre de l’ouvrage. Ce monde moderne pétri d’informatique est forcément anglophone, mais l’école s’efforce d’améliorer un usage soutenu du français alors que darija ou langues parlées d’Afrique servent aux échanges intimes ou familiaux. Et les projets personnels des élèves oscillent entre le monde des affaires (en Europe ou au Maroc) et le monde de la fonction publique marocaine et son arrière-fond, le Palais.
Claude Bataillon