Akli Tadjer évoque sa rencontre avec les jeunes du lycée de Péronne qui, dans un premier temps avaient refusé de lire son roman « Le porteur de cartable » parce qu’il était un écrivain étranger. Son propos concerne la liberté aux Etats-Unis d’exprimer son racisme, son antisémitisme etc. évoquée par les lycéens qui rêvaient d’aller y vivre. Mais Akli Tadjer leur a répliqué qu’avant de se rendre de l’autre côté de l’Atlantique il convenait de parler correctement la langue anglaise. Des lycéens auraient alors répliqué qu’ils iraient donc au Québec où l’on parle français. Ces jeunes sont happés par une situation dramatique, le manque de travail des parents qu’ils aimeraient aider. Ces situations de précarité entraînent leur rejet de l’autre qui « vole le travail » aux vrais français. Et puis il y a la peur de l’étranger que l’on n’a jamais vu mais dont la télévision parle comme d’ennemis. L’un des jeunes a avoué qu’il n’était pas sûr d’être raciste. Qu’il n’avait rien contre les arabes mais avait peur des islamistes. Ils se nourrissent de l’imaginaire créé par les réseaux sociaux et les medias. Ne pas avoir voulu lire le roman était de la pure provocation. L’un des jeunes a également dit qu’il était raciste par fidélité familiale, son grand-père haïssait les allemands, son père les arabes, donc il se devait lui aussi d’être raciste ! Viennent ensuite les questions et l’échange entre le collégien et l’auteur
Pourquoi êtes-vous devenu écrivain ?Mes parents étaient tous deux analphabète, j’ai donc dû rédiger des lettres destines à la famille restée en Algérie et comme notre vie n’était pas très originale, j’inventais des histoires sur mes parents, sans leur dire. Et quand nous allions en Algérie, mes parents étaient surpris par les questions qu’on leur posait suite à mes lettres. C’est comme cela qu’est née mon imagination, à force d’inventer une vie à ma famille.
D’où vient l’illustration ?Elle a été recréée, c’est moi qui ai écrit la phrase à la craie et le petit garçon est le fils d’un ami aujourd’hui adulte (la photo date de 2002)
Quels sont les passages réels ?Les deux familles sur le même palier, les gamins qui vont au-delà des clichés et des a priori.Le problème qu’il y avait entre les communautés ne concernait pas les enfants, cela les a plutôt rapprochés.
Vous écrivez régulièrement ou juste quand vous avec une idée ?Je sais quand cela commence mais tant que je n’ai pas trouvé la fin, j’attends avant d’écrire. On a tendance à accumuler des choses sans importance, inutiles. L’imagination se travaille avec régularité, au quotidien, sans jamais s’arrêter.
Pourquoi avoir choisi le récit à la première personne ?Quand on écrit à la première personne on a l’impression qu’on ignore ce qui est derrière la porte alors que quand on écrit à la troisième personne, on donne à croire que l’on sait ce qui arrive au personnage
Pourquoi le titre ?Pendant la guerre d’Algérie on appelait les français qui aidaient les algériens des « porteurs de valises » parce qu’ils mettaient des documents dans leurs valises pour les passer clandestinement. Et parfois des mères de famille mettaient aussi des documents dans les cartables de leurs enfants (à leur insu) dans le même but, aider la résistance
Choix de la musique ?Quand on écrit un roman, ou que l’on réalise un film, il faut être en accord avec l’époque. Mon histoire date des années 60, il fallait donc une chanson de ces années-là. J’aimais assez un chanteur qui s’appelle Adamo quand j’étais jeune, par souci d’authenticité c’est donc la chanson « ruisseau de mon enfance » que j’ai choisie parce qu’elle collait bien à mon histoire. Mais je ne l »ai réellement entendue qu’après la sortie de mon roman grâce à une amie qui m’a offert le CD.
Pourquoi la guerre d’Algérie ?Chaque pays a un moment où débute sa propre Histoire. Pour l’Algérie ce furent les 8 ans de la guerre. Il y a eu beaucoup de morts et de désastres. Pour moi, c’est mon origine.
Pourquoi avez-vous écrit une scène érotique dans votre roman ?J’ai écrit une scène érotique? Ben oui, vous dîtes qu’il est tombé amoureux de sa maîtresse !Ah, mais on est tous tombés amoureux de sa maîtresse d’école, non? En tous les cas, moi j’étais amoureux de la mienne !
Quel est votre plus grand succès ?Je n’en sais rien, peut-être celui-là, ou un autre. Un de mes romans a eu beaucoup de succès « Il était une fois, peut-être pas ». C’est par périodes.
Etes-vous fier de votre roman ?Fier ? Je ne sais pas…Si je ne l’avais pas écrit? Je ne serais pas là à vous en parler !
Pour en revenir à ma visite au lycée de Péronne, j’ai été choqué lorsque j’ai reçu le premier courriel de l’enseignante. Le racisme est sans filtre. Il est important de savoir dialoguer, d’expliquer, car ces jeunes n’avaient jamais vu d’étranger de près. Je suis fier d’être allé leur expliquer leur erreur à ne pas avoir voulu lire le livre parce qu’il était écrit par un étranger.
Pourquoi la mère d’Omar est rousse ?Pourquoi pas? Pour changer, pour mettre un peu de couleur, parce que c’est l’imagination qui m’a guidé !
Pourquoi il n’y a pas de noir dans votre histoire ?Parce que je n’en connaissais pas à l’époque ! et on n’écrit pas avec un quota de noirs, d’arabes, etc.l