(Roman « 17 ans »chez GALLIMARD)

Beaucoup de vos romans se réfèrent au père, celui-ci est consacré à la mère et marque un profond lien avec d’autres rives ? Oui, forcément, je suis lié à la fois au Maroc, mon père biologique était de Fès, et à la Tunisie par mon père adoptif qui était de Sousse.Et puis j’ai participé au livre des 20 ans de Coup de Soleil (Carnet de bord) https://coupdesoleil.net/blog/1995-mille-et-un-soleils/.J’ai fait beaucoup de rencontres ici avec des auteurs, des humoristes, etc. issus de là-bas.J’ai été traversé par la Méditerranée bien avant de la traverser physiquement, à 17 ans justement.

17 ans, c’est justement l’âge de la mère au début du roman. Puis, plus tard, elle révélera à ses enfants un lourd secret…Oui, elle a longtemps caché son drame à ses enfants. Et ceux-ci sont abasourdis le jour de la révélation de celui-ci. Ce n’est pas réellement mon histoire, dans ce roman l’imagination vient au secours de la réalité.Le narrateur se rend compte alors qu’il ne connaît pas sa mère. D’ailleurs on ne connaît jamais vraiment ses parents.Il commence sa quête de vérité à Nice, au bord de la Méditerranée, sa ville de naissance.Il a toujours eu un rapport difficile avec sa mère. D’abord, au début, il l’appelle par son prénom.

Il n’est pas bon d’entrer dans la douleur des autres. Plus le narrateur remonte le cours du temps, plus il pénètre dans l’intime et la douleur. Peu à peu on perçoit la compréhension de la mère par ce fils.Le narrateur éprouve une mort émotionnelle, sa relation à la mère est congelée, les sentiments ne peuvent s’y infiltrer. Cela ne signifie pas qu’il n’y a pas d’amour mais il s’agit d’un amour empêché.La mère, enceinte à 17 ans, n’a pas pu élever son enfant, parce qu’il était l’enfant d’un juif et que sa propre mère lui a interdit de le garder. Sa première « mère » était sans doute sa nourrice, puis il y a eu sa grand-mère. Sa propre mère était une mère « à éclipses ».Elle était jeune et pouvait passer pour sa soeur.L’amour filial de ce fait a été empêché, son hérédité explique sa dureté. Dans sa généalogie, « l’abandonite » court sur plusieurs générations.Il faut se remettre dans le contexte de l’année 60. Une fille enceinte sans mari était pour tous une prostituée. L’Eglise avait une profonde emprise sur les familles !Lina n’a pas eu le droit d’être mère, mais ce n’est pas une victime toutefois, elle est combative. C’est surtout que la société pose des interdits et écrase les gens. On est souvent obligés de subir, ce qui ne signifie pas que l’on est des victimes ! (Monique Chaïbi)