Lecture préparée et réalisée par la Compagnie du dernier étage, au Maghreb des livres 2016, organisé par Coup de soleil avec l’Hôtel de ville de Paris
Le Premier qui voit la mer, de Zakia et Célia Héron, éd. Versilio, 192 p.
Le récit d’une famille algérienne à travers le regard d’une enfant qui grandit et devient femme. Un superbe premier roman, écrit à quatre mains.
Une histoire de femmes, fortes et attachantes. L’histoire d’un pays, lumineux et chaleureux. Le récit d’une famille à travers trois générations et, au final, un beau roman sur la transmission et l’identité, la religion et l’exil, la place des femmes dans nos sociétés.
Le Premier qui voit la mer est un texte écrit à quatre mains par Célia Héron et sa mère, Zakia. Il commence par l’enfance de cette dernière dans une Algérie encore française qui, pour les yeux de la petite fille qu’est alors l’héroïne, est celle des jeux dans la cour, des bouffées de jasmin, des gâteaux au miel et du pain chaud. Un monde où l’on s’entraide entre voisins, soudé autour de la figure d’une grand-mère répétant les gestes ancestraux et paisibles de la vie quotidienne.
Coup de sirocco et fin de l’innocence Le récit débute en 1956. Leïla/Zakia a 8 ans et peine à comprendre le coup de sirocco qui va balayer son pays. Ce sera la fin de l’innocence : le choc du racisme, les rafles, la sale guerre civile et ce frère aîné qui ne revient pas… Avec pourtant, au bout de la nuit − «Toutes les guerres finissent. Maman me le répète chaque soir. Il faut juste ne pas mourir avant la fin…» −, l’indépendance et l’espoir qu’un nouveau monde est possible. Pour l’Algérie, pour ce peuple méprisé par les colons, et surtout pour les femmes, réduites depuis des millénaires à la portion invisible et servile.
Des années libres qui correspondent à la jeunesse de Leïla : émancipation, études supérieures, travail et amour d’un Français qu’elle épousera, rupture avec un père incapable de comprendre ce monde qui bouge…
«Le parfum du jasmin et des fleurs d’oranger» Viendront ensuite les premiers deuils familiaux, les désillusions sur ce pays «neuf» qui bascule dans la bureaucratie et la corruption alors qu’un autre danger, insidieux et torve, commence à menacer les femmes et les libertés à travers un islamisme de plus en plus radical qui obligera Leïla à quitter son pays natal pour la France, où naît Célia, qui entre dans le roman comme seconde narratrice dans les derniers chapitres pour interpeller sa mère sur son statut d’enfant de couple mixte, sa peur d’une Algérie fantasmée, son manque de langue maternelle…
Le Premier qui voit la mer, premier ouvrage de ce duo mère-fille, est un donc témoignage familial, une histoire vécue, douloureuse et nostalgique. Mais c’est avant tout un vrai roman, poétique et fort, superbement écrit. Un texte qui marque, laissant derrière lui, subtil et entêtant, «ce parfum du jasmin et des fleurs d’oranger» du pays du temps perdu.
Et sur youtube l’enregistrement de cette lecture: https://www.youtube.com/watch?v=wUonAh4sNLU
et pour La compagnie du dernier étage: http://lacompagniedudernieretage.fr