Les hirondelles de Kaboul : du roman de Yasmina Khadra au film, 2002/ 2019

Le roman de 2002 est un classique : il s’attaque à l’intégrisme religieux dans la société d’Afghanistan, sans doute un des Etats les plus fragiles au monde qui vivotait entre Russie et Empire des Indes britannique, puis entre Pakistan et Union soviétique. Pour un Algérien, dans la décennie noire, un « afghan » était un jeune qui était allé apprendre la guerre chez les musulmans les plus « intégristes » possible pour la pratiquer chez lui. Pour moi un « afghan » est un réfugié qui a parcouru d’abord des centaines de kilomètres à pied, puis a traversé cinq pays européens pour venir en France, où rembourser l’argent emprunté pour le voyage prend des années. Pourquoi est-il parti ? Pour éviter d’être enrôlé vers 16 ans dans une milice armée, sous la menace que l’on tue sa famille s’il refuse. Quelle milice de quel parti ? C’est en général trop compliqué pour être compris par l’interlocuteur français…

Le roman de Yasmina Khadra est centré sur les rapports entre des hommes et des femmes, ces dernières soumises à un enfermement absolu, moral et physique. La libération d’une seule femme casse un système plus dérisoire encore qu’absurde. Le film d’animation a les mêmes problèmes que le livre : dispersion du récit, incommunicabilité entre les personnages. Il est aussi très prenant par la beauté du dessin, aussi ample que nuancé, des couleurs d’aquarelles à faire pleurer. L’animation des images est traitée comme dans une BD : schématique, saccadée, concentrée sur l’essentiel. Les dialogues, souvent pris directement dans le roman, sont réduits à l’indispensable. L’histoire est recentrée sur la jeune femme : elle est avocate dans le livre, dessinatrice dans le film, ce qui est une transgression encore bien plus grave car elle fait éclater en images une joie de vivre indécente (Claude Bataillon).