Né au Maroc, écrivain et cinéaste. Un style « farfadet sérieux »1er roman « L’armée du salut » Mostra de Venise, Prix de Flore pour « Le jour du roi »Une écriture qui est immédiatement là, à la fois franche, douce et sincère. Abdellah Taïa ressemble à ses livres.

Vous avez choisi la France et la langue française pour vous exprimer.C’est un choix et un arrachement. D’ailleurs on ne choisit pas, on est mis dans une situation. C’est le destin, le « mektoub ». Nos choix nous sont imposés. Je viens d’une famille de six filles et deux garçons. Avec un père démissionnaire et 9 bouches à nourrir au quotidien. Pour ma mère, cela représentait des stratégies inventées, une aventure quotidienne. Je suis très admiratif de ma mère qui a dû parfois s’humilier devant les autres pour parvenir à aider les siens. Je me suis inspiré de ses sacrifices, de son courage.On n’est rien quand on est pauvre.Le français est la langue des riches au Maroc. Le drame c’est d’être catalogués par ceux qui veulent vous définir avec leurs propres critères.Alors j’ai appris le français, passé un doctorat sur Proust, me suis passionné pour Fragonard.Quand on vient de mon milieu, on doute de son talent parce que l’on est pauvre, on a un air de pauvre, c’est inscrit en soi. J’ai choisi d’écrire sur mon homosexualité pour me faire connaître.Pour me lancer dans l’écriture je n’ai pas besoin de me référer aux autres auteurs, je pense juste à ma mère. J’ai mille images d’elle. Entre les cris et les larmes.La cellule familiale s’entre déchire pour survivre.La pauvreté doit être sublimée.C’est un reniement supplémentaire.Mon dernier livre est sous forme épistolaire. La figure de la mère y est récurrente.

Il y a le film réalisé sur Jean Genet [bonus du DVD de l’Armée du Salut porté à l’écran par l’auteur]. Je ne suis pas seul dans mon cas. Les hommes, au Maroc, sont là pour la galerie, les femmes doivent leur dire comment « faire » l’homme!Comment aurais-je pu écrire sans le secours de ma mère (Monique Chaïbi)