Lecture préparée et réalisée par la Compagnie du dernier étage, au Maghreb des livres 2016, organisé par Coup de soleil avec l’Hôtel de ville de Paris
SOPHIE COLLIEX, L’enfant de mers el Kebir, édition encre fraîche.
L’auteur vit en Suisse où elle fait de l’alphabétisation et de l’enseignement du français pour les adultes. Je crois que de lointains ancêtres sont venus en Algérie depuis l’Andalousie mais elle n’est jamais allée à Mers el Kébir.
Son livre mêle 2 histoires, celle de Mers el Kébir et celle d’une famille de pécheurs dont le père est napolitain d’origine, la mère espagnole. La petite rade de Mers-el-Kebir a d’abord accueilli un petit port de pêche avant de devenir dans les années trente un port aménagé pour recevoir de gros cargo et la marine nationale. Dans le livre on suit la transformation du port et du petit village de pêcheurs entre les années 30 et la fin des années soixante. Des travaux gigantesques qui bouleversent la vie des familles modestes. Ce petit port est pris dans la tourmente de la 2e guerre avec le bombardement de la flotte française par les Anglais après l’armistice de 40, puis l’arrivée des américains après le débarquement de nov. 42. L’installation d’un vaste campement américain qui inquiète les mères et fascine les enfants. La famille d’Ambrozio, des pêcheurs pauvres, est confrontée à tous ces changements sans bien les comprendre. C’est à travers les réflexions du plus jeune de la famille, Ambrozio, qu’on perçoit toutes ces inquiétudes et ces difficultés. Une dimension de ce roman est la découverte de l’art. C’est par le biais d’une magnifique boite de crayons de couleurs reçue à noël que cet enfant, qui a 7 ou 8 ans au début de la guerre, découvre le monde de la peinture.
Questions
La peinture des relations des habitants de Mers-el-Kebir avec les Américains est criante de vérité, l’inquiétude devant ces soldats, sont-ils des amis ou des ennemis, le souvenir du bombardement de 40, l’attachement au Maréchal Pétain, une forme de patriotisme brouille la vision de la famille Ambrozio. Les relations des enfants avec les soldats distributeurs de friandises rappellent l’enfance de la commentatrice de façon criante. Comment l’auteur a imaginé tout cela ?
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(Encres fraiches, Suisse, mars 2015)
Michel grandit dans la vaste baie en demi-lune de Mers el-Kébir. Nous sommes dans les années 40, en Algérie. Il joue au cerf-volant et dessine, avec des Caran d’Ache, l’évolution du port pour son frère Joanno, parti à la guerre et fait prisonnier en Pologne. L’enfant découvrira sur le tard sa véritable histoire et de qui il tient ses talents de dessinateur. «Sous sa main habile, précise, des êtres prennent vie; les pêcheurs se courbent sur la mer; des poissons bondissent; des bateaux déchirent la brume.» En parallèle, à travers les yeux de l’enfant qui grandit, apparaît le destin d’un village de pêcheurs devenu une importante base militaire de l’empire colonial français. La Franco-Suissesse Sophie Colliex ne connaissait pas l’Algérie avant d’écrire ce livre. Pourtant, son grand-père est enterré à Oran. C’est dans les cartons des archives de la marine française qu’elle a puisé de quoi rêver ce pays et raconter avec délicatesse une histoire souvent méconnue.
Julien Burri, journaliste, L’Hebdo-été 2015