Film tunisien, avec Baya Dehaffar. Tout le monde parle à propos de ce film de poésie, de révolte des jeunes, de fin « annoncée » de Ben Ali. Leyla Bouzid, dont c’est le premier film, a une mère médecin, un père (Nouri) connu comme cinéaste. Leyla connaît donc de près cette société tunisoise moderne et éclairée dans laquelle se passe son film, pour en montrer les marginaux et les révoltés, certes de manière si prenante avec cette poésie chantée par Baya Medhaffar.
Allons plus loin, vers le contenu politique de ce cinéma. Au
Maroc, le cinéma politique est certes présent, mais presque toujours dans la dérision ou le conte (la source des femmes https://coupdesoleil.net/?s=source+des+femmes ). En Algérie un tel cinéma est surtout un déblocage des mémoires (L’Oranais https://coupdesoleil.net/?s=oranais ). Ici en Tunisie, c’est au présent qu’il nous montre ce que sont les humiliations policières. Elles restent en deçà du tragique : la fille murmure à sa mère qu’au commissariat il ne s’est « rien passé qu’on puisse dénoncer », cette mère dispose d’ailleurs de protections qui permettent d’éviter le pire, alors que le père peut mettre fin à son exil loin de Tunis en adhérant au Parti. Cette police pratique surtout le chantage et le mensonge, pour casser cette compagnie musicale subversive qu’on appelle d’un mot arabe que le public français comprend : « lgroup » = le groupe… A côté d’un Maroc et d’une Algérie où le pouvoir dur est entre les mains d’organismes de sécurité militaire, la société tunisoise a eu moins de mal à chasser un pouvoir policier bien plus fragile. Brutale certes, cette police agit mieux encore par le chantage et la rumeur qui divise « lgroup ».