s010509141958Sid Ahmed GHOZALI,
Question d’Etat,
Entretien avec Mohamed Chafik MESBAH.
Casbah Editions – Alger – 2009
Ancien Premier ministre, ayant occupé plusieurs postes ministériels dans le gouvernement, S.A. Ghozali a surtout été le P-DG de Sonatrach.
Un pedigree qui dit toute l’envergure du personnage et singulièrement sa connaissance en profondeur du sérail politique algérien dans lequel il évolua durant de longues années. Aussi, lorsqu’une telle personnalité «passe à table», il faut l’écouter attentivement. Et ce qu’il dit à Mohamed Chafik Mesbah vaut le détour, car il lève le voile sur nombre d’affaires demeurées obscures. notamment le fameux dossier «Valhyd» qui a fait couler beaucoup d’encre dans les années 1970. Les précisions et mises au point de Sid Ahmed Ghozali valent assurément que l’on s’attarde sur les quelque 313 pages du volume. Celui-ci est le fruit d’un long entretien accordé par l’ancien Premier ministre au politologue Mohamed Chafik Mesbah et publié en 2008 dans deux quotidiens nationaux (arabophone et francophone). Sa lecture est, en fait, passionnante, que ce soit à propos de Sonatrach, entreprise qu’il connaît très bien pour l’avoir dirigée de longues années, sur l’affaire, Valhyd, que du pétrole algérien d’une manière générale,

certains faits du sérail, ses rapports avec certains ponts du pouvoir ou avec le défunt Kasdi Merbah ou Mouloud Hamrouche, Sid Ahmed Ghozali donne le ton et a souvent les mots justes pour dire les choses. Il a été respectivement ministre des Travaux publics, de l’Energie et de la Pétrochimie, de l’Hydraulique, des Finances, des Affaires étrangères (durant la guerre du Golfe et la création de l’UMA) et enfin Premier ministre. Il a touché un peu à tous les paliers de l’exercice du pouvoir dans le gouvernement algérien, ce qui lui a permis d’avoir une large vision des possibilités de l’Algérie et aussi des problèmes auxquels elle est confrontée. En fait, l’ancien chef de la diplomatie algérienne apporte un éclairage déterminant sur une longue période du développement national, sur l’obsolescence d’un régime qui n’a pas su ou pu se réformer ou se remettre en cause. C’est sur l’affaire «Valhyd» au coeur de laquelle il évolua, que Sid Ahmed Ghozali a été le plus disert, remettant les choses à l’endroit et surtout faisant justice à tout ce qui a été dit sur le fameux plan de «valorisation des hydrocarbures» (connu sous le nom de Valhyd) conçu, du début jusqu’à sa conclusion, par des spécialistes algériens du pétrole, du gaz, en amont et en aval de la production pétrolière et gazière. «Valhyd», explique Sid Ahmed Ghozali, «(….) était un programme global, une sommation formalisée des actions menées par le ministère de l’Energie et par Sonatrach, en deux périodes (…) allant de 1963 à 1971» qui vit la mise en place et le développement de moyens technico-économiques, les hommes et les structures «capables d’assurer l’intervention progressive de l’Algérie à tous les stades de l’activité pétrolière». La deuxième phase qui a vu la nationalisation des hydrocarbures commence en 1971. Cette donne s’est traduite, indique l’ancien P-DG de Sonatrach, «par une rupture sur trois fronts: changement d’échelle du champ d’activités, changement de politique d’exploitation sur chaque gisement pris individuellement, mise en cohérence des catégories d’exploitation individuelle avec les exigences et les besoins d’un développement national». Dans cet entretien, Sid Ahmed Ghozali donne des informations, souvent inédites, sur une période charnière de la formation du réseau national pétrolier et gazier. Il revient également sur la loi de 2005 sur les hydrocarbures qui, dit-il sans ambages, était une «loi de dénationalisation qui ne dit pas son nom» abrogeant selon lui, une «loi fondamentale, celle d’avril 1971 sans la viser ni la nommer, ce qui est déjà une illégalité en soi», consistant en «l’abandon en cachette du contrôle national sur toute la chaîne des hydrocarbures d’amont en aval, noyé à dessein dans une soixantaine de pages de texte».
Question d’Etat éclaire nombre de zones restées dans l’ombre qui, pourtant, ont eu un impact décisif sur le devenir de l’Algérie. Dans ce large tour d’horizon, Sid Ahmed Ghozali tout en s’étalant sur un secteur stratégique, le pétrole, où il officia de nombreuses années, revient également sur le rôle de l’armée, sur la tragédie du début des années 1990 et l’annulation du scrutin de décembre 1991, sur ses rapport avec le HCE, apportant maints témoignages qui font de Question d’Etat un livre à lire absolument pour comprendre ce qui se passe en coulisses induisant l’évolution du pays lors de ces quatre dernières décennies. Surtout lorsque ces témoignages sont le fait de quelqu’un longuement nourri au sein du sérail.