Fatima, film de Philippe Faucon, 2015, avec Soria Zeroual
Pour les très vieux coloniaux, comme pour Assia Djebar (dialogue dans La femme sans sépulture entre la « dame arabe » et la « dame française »… maltaise), on sait qui est Fatima (Fatma, Fatouma, Fahatma, Fatema, etc) : non pas bien sûr la fille du Prophète, ni même la Fátima, apparition de la vierge Marie en 1917 au Portugal, mais la femme « arabe » pour qui le seul métier pensable est de faire le ménage et, autrefois, la lessive et la vaisselle.
La Fatima du film est attelée à ces tâches en permanence : au domicile des patronnes, en agent de nettoyage dans les administrations ou les entreprises. L’actrice, Soria Zeroual, a effectivement ce métier « dans la vie ». Elle connaît à
fond toutes les règles de ces boulots (ce que Florence Aubenas décrit en reporter dans Le quai de Ouistreham, 2010). Elle connaît ses droits et sait qu’elle dispose de peu de marges pour
ne les faire respecter qu’en partie seulement.
Un film bien pensant ? à l’eau de rose ? On en est loin, parce que la rage de ses filles, elle la partage, entre la jeune qui risque de plonger et l’aînée qui se risque à sortir vers le haut par les études… et y réussit. La dignité de Fatima passe par son apprentissage d’une langue française qu’elle pratique oralement au quotidien (mais elle se perd vite face aux discours savants ou bureaucratiques) et qu’elle apprend à lire et à écrire. Cette dignité passe aussi par cet arabe algérien (darija) qu’elle parle à ses filles (qui lui répondent en français) et de cet autre arabe, qu’elle sait écrire difficilement, pour tenir un journal qui est l’affirmation de sa propre culture, journal qu’elle tient presque pour elle seule dans cette France où même sa fille comprend à peine quand elle lui en lit des passages.
C’est dans ces problèmes des langues que réside la sensibilité subtile de ce film qui rappelle le film L’esquive de Abdellatif Kechiche (2003).