Le carnage de janvier 2015 en Ile-de-France : de l’horreur à l’espérance ?

L’attentat commis le mercredi 7 janvier 2015 dans les locaux de Charlie Hebdo a coûté la vie à douze personnes, dont les meilleurs caricaturistes et chroniqueurs de l’hebdomadaire satirique. Parmi eux, une figure chère à Coup de soleil : l’ami Georges Wolinski, originaire de Tunisie et qui nous a accompagnés depuis bientôt 30 ans. Plantu et Slim se souviendront comme nous, avec beaucoup d’émotion, de ce trio de dessinateurs qu’ils ont formé plus d’une fois avec lui, lors des premières éditions du Maghreb des livres : ils en étaient la première attraction et ils ont su placer notre manifestation sous le sceau bénéfique de l’irrévérence et de la bonne humeur.

Ce crime contre Charlie Hebdo est inqualifiable. Il l’est d’abord parce que les tueurs ont massacré, lâchement, des hommes et des femmes sans défense : journalistes, dessinateurs, salariés, ainsi que deux policiers qui tentaient d’intervenir. Il est inqualifiable parce que les tueurs s’en sont pris à des journalistes, à des artistes de talent qui avaient pour seul tort d’user d’une liberté, précieuse entre toutes, la liberté d’expression. Ce crime est inqualifiable parce que les tueurs l’ont commis au nom d’une religion qu’ils trahissent et qu’ils défigurent, espérant surtout que la France, révoltée par cet acte odieux, rejettera l’ensemble de ses enfants qui ont un lien, religieux ou culturel, avec l’islam : c’est bien là, comme l’a souligné avec force Robert Badinter, le piège mortel tendu à la nation française.

Un nouveau tueur va assassiner le 8, à Montrouge, une policière municipale. Le vendredi 9, à Paris quatre Français juifs seront abattus par le même hommeaprès une dramatique prise d’otages. Cette folie meurtrière a bouleversé tout le pays et suscité, bien au-delà de nos frontières, des solidarités réconfortantes. C’est ainsi que les journalistes algériens ont su nous dire, dès mercredi soir, qu’ils étaient à nos côtés dans ce moment terrible, eux dont 117 des confrères ont payé de leur vie, durant les « années noires », leur attachement à la liberté d’expression.

La magnifique journée du dimanche 11 janvier et les impressionnantes manifestations qui l’ont jalonnée à travers toute la France ont rendu l’espoir à tout un peuple. Pour tenter de concrétiser cet espoir, la nation toute entière doit s’engager très vite sur trois voies principales, en y consacrant les moyens nécessaires :

-1) la République doit défendre vigoureusement tous les citoyens contre la violence terroriste, dans le respect des principes fondamentaux d’un Etat de droit ;

-2) elle doit aussi traiter le mal à la racine en redonnant confiance à tous ces jeunes de France, relégués dans des quartiers sinistrés et qui ont perdu tout espoir dans leur avenir ;

-3) elle doit enfin regarder les réalités en face et aller à l’essentiel, en favorisant l’émergence, sur le territoire national, d’instituts de formation et de recherche qui permettent à l’islam de se réapproprier la raison et l’esprit critique de ses plus belles heures. C’est ce qu’a longtemps réclamé – en vain – notre ami Mohamed Arkoun,comme tant d’autres intellectuels qui ne supportent plus de voir leur religion travestie par des charlatans incultes.

Mais il appartient aussi à chacun de nous de dénoncer, avec la même énergie, les discours politiques et les écrits sulfureux véhiculant la haine, qu’elle soit anti  « occidentale », anti-juive ou anti-musulmane : l’éducation et la culture restent nos meilleures armes dans ce combat, dans lequel les médias ont aussi un rôle fondamental à jouer.

Coup de soleil est né, voici bientôt 30 ans, pour tenter de promouvoir « une France sûre d’elle-même, ouverte au monde et fraternelle ». Cette ligne de conduite nous paraît, plus que jamais, d’une brûlante actualité ! L’urgence est aujourd’hui que le peuple de France, dans toutes ses composantes et au-delà de son émotion collective, sache rester debout, serrer les rangs, répondre à la barbarie par toujours plus de détermination et de sang-froid, répondre à la haine par toujours plus d’ouverture et de solidarité

 

Fait à Paris, le 12 janvier 2015  Pour le conseil d’administration de Coup de soleil, le président de l’association : Georges MORIN