Editorial
Cette lettre donne un Ă©chantillon des principaux genres que nous prĂ©sentons habituellement. Le plus rĂ©pandu figure dans cette sĂ©lection, câest « LâarrivĂ©e » de Benjamin Stora, il appartient Ă la catĂ©gorie des mĂ©moires et souvenirs et comme souvent il ne peut recouvrir quâune partie du passĂ©, ici lâadolescence du jeune Stora, entre lâarrivĂ©e de sa famille en France en 1962 quand il avait 12 ans et son entrĂ©e dix ans plus tard dans lâĂąge adulte. Entre les deux Mai 68, un Ă©vĂ©nement majeur pour ce garçon de 18 ans qui entre alors en politique.
Dans la catĂ©gorie « souvenirs » quoique prĂ©sentĂ© sous le titre de roman, on trouvera celui de Yamina Benahmed Daho qui est en revanche un rĂ©cit dâenfance. Il sâarrĂȘte Ă peu prĂšs Ă la fin de celle-ci, manifestement lâĂąge de la vie que lâauteure privilĂ©gie.
Les souvenirs prennent parfois la forme dâun questionnement, câest le cas pour« Affreville », le livre de Claire Tencin, qui ne cesse de sâinterroger sur ce quâa fait son pĂšre gendarme français en AlgĂ©rie pendant la guerre dâindĂ©pendance : encore une fois, le problĂšme de la torture est posĂ©.
Coup de soleil voudrait ne jamais oublier la poĂ©sie et en introduire au moins un peu dans chacune des Lettres. Cette fois, il sâagit du recueil de lâAlgĂ©rienne Habiba Djanine, « TraversĂ©e par les vents » ; ses activitĂ©s culturelles sont multiples, elle est connue comme fĂ©ministe algĂ©rienne dont la sĆur a Ă©tĂ© tuĂ©e en 1995 par les terroristes islamistes.
Par le moyen des notes de prĂ©sentation, nous attirons lâattention dâune part sur lâhistoire de la littĂ©rature tunisienne, qui devrait ĂȘtre trĂšs prĂ©sente au prochain Maghreb des livres, et dâautre part sur le passage Ă Lyon ce mois-ci du dessinateur palestinien Mohammad Sabaaneh.
Michel Wilson en présentant non pas une mais plusieurs BD, met en valeur la magnifique figure de GisÚle Halimi.
Et naturellement pour finir, on parlera dâun film maghrĂ©bin dâune originalitĂ© remarquable, « le Gang des Bois du temple » du Franco-AlgĂ©rien Rabah Ameur ZaĂŻmĂšche.
Denise Brahimi
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« LâARRIVEE. DE CONSTANTINE A PARIS 1962-1972 » par Benjamin Stora, Ă©ditions Tallandier, 2023
Le titre de cet ouvrage nâen indique que partiellement le contenu et mĂȘme son sous-titre paraĂźt trop restrictif. LâarrivĂ©e, câest celle de la famille Stora, des Juifs algĂ©riens quittant leur habitat sĂ©culaire de Constantine pour participer au grand exode de 1962 vers la France, et ce ne sera pas une mince affaire que dâessayer de sây installer pour y vivre dĂ©sormais. Outre le pĂšre et la mĂšre, la famille comporte deux enfants dont le jeune Benjamin alors ĂągĂ© de 12 ans. Cependant la description de ces Ă©vĂ©nements nâoccupe guĂšre que 2 chapitres, 3 au plus, du livre qui en comporte 12. LâarrivĂ©e est dâemblĂ©e vĂ©cue comme dĂ©finitive, et mĂȘme si lâon a çà et lĂ quelques exemples des tribulations qui sâensuivent, dĂ©marches Ă©puisantes et certainement Ă©vitables si quelque autoritĂ© officielle sâen Ă©tait souciĂ©, on ne peut pas dire que ce soit le sujet du livre, alors que dâautres « rapatriĂ©s » lâont souvent traitĂ©.
Les deux dates qui figurent dans le sous-titre disent clairement la pĂ©riode que lâauteur dit avoir voulu traiter, ce quâil fait mais pas seulement. Oui il sâagit bien de lâadolescence du garçon qui est lâauteur et narrateur de « LâarrivĂ©e », mais en fait toute une sĂ©rie dâindications, dâĂ©vocations et de rĂ©flexions dĂ©bordent largement ce cadre temporel. En amont il fallait bien Ă©videmment retracer lâhistoire de cette famille juive de Constantine avant lâexode de 62 ; en aval Benjamin Stora revient notamment sur lâune des raisons pour lesquelles on a beaucoup parlĂ© de lui rĂ©cemment, Ă propos de son rapport officiel sur les mĂ©moires de la colonisation et de la guerre dâAlgĂ©rie (2020-2021). Mais surtout « LâarrivĂ©e » est riche de tout un ensemble de rĂ©flexions sur les principales problĂ©matiques qui sont en son cĆur et Ă©videmment pas enfermĂ©es dans lâespace de 10 annĂ©esâle moins quâon puisse dire est quâelles ne sont pas des moindres : quâest-ce que sâengager en politique, de maniĂšre gĂ©nĂ©rale et particuliĂšrement en Mai 68, quelles sont les diffĂ©rentes maniĂšres de reconnaĂźtre ou pas une appartenance au judaĂŻsme, dans ses relations avec lâuniversel, la laĂŻcitĂ©, le socialisme etc. Sur chaque sujet abordĂ©, lâauteur recourt Ă ses nombreuses lectures (en sorte que sous une forme trĂšs condensĂ©e on trouvera aussi dans les notes de son livre une bonne bibliographie) mais câest en mĂȘme temps pour lui lâoccasion de prĂ©ciser sa ou ses positions personnelles, de maniĂšre Ă la fois factuelle et argumentĂ©e. Le livre nâest pas polĂ©mique, il ne pratique pas lâinjure ni la dĂ©nonciation ou le dĂ©nigrement. Ce qui tient beaucoup Ă ce que Benjamin Stora Ă©voque Ă plusieurs reprises comme une attitude qui pourrait ĂȘtre sa dĂ©finition : plutĂŽt que dâexclure ou de renier, il ajoute, il additionne. Chez quelquâun qui sâest engagĂ© Ă ce point politiquement, lâabsence de sectarisme est si rare quâon en est presque surpris ! Il est Ă©vident que les constats accumulĂ©s des mĂ©faits voire des horreurs du stalinisme nây sont pas pour rien, Trotsky et les trotskistes ayant payĂ© cher le droit de les dĂ©noncer. De toute façon, Benjamin Stora rappelle fermement son attachement aux principes dĂ©mocratiques, qui explique dâailleurs son choix lorsquâil sâagit de savoir quel militant incarne le mieux Ă son grĂ© la cause de lâindĂ©pendance pour lâAlgĂ©rie. On comprend fort bien que ce soit Messali Hadj auquel il a consacrĂ© de nombreux travaux, dont un livre plusieurs fois rĂ©Ă©ditĂ©Â : « Messali Hadj, pionnier du nationalisme algĂ©rien »
Parmi les ajouts-sans-suppression, il explique comment le dĂ©sir de sâassimiler vite et pleinement Ă la France devenu son pays a pu entraĂźner, pendant les premiĂšres annĂ©es de son « adolescence française » un certain oubli , voire un rejet de lâAlgĂ©rie comme objet de souvenir, dâengagement ou de prĂ©occupation. Mais il faut croire que consciemment ou pas elle ne lâavait jamais quittĂ© car il y revient au moment de ce quâon pourrait appeler son entrĂ©e dans la vie, et bien avant donc quâil ne sâengage en tant quâhistorien dans lâĂ©criture de nombreux livres consacrĂ©s Ă ce pays. Le choix des dates, jusquâen 1972 et pas au-delĂ , explique quâil nâa pas Ă parler mĂȘme pour un survol de cette production dâune incroyable richesse, mais qui sans doute, dans les rĂ©flexions placĂ©es au cĆur de « LâarrivĂ©e », nâa pas encore sa place. En revanche lâun des sujets qui sây trouve traitĂ© avec une remarquable acuitĂ©, est au chapitre X celui qui sâintitule « La fiĂšvre de la politique ». La mĂ©thode de lâauteur est alors trĂšs inventive, il pratique une sorte dâobjectivitĂ© et de mise Ă distance de soi tout Ă fait remarquable, comme si « je » y Ă©tait un autre en mĂȘme temps quâun objet dâĂ©tude forcĂ©ment privilĂ©giĂ©. Et comme si Mai 68 avait Ă©tĂ© une sorte de rite de passage aprĂšs lequel ce nâest plus un adolescent qui sâexprime mais un adulte. Il ne parle pas autrement de lui-mĂȘme que du jeune hĂ©ros des « Quatre cents coups » de Truffaut, avec ni plus ni moins de proximitĂ©. Le moment de sa vie quâil semble prĂ©fĂ©rer est celui oĂč vers les 14-15ans, il Ă©tait un parmi les autres des gamins de Sartrouville.
Le ton qui caractĂ©rise ce retour sur soi est dĂ©sormais trouvĂ©, il est dâautant plus caractĂ©ristique quâil va Ă lâinverse de ce qui semble le plus frĂ©quent dans le travail de mĂ©moire oĂč lâintrospection favorise gĂ©nĂ©ralement lâexpression du Moi le plus intime. DâintimitĂ© ici il est point question, mĂȘme si le fait de retracer un itinĂ©raire intellectuel et politique nâexclut pas la sensibilitĂ©.
Benjamin Stora nous fait grĂące dâun discours sur lâidentitĂ© et nâemploie pas ce mot, sinon lorsquâil reproduit quatre de ses photos dites « dâidentité », de 1962 Ă 1972. Ătonnamment on croit le reconnaĂźtre davantage dans celle de 1962, plutĂŽt que dans le militant sombre et hirsute de 1972 !
Denise Brahimi
« LA SOURCE DES FANTĂMES », roman par Yamina Benahmed Daho, ed. LâarbalĂšte Gallimard, 2023
On est maintenant trĂšs habituĂ© Ă lire des rĂ©cits largement autobiographes inspirĂ©s Ă des Français(e)s originaires du Maghreb par leur vie en France, et les auteures en sont souvent des femmes, comme câest le cas ici. Ce fait nâen rend que plus remarquables les qualitĂ©s propres à « La source des fantĂŽmes » : dĂ©sormais son autrice est devenue Ă©crivaine Ă part entiĂšre, aprĂšs avoir Ă©tĂ© professeur de lettres, et Ă©crit quatre autres romans dans les dix derniĂšre annĂ©es.Quelles sont donc les qualitĂ©s que fait apparaĂźtre « La source des fantĂŽmes » ? On apprĂ©cie dâabord lâĂ©criture de ce livre, qui est trĂšs soignĂ©e. Manifestement lâauteure tient Ă une expression choisie et on se rend compte en la lisant quâelle a Ă©tĂ© dĂšs sa petite enfance trĂšs sensible non pas Ă la langue mais aux langues, puisquâelle a Ă©tĂ© au contact de plusieurs, mĂȘme si elle ne maĂźtrise personnellement que le français. Son pĂšre et sa mĂšre, qui sont les deux grandes figures du livre (dĂ©sormais disparues) ont vĂ©cu jusquâĂ lâĂąge adulte en AlgĂ©rie, ne parlant que lâarabe dialectal avant de venir en France. Son pĂšre, bien quâayant frĂ©quentĂ© lâarmĂ©e française pendant la guerre dâAlgĂ©rie en tant que harki, ne savait dâailleurs ni lire ni Ă©crire, a fortiori sa mĂšre, en sorte quâĂ©tant petite fille, elle entendait ses parents se parler dans une langue quâelle-mĂȘme ne connaissait pas ; non sans frustration, mais elle comprenait fort bien, intuitivement, le plaisir quâils en tiraient âquitte Ă ce que leur arabe dialectal soit mĂȘlĂ© de mots apportĂ©s par la colonisation.
La famille sâĂ©tait installĂ©e en VendĂ©e, dans une petite ville qui dans le livre sâappelle Fontayne et qui est en rĂ©alitĂ© Fontenay. Chacun Ă sa maniĂšre sây est imprĂ©gnĂ© peu Ă peu du patois local, souvent pour sâen amuser, mĂ©langeant allĂ©grement des mots de plusieurs origines. Pour les parents, par le simple fait dâune adaptation au milieu, et sans avoir Ă faire les efforts considĂ©rables que demande lâenseignement scolaire de la langue Ă©crite. Mais les enfants des Benali ont sans doute beaucoup appris aussi par la frĂ©quentation de leurs petits camarades français, dans ce mĂȘme lotissement oĂč ils Ă©taient les seuls immigrĂ©s parmi une dizaine dâautres familles.Le livre ne met pas lâaccent, comme beaucoup dâautres de sa catĂ©gorie sur cette cohabitation qui aurait pu ĂȘtre problĂ©matique mais ne semble pas lâavoir Ă©tĂ© pour eux. Naturellement les remarques et interjections de type raciste nâont pas manquĂ© lĂ pas plus quâailleurs mais pas au point dâinfliger un sort particulier Ă la famille Benali. Il est vrai que le pĂšre en impose par une sorte de prestance qui lui est naturelle et dont ses enfants bĂ©nĂ©ficient. En tout cas la petite fille qui est devenue la narratrice nâĂ©met aucune plainte sur ce quâelle aurait pu subir et sur ce quâelle a vĂ©cu : elle est dâailleurs trĂšs discrĂšte sur ce qui sâest passĂ© aprĂšs sa sortie de lâenfance, câest cette Ă©poque-lĂ quâelle privilĂ©gieâmais son habiletĂ© est de ne pas en parler dâun point de vue thĂ©matique, en tout cas pas seulement. Elle restitue ce quâon pourrait appeler la vision du monde dâune enfant, bien que ce mot paraisse trop ambitieux. Le mot vision est Ă prendre dâabord au sens propre, il sâagit dâune vision rapprochĂ©e et qui exclut Ă peu prĂšs tout environnement ; chaque figure est vue pour elle-mĂȘme, avec minutie, dâune maniĂšre qui frappe par sa justesse mais sans le recul quâil pourrait y avoir si la narratrice se plaçait du point de vue de lâadulte quâelle est devenue ; or il nâen est rien, globalement on ne trouve dans ce quâelle dit que des notations parfois malicieuses, et trĂšs avisĂ©es, mais pas de jugement.
Cependant la rĂ©flexion adulte existe aussi dans ce livre (bien quâil soit de petite taille), elle en est un autre aspect que lâauteure revendique sans rĂ©serve : elle se donne le droit Ă ses opinions dans les domaines politique et social et bien que sans militantisme elle sâengage clairement. Son Ă©vocation de Fontayne dans ces annĂ©es-lĂ , qui sont les derniĂšres dĂ©cennies du siĂšcle dernier, est en fait une analyse prĂ©cise et claire de la maniĂšre dont le nĂ©o-libĂ©ralisme y a fonctionnĂ©. Comme elle prend soin de lâexpliciter, ce nâest quâun cas parmi dâautres de la maniĂšre dont, en dĂ©pit de toute grĂšve, les entreprises ont licenciĂ© par centaines leurs ouvriers. Dans des villes de province petites ou moyennes, oĂč la vie Ă©conomique Ă©tait fondĂ©e sur leur travail, il sâest avĂ©rĂ© que ces fermetures brutales ont fait pĂ©ricliter tout le mode de vie antĂ©rieur et pour le dire plus clairement, câest la vie tout court qui a peu Ă peu disparu de ces lieux. Yamina Benahmed Daho a Ă©tĂ© tĂ©moin, dans son enfance et son adolescence, dâune transformation Ă©conomique et sociale de la France profonde (Fontayne en est un parfait exemple) qui sâest passĂ©e dans la plus totale indiffĂ©rence des pouvoirs en place. Pour ce qui la concerne, elle explique trĂšs bien que socialiste ou pas, elle nâest pas prĂȘte Ă oublier. Elle est comme on dit de la mouvance de gauche, ce qui peut se lire dans toutes ses rĂ©actions et notamment aussi Ă propos de la Guerre dâAlgĂ©rie. Sans Ă©ructations et presque mine de rien, elle fait comprendre que les ĂȘtres humains ne peuvent subir tant de violences sans en garder les traces. Ce sont des fantĂŽmes qui ne cessent de les accompagner.
Denise Brahimi
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« AFFREVILLE » par Claire Tencin, récit, ardemment éditions, 2023
Il se peut que le titre de ce rĂ©cit ne parle pas Ă ceux qui nâont pas eu lâoccasion de connaĂźtre cette modeste localitĂ© situĂ©e Ă lâouest dâAlger, sous le nom quâelle portait Ă lâĂ©poque de la colonisation. Lâauteure Claire Tencin a Ă©crit une premiĂšre mouture de ce texte en 2012 mais sous un autre titre beaucoup plus saisissant : « Je suis un hĂ©ros, jâai jamais tuĂ© un bougnoul ».Il est vrai que la formule Ă©tait violente et volontairement brutale, dâailleurs elle est encore employĂ©e dans la nouvelle version du rĂ©cit et mise par la narratrice dans la bouche de son pĂšre, qui est le personnage principal de lâhistoire. Ce dernier, gendarme, Ă©tait en poste Ă Affreville pendant la guerre dâAlgĂ©rie et la question qui hante le livre de Claire Tencin est de savoir si comme beaucoup dâautres combattants français pendant cette guerre, il a pratiquĂ© la torture aux dĂ©pens des AlgĂ©riens. Question lancinante qui peut faire penser au mot « affres » contenu dans Affreville, mĂȘme si cette connotation nâa rien Ă voir avec lâĂ©tymologie puisque Affreville vient du nom de Monseigneur Affre, archevĂȘche de Paris mort pendant la RĂ©volution de 1848. Les affres sont une sorte dâangoisse particuliĂšrement douloureuse, lâadjectif « affreux » est beaucoup plus courant, sans rien perdre de sa force pour autant.
Cette rĂ©flexion sur les mots voudrait dire dâemblĂ©e que ce petit livre, guĂšre plus dâune centaine de pages, est remarquable par la façon dont il est Ă©crit. On pourrait ĂȘtre tentĂ© de le rĂ©duire Ă son sujet, qui est historique : il y est question Ă peu prĂšs continĂ»ment de la torture et de son usage par lâarmĂ©e française pendant la guerre dâAlgĂ©rie. AprĂšs une pĂ©riode dâoccultation, les faits sont maintenant Ă peu prĂšs connus et reconnus, notamment grĂące au livre de RaphaĂ«lle Branche : « La torture et lâarmĂ©e pendant la guerre dâAlgĂ©rie1954-1962 » ( Gallimard 2001). Mais la maniĂšre dont ils sont abordĂ©s par Claire Tencin est tout Ă fait originale. La plus frĂ©quente consiste Ă montrer lâhorreur de la rĂ©pression infligĂ©e aux AlgĂ©riens soulevĂ©s contre lâoppression coloniale, et naturellement, il en est aussi beaucoup question dans « Affreville ». Mais lâaccent y est mis davantage sur lâautre des deux groupes qui sây trouve impliquĂ©, donc du cĂŽtĂ© français, comme ce fut le cas pour le pĂšre de la narratrice.
De celui-ci, il est doublement question, une premiĂšre fois pendant la guerre dâAlgĂ©rie, alors quâil est encore un tout jeune homme de 25 ans, dont lâenthousiasme et la gĂ©nĂ©rositĂ© nâont pas trop souffert semble-t-il de sa participation Ă la guerre prĂ©cĂ©dente, celle dâIndochine ; et une deuxiĂšme fois aprĂšs son retour en France en 1960, oĂč on le suit beaucoup plus longuement jusquâĂ sa mort, pendant une quarantaine dâannĂ©es. A dire vrai, on croit avoir affaire Ă deux personnages diffĂ©rents, comme si une rupture totale les sĂ©parait. Et câest exactement en ce point quâest le noeud du rĂ©cit, et le scandale que la narratrice dĂ©nonce en toute indignation, scandale insoutenable quâelle a Ă©tĂ© sa vie durant incapable dâaccepter. La guerre dâAlgĂ©rie a littĂ©ralement fait disparaĂźtre un homme, le jeune homme qui aurait dĂ» ĂȘtre son pĂšre et auquel un autre sâest substituĂ© aprĂšs sa naissance en 1963. AprĂšs quoi tout son travail a Ă©tĂ©, dĂ©sespĂ©rĂ©ment, de faire revenir le premier, en brisant lâĂ©corce du second, le gendarme français brutal, cynique et grossier. Certes, ses efforts pour que sâopĂšre la remontĂ©e des souvenirs ont fait renaĂźtre quelques traces du jeune homme dâavant 62, mais il Ă©tait trop tard pour que survive autre chose que des regrets. « Affreville » est la tragĂ©die dâun anĂ©antissement, le livre ouvre un trou bĂ©ant laissĂ© par la perte irremplaçable dâun ĂȘtre humain, il se creuse comme une affreuse solitude au sein du drame collectif quâa Ă©tĂ© la disparition des victimes torturĂ©es englouties par la guerre.La narratrice nâa pas pu connaĂźtre les Ă©vĂ©nements de cette guerre, puisque nĂ©e en 1963, mais une autre lâattendait dont le dĂ©but a coĂŻncidĂ© avec sa venue au monde. Cette guerre de 40 ans, il lui a fallu la vivre sous la domination familiale du pĂšre, jusquâĂ ce quâune crise cardiaque lâemporte, « sans vĂ©ritĂ© ni histoire Ă raconter », dans lâanonymat et lâindiffĂ©rence. A cette derniĂšre la fille nâa rien Ă opposer que son livre, qui est un cri. On ne peut rien lui comparer que le terrible tableau du peintre norvĂ©gien Munch, Ćuvre cĂ©lĂšbre qui porte justement ce titre « Le cri ».
Munch est mort 20 ans avant la naissance de Claire Tencin. Cette comparaison incite Ă parler, Ă propos dâ »Affreville », dâun rĂ©cit expressionniste, dont le but est dâexprimer la violence des Ă©motions telle que vĂ©cue en tout subjectivitĂ©. Cette derniĂšre ne supprime aucunement lâobjectivitĂ© des faits, ici ceux qui constituent la guerre dâAlgĂ©rie et que les historiens sâemploient Ă nous faire connaĂźtre de mieux en mieux. On voit parfaitement, dans le rĂ©cit de Claire Tencin, que la littĂ©rature crĂ©e une sorte de caisse de rĂ©sonance, permettant le renforcement de lâobjectif par le subjectif. Elle sâoppose aux Ă©chappatoires que se donne le dĂ©sir dâoubli.
Denise Brahimi
« TRAVERSEE PAR LES VENTS » par Habiba Djahnine, éditions Bruno Doucey, 2023
On ne sait sâil faut parler dâun recueil de poĂšmes ou plutĂŽt dâune sorte de coulĂ©e poĂ©tique sous 17 titres diffĂ©rents, servant Ă dĂ©signer des textes trĂšs courts, dont lâensemble fait Ă peine 75 pages, et dont plusieurs nâen ont pas plus de cinq pages ou mĂȘme trois. On sait bien cependant quâen matiĂšre de littĂ©rature, la longueur ne fait rien Ă lâaffaire, et surtout sâil sâagit de poĂ©sie. Cette poĂ©sie est personnelle sinon intime et lâon comprend vite que la personne du titre, « traversĂ©e par les vents » nâest autre que la poĂ©tesse et auteure du livre, mĂȘme sâil nây a pas Ă proprement parler de contenu autobiographique dans ses vers. Ce quâon sait dâelle par ailleurs permet dâidentifier lâĂ©preuve dont on sent bien quâelle est encore mal remise voire bouleversĂ©e, celle que lâAlgĂ©rie toute entiĂšre a traversĂ©e pendant la dĂ©cennie noire ; Habiba Dhahnine, nĂ©e en 1968, avait dĂ©jĂ plus dâune vingtaine dâannĂ©es quand la terreur a commencĂ©, et surtout elle a Ă©tĂ© trĂšs durement frappĂ©e par lâassassinat de sa sĆur en 1995 Ă Tizi-0uzou.
« Le mot « traversĂ©e » veut dire que ce cataclysme a fondu sur elle comme un orage, non sans la laisser marquĂ©e profondĂ©ment mĂȘme si elle est maintenant de lâautre cĂŽtĂ© âce nâest pas un sentiment de dĂ©livrance qui ressort de ce quâelle Ă©crit. LâinquiĂ©tude en elle reste immense et lâincertitude totale sur ce qui adviendra. Elle met beaucoup de soin Ă essayer de dĂ©finir ce quâil en est de ses sentiments prĂ©sents, entre espoir et dĂ©sespoir, pour ne dire les choses quâen deux mots seulement.
Lâimage du dĂ©sert et le dĂ©sir quâelle en a prennent la place principale dans sa poĂ©sie, et pour commencer par glissement entre les sens du mot « traversĂ©e » : on ne peut manquer dâavoir Ă lâesprit la traversĂ©e du dĂ©sert, au propre comme au figurĂ©. Les vents dont il est question dans son titre font partie du dĂ©sert, ils pourraient bien ĂȘtre sa principale qualitĂ© car ils apportent le mouvement et mĂȘme jusquâaux limites de lâenvol ; en cela ils sont opposĂ©s aux cauchemars qui enferment et que lâauteure redoutait dĂšs son enfance, avant mĂȘme que ne surviennent les terribles Ă©vĂ©nements.
Sa maĂźtrise en tant que poĂ©tesse apparaĂźt dans son aptitude Ă tout dire par la simple opposition de quelques mots. Pour nâen prendre quâun exemple, ce pourrait ĂȘtre tout ce quâelle parvient Ă exprimer, lorsquâelle dit choisir les barricades contre les barriĂšres : les premiĂšres signifient, trĂšs concrĂštement, le soulĂšvement du peuple militant, dont elle a fait partie en des manifestations multiples, tandis que les secondes sont un moyen dâenfermement ( y compris dans des concepts, des mots dâordre et des slogans).
On pourrait sâĂ©tonner que la Kabylie ne soit pas davantage prĂ©sente dans la poĂ©sie de Habiba Djahnine. En fait, tout vient de son exaltation de la libertĂ©, bien mieux reprĂ©sentĂ©e par lâespace illimitĂ© du dĂ©sert que par le cloisonnement montagneux. Le dĂ©sert quâelle Ă©voque est un lieu physique mais aussi symbolique, lieu des vents qui soulĂšvent et lieu dâune ouverture vers lâinfini, ou encore, pour employer un mot qui a Ă©tĂ© le point de dĂ©part de son poĂšme, lieu des rĂȘves quâelle valorise non sans dire que les siens ne peuvent ĂȘtre quâĂ sa propre mesure, câest-Ă -dire trop petits pour lâimmense AlgĂ©rie, son avenir sinon son prĂ©sent. Les rĂȘves sâopposent aux fantĂŽmes, ceux qui ont peuplĂ© le passĂ© mortifĂšre et dont lâinvasion redoutable continue Ă menacer. Câest pourquoi il faut les diluer dans lâespace du dĂ©sert.Elle sâinterroge sur le rĂȘve car elle le voudrait chargĂ© dâespĂ©rance, sans pourtant ĂȘtre sĂ»re de rien, mais pour y croire, loin de se jeter dans un infini abstrait, câest au contraire Ă une sorte de noyau primitif, intime et concret, quâelle revient grĂące au souvenir, qui nous vaut lâune des plus belles strophes de son poĂšme : lâheure matinale du cafĂ© quâelle prenait avec son pĂšre :
Le matin entre Ă©veil et sommeil perdu/ je raconte mes rĂȘves Ă mon pĂšre/ Il mâĂ©coute en faisant griller le pain/ Il remplit la coupelle dâhuile dâolive/ Il me sert un cafĂ©/ Il me dit câest un bon prĂ©sage(âŠ) pour croire encore croire que les espĂ©rances sont aussi belles/ comme une aube en compagnie du pĂšre.
Les rĂȘves maintenant dĂ©bouchent sur une terre inconnue ; Ă lâopposĂ© du cafĂ© matinal est venue prendre place une interminable attente qui pour la militante humaniste quâelle est, Ă©voque celle des migrantsâ encore une traversĂ©e, meurtriĂšre celle-lĂ , pour qui comme elle le dit en mots forts, la MĂ©diterranĂ©e nâest pas bleue mais rouge sang.
Comme pour eux mais dâune autre maniĂšre, sa vie ne peut ĂȘtre quâune vie dâerrance, mais alors que pour eux, celle-ci est la recherche dâune terre rĂ©elle, pour elle lâexil est un dĂ©part Ă la rencontre dâun « autre soi ».
Le poĂšme dâHabiba Djahnine ne cesse dâosciller entre la terrible conviction, fondĂ©e sur la noirceur dâun passĂ© encore rĂ©cent, que les efforts prĂ©sents sont vouĂ©s Ă lâĂ©chec , et le sentiment dâun « ailleurs possible » liĂ© aux aubes encore renaissantes, ainsi quâĂ la prĂ©sence rĂ©elle dâun monde simple et concret : il faut savoir cueillir ou accepter lâorange douce-amĂšre, et mĂ©riter la figue de barbarie en la sortant de ses Ă©pines. Le dĂ©sert est le lieu de lâerrance et de la solitude, mais il nâest pas interdit dây chercher une issue.
Ambiguïté du désert, il est le lieu du silence, et pourtant il faut entendre son cri.
Denise Brahimi
« UNE FAROUCHE LIBERTE GisÚle Halimi, la cause des femmes » par Annick Cojean, Sophie Couturier, Sandrine Revel, Myriam Lavialle, 2022 Editions Grasset Steinkis
« GISELE HALIMI, une jeunesse tunisienne » Par Danielle Masse et Sylvain Dorange, 2022 Editions Delcourt/Masse/Dorange
« GISELE HALIMI LâINSOUMISE avocate pour changer le monde » par Jean-Yves Le Naour et Marko 2023 Editions Dunodgraphic
Trois albums de bandes dessinĂ©es, plus ou moins inspirĂ©s dâ « Une farouche liberté », de GisĂšle Halimi et Annick Cojean (voir Lettre 48), de son livre « Fritna » chez Pocket Ă©ditions et probablement du « Lait de lâOranger » (Gallimard) câest exceptionnel et cela illustre (!) la place quâon veut donner au parcours et aux combats de cette femme hors du commun. On peut y ajouter « Halimi Ă la plage » biographie illustrĂ©e de Jean-Yves Le Naour et Catherine Valenti (Dunod 2022). Bien sĂ»r, ces biographies, ou plutĂŽt trois versions de ses autobiographies et sont autant de plaidoiries Ă dĂ©charge, et on y chercherait en vain la trace de critiques ou de prises de distances. Mais quâimporte ! Des critiques fĂ©roces nâont pas manquĂ© tout au long de la vie et de la carriĂšre de Zeiza GisĂšle Taieb, et mĂȘme des agressions, des injures et des menaces. Et pas seulement de ses ennemis et de ses adversaires⊠On les retrouve, plus ou moins dĂ©taillĂ©es au fil de ces albums, ce qui met en valeur le courage et lâextraordinaire intrĂ©piditĂ© de cette femme pour aller « au front » pour dĂ©fendre des principes quâelle semble sâĂȘtre forgĂ©s seule, dans une certaine continuitĂ©, mais en puisant ici ou lĂ de quoi les nourrir (comme chez son oncle Jacques, communiste athĂ©e, honni de sa mĂšre, ou bien plus tard chez Simone de BeauvoirâŠ).
Trois regards portĂ©s sur ce parcours impressionnant, trois styles de rĂ©cit, trois styles de bande dessinĂ©e.Commençons par la plus touchante, celle sur lâenfance tunisienne de Zeiza GisĂšle. La scĂ©nariste DaniĂšle Masse a choisi de sâen tenir Ă la construction de la personnalitĂ© de GisĂšle, que sa naissance Ă La Goulette ne destinait pas Ă lâĂ©vidence Ă la carriĂšre quâelle a embrassĂ©e.
Son pĂšre, Edouard Taieb est juif berbĂšre, assez peu religieux, employĂ© aux Ă©critures dans un office notarial. Il a Ă©tĂ© naturalisĂ© français quand sa fille avait 3 ans, la rendant donc française ainsi que sa mĂšre et ses frĂšres et sĆurs. Sa mĂšre, FortunĂ©e Fritna, descend des juifs dâAndalousie. Fille de rabbin, elle est est beaucoup plus soucieuse des rituels religieux, porte ses fils au pinacle, et rĂ©duit ses filles Ă les servir, ce qui rĂ©volte GisĂšle. Elle souffrira toute sa vie du manque dâamour de sa mĂšre Ă son Ă©gard, mal compensĂ© par lâaffection admirative de son pĂšre. Et elle attribuera en partie son parcours Ă une sorte de revanche et de refus de lâassignation Ă un rĂŽle de dominĂ©e que sa mĂšre a voulu transmettre.
Cet album est le plus dĂ©taillĂ© sur le dĂ©but de la vie de GisĂšle, fourmillant dâanecdotes savoureuses et souvent touchantes, et avec un souci documentaire qui le distingue. Le dessin et la colorisation de lâalbum nous font vivre concrĂštement dans lâunivers de La Goulette, de Carthage, de Tunis, lâanimation des rues. Il est donnĂ© vie Ă de nombreux personnages, grand-pĂšre, parents, amies, qui jalonnent le dĂ©but de lâexistence de lâhĂ©roĂŻne. Vie et mort aussi comme celle dramatique du petit frĂšre AndrĂ© qui causera le dĂ©mĂ©nagement de La Goulette. Mort de Babah, le grand-pĂšre qui lui raconte lâĂ©popĂ©e de la Kahina, des berbĂšres qui peuplent le nord de lâAfrique, en citant Ibn Khaldoun. La cĂ©rĂ©monie de la veille et de la levĂ©e du corps est minutieusement dĂ©crite, y compris lâinterpellation Ă Dieu de la petite fille pour faire revenir Babah, au scandale de sa mĂšre qui la renvoie avec les femmes⊠La confrontation de GisĂšle avec Dieu est frĂ©quente, bravant les interdits maternels. Elle le met Ă lâĂ©preuve en nâembrassant pas la mezouza le jour dâune composition de français, quâelle remporte pourtant haut la main. Il y est racontĂ© combien elle a longtemps souffert dâĂ©nurĂ©sie, Ă la grande fureur de sa mĂšre, au point dâavoir souhaitĂ© se suicider pour enfin en ĂȘtre aimĂ©e, les comprimĂ©s dâaspirine nâayant rĂ©ussi quâĂ provoquer des nausĂ©es.
EntrĂ©e au lycĂ©e, elle observe que les lycĂ©ennes arabes sont devenues trĂšs minoritaires. La montĂ©e en puissance de Bourguiba et du nĂ©o Destour, critiquĂ© par ses parents, reçoit son soutien, du haut de ses onze ans, inspirĂ©e par ses amies arabes et son oncle communiste. « Ils ont raison de crier La Tunisie aux Tunisiens ! ». Elle sâagace de voir sa mĂšre quĂ©mander quelques sous Ă son mari pour entretenir sa famille. Elle se rĂ©volte contre le statut de privilĂ©giĂ© de Marcello, son frĂšre aĂźnĂ©, malgrĂ© sa paresse et des rĂ©sultats scolaires dĂ©plorables. Elle mĂšne des combats familiaux gagnants pour obtenir de ne plus servir ses frĂšres, ou le droit de lire autant quâelle le veut.
En 1941 les mesures antijuives de Vichy sâĂ©tendent au Protectorat. Câest aussi le moment de ses premiĂšres rĂšgles, que sa mĂšre oblige Ă cacher, et qui lui valent de devoir limiter sa frĂ©quentation des garçons, sans autre explication⊠Elle commence Ă assister aux rĂ©unions du Parti Communiste, vend lâAvenir social journal communiste tunisien, Ă la grande fureur de son pĂšre. Viennent aussi les premiĂšres tractations pour tenter de la marier Ă de riches partis⊠Dans ses mĂ©moires, nulle trace dâune acceptation, mais certains indices font penser quâelle a acceptĂ© une union trĂšs courte avec un certain monsieur Raymond Zemmour, Ă la fin des annĂ©es quarante. MystĂšre sur cet Ă©pisode.
Bac en poche avec mention trĂšs bien, elle fait le siĂšge de la rĂ©sidence gĂ©nĂ©rale pour un laisser passer afin dâaller Ă©tudier le droit Ă Paris. Elle lâobtient au bout dâun mois et demie. Elle embarque dans un avion militaire, Ă la grande tristesse de son pĂšre. Lâalbum se termine sur cette image, suivie dâun texte de Danielle Masse rĂ©sumant le reste de sa vie.
Sa vie de femme, sa carriĂšre dâavocate, ses combats, on les trouve dans les deux autres albums.
Celui de Jean-Yves Le Naour et Marko, fondĂ© sur le Livre de Le Naour « Halimi Ă la plage » a un ton dâĂ©popĂ©e, des dessins minimalistes, parfois symboliques, comme la transformation en cochons des violeurs du procĂšs dâAix en Provence. Il est trĂšs prĂ©cis et dĂ©taillĂ© sur les diffĂ©rents Ă©pisodes de la vie de lâavocate, les premier procĂšs en Tunisie, lâapprentissage, un procĂšs avec une sonde dâavortement dans le ventre qui lui vaut un Ă©vanouissement, son mariage avec Paul Halimi, dont elle gardera le nom, ses fils Jean-Yves et Serge, son divorce, puis lâAlgĂ©rie, les accusĂ©s du massacre dâEl Halia quâaucun avocat dâAlgĂ©rie ne veut dĂ©fendre quâelle et son confrĂšre LĂ©o Matarasso parviendront Ă sauver, obtenant la cassation du jugement Ă charge de Philippeville, BadĂšche Ben Hamdi, accusĂ© sans preuves de lâassassinat du maire de Boufarik, Frauger, quâelle ne sauvera pas de la guillotine ; les dĂ©marches demandant la grĂące auprĂšs du pathĂ©tique prĂ©sident Coty, les dossiers du FLN qui lui valent de multiples menaces de mort, un temps de dĂ©tention au moment du 13 mai 1958, puis les demandes de grĂące Ă De Gaulle, obtenues par les 2 condamnĂ©s dâEl Halia, la rencontre de Simone de Beauvoir et Jean-Paul Sartre, celle de Claude Faux le secrĂ©taire de ce dernier, qui devient son grand amour⊠Enfin le fameux procĂšs de Djamila Boupacha, son premier procĂšs usant tout les moyens de la pression politique, article de de Beauvoir, pĂ©titions de personnalitĂ©s dĂ©nonçant la torture et le viol pratiquĂ©s sur lâaccusĂ©e. Le cessez le feu du 19 mars 1962 sauvera Boupacha , mais elle ne parvint pas Ă lui permettre des Ă©tudes en France, le FLN la kidnappant en accusant GisĂšle dâopĂ©ration publicitaireâŠ
Claude Faux parvient Ă la convaincre de lâĂ©pouser (un goy dans la famille ! dit sa mĂšre), et dâavoir un enfant avec lui, le petit Emmanuel â pas de fille pour cette fĂ©ministe viscĂ©raleâŠ
Puis ses combats dans le sillage de Sartre-de Beauvoir lâemmĂšnent en Espagne, au Viet Nam, au Chili⊠Quelques candidatures aux Ă©lections, et les grands combats pour lĂ©galiser lâavortement (le manifeste des 343, la crĂ©ation de Choisir, les procĂšs de Bobigny, le combat pour une loi de lĂ©galisation, la rupture avec de Beauvoir et le MLF, les retrouvailles avec Simone Veil connue lors du procĂšs de Boupacha, et son soutien Ă la loi Veil, malgrĂ© les limites quâelle y critique.
Puis le combat contre le viol, le procĂšs dâAix en Provence, les menaces et les insultes, la campagne Ă©lectorale de Choisir pour obtenir une nouvelle l égislation, belle campagne, mais piĂštre rĂ©sultat. AprĂšs lâĂ©lection de François Mitterrand elle se laisse convaincre de se prĂ©senter Ă Voiron, oĂč elle est Ă©lue. Mais doit ensuite enregistrer les dĂ©sillusions en marge du groupe socialiste, ce qui lâamĂšne Ă dĂ©missionner, acceptant temporairement une ambassade auprĂšs de lâUNESCO.
Viendront ensuite les batailles pour la paritĂ© Ă lâAssemblĂ©e oĂč elle cĂŽtoie⊠Roselyne Bachelot, celle pour la clause de lâEuropĂ©enne la plus favorisĂ©eâŠ
Le troisiĂšme album, Une farouche libertĂ© est sans doute le plus autobiographique. Câest GisĂšle elle-mĂȘme, devenue une trĂšs vieille dame, qui en fait la narration. Le dessin de Sandrine Revel est le plus rĂ©aliste, illustrant efficacement le rĂ©cit qui recourt frĂ©quemment Ă la citation issue du livre cosignĂ© avec Annick Cojean. Certains Ă©pisodes sont ici plus dĂ©taillĂ©s comme la rencontre avec Claude Faux, le procĂšs de Bobigny. On retrouve dans les deux livres les rendez-vous discrets dans des « bistrots moches » avec Simone Veil oĂč la Ministre de la SantĂ© peut « sâen griller une » sans risquer une mise en contradiction publique avec les campagnes antitabac.
Les derniĂšres pages sont trĂšs belles, oĂč la vieille dame « transmet le flambeau » Ă de jeunes disciples allongĂ©s autour dâelle dans une prairie. « Nâayez pas peur de vous dire FEMINISTES ! Câest un mot magnifique, vous savez. Câest un combat valeureux qui nâa jamais versĂ© le sang ».
La lecture de ces trois bandes dessinĂ©es laisse le lecteur fascinĂ© par cette trajectoire dĂ©terminĂ©e, guidĂ©e par une conviction sans faille acquise trĂšs jeune pour lâĂ©galitĂ© et la justice pour les femmes.
A faire lire aux jeunes générations.
Michel Wilson
« LE GANG DU BOIS DU TEMPLE », film de Rabah Ameur-ZaimÚche, 2023
Ce film appartient Ă plusieurs genres, ce qui veut dire quâil crĂ©e le sien propre, donnant ainsi une impression agrĂ©able de diffĂ©rence et de nouveautĂ©. GĂ©ographiquement, il appartient aux films de banlieue, son nom Ă©voque un quartier de Clichy-sous-bois, aujourdâhui disparu. Il comporte un braquage, montrĂ© trĂšs rapidement, on oserait dire vite expĂ©diĂ©, de maniĂšre Ă faire comprendre que ces faits-lĂ ne sont pas ce qui intĂ©resse le rĂ©alisateur, pas plus que la prison qui sâensuit pour lâun des braqueurs en tout cas. Manifestement le film malgrĂ© sa longueur (presque deux heures) ne cherche pas Ă dĂ©crire avec prĂ©cision ce qui se passe dans certaines banlieues populaires, de maniĂšre Ă enrichir les connaissances du public Ă cet Ă©gard, et sa longueur est au contraire le moyen de faire dĂ©vier son contenu par rapport Ă son supposĂ© objet. On dirait presque que câest un jeu, de la part du rĂ©alisateur, que de lancer le spectateur sur des pistes quâil reste libre de suivre ou pas.
CĂŽtĂ© personnages, on a affaire Ă un groupe de garçons de banlieue, dont un seul est pourvu dâune femme et de deux adorables enfants, qui ne ressemblent sĂ»rement pas Ă de futurs voyous . Le mot gang, pour se dĂ©signer, est peut-ĂȘtre choisi par eux-mĂȘmes avec un brin dâhumour et de dĂ©rision. Certes ils sont tout prĂȘts Ă monter, et mĂȘme minutieusement, un coup qui leur rapporterait beaucoup ; pour autant, on ne pense pas forcĂ©ment en les voyant Ă les dĂ©signer comme gangsters, un mot qui paraĂźt beaucoup trop fort et beaucoup trop violent pour leurs maniĂšres dĂ©pourvues de cruautĂ©. On a plutĂŽt envie de voir en eux de gentils garçons dâun naturel amical et sociable, certes prĂȘts Ă jouer le jeu du banditisme souvent dĂ©crit mais dans lâĂ©pisode qui nous est montrĂ©, ils semblent beaucoup plus soucieux de moralitĂ© que les personnages auxquels ils sâen prennent. Ceux-ci sont en revanche de trĂšs grands voyous dâenvergure internationale, riches parmi les riches dâArabie saoudite ou des Emirats qui en imposent par des allures de grand seigneurs appartenant Ă lâĂ©lite sociale. Les petits gars du gang sont vraiment naĂŻfs de croire quâils pourront faire le poids contre de tels adversaires, et marquer un point contre eux. Il est vrai que dans un premier temps, le coup semble rĂ©ussi : câest Ă peine sâils osent y croire eux-mĂȘmes et ils sont fous de joie Ă lâidĂ©e de pouvoir rĂ©aliser leurs rĂȘves dâenfant. Mais la riposte ne va pas tarder, et malgrĂ© les valises de billets dont ils ont rĂ©ussi Ă sâemparer, ils ne vont pas loin avant de se faire prendre, non certes par la police mais par les redoutables et tout-puissants seigneurs auxquels ils ont Ă©tourdiment oser sâattaquer. Cela pourrait suffire Ă faire un film, qui trouverait lĂ sa conclusion et comme on dirait pour une fable ou un rĂ©cit sa moraleâbien peu morale Ă dire vrai mais rĂ©aliste et dĂ©sabusĂ©e : petits gangsters, nâessayez pas de jouer dans la cour des grands car ils vous mangeront. La lutte des classes passe aussi par lĂ , implacable ici comme ailleurs, elle est illustrĂ©e par ce qui pourrait ĂȘtre le dĂ©nouement du film : le jeune aspirant gangster, nĂ©anmoins pĂšre de famille et amoureux passionnĂ© de sa jeune Ă©pouse, est abattu fĂ©rocement dans la cour de la prison Ă lâheure de la promenadeâinutile de se demander pourquoi ni comment, on lâa vu brĂ»ler avec rage et dĂ©sespoir lâune des valises volĂ©es aux Emiratis, qui contenait de trĂšs prĂ©cieux documents (dont nous ne saurons rien mais quâimporte, ce nâest pas le sujet).
Cependant le rĂ©alisateur nâa pas envie dâen rester lĂ Â , manifestement il est du cĂŽtĂ© des petits, ce qui veut dire aussi du cĂŽtĂ© des enfants ; il sâest attachĂ© Ă deux dâentre eux et il lui faut inventer un moyen pour quâils soient sauvĂ©s. Or ils ont sans le savoir tout prĂšs dâeux un ange protecteur dâune Ă©trange sorte. Cet ancien militaire qui fut en son temps mercenaire au service des causes les plus brĂ»lantes, est devenu gardien dâimmeuble dans cette citĂ© qui nous a Ă©tĂ© prĂ©sentĂ©e longuement au dĂ©but du film ; câest un homme un peu Ă©nigmatique adonnĂ© au pastis et Ă lâobservation de ses semblables. De ses aventures passĂ©es et de sa carriĂšre sur laquelle il reste fort discret, il a gardĂ© dans ses placards un armement impressionnant qui va lui permettre de liquider sans bavure et presque sans bruit lâĂ©mirati supposĂ© invincible. Ainsi revient, au moins provisoirement, la paix des citĂ©s, non sans dĂ©gĂąts collatĂ©raux. Ce bilan pourrait rendre la fable un peu noire, mais le rĂ©alisateur ne sây attarde pas, pas plus que sur le rouge du sang versĂ©. Comprenons bien, une fois pour toutes, que ce nâest pas son sujet.
Bien plus remarquable est la fantaisie dont il fait preuve, par exemple lorsquâil montre de maniĂšre inattendue, en la personne de lâodieux Ă©mirati, un remarquable danseur qui Ă©blouit les braves petits gangsters du quartier âmais que ne sâen tient-il Ă cette excellence ! Cette danse est sans doute son espace de libertĂ©, les autres personnages ont aussi le leur, liĂ© Ă lâinnocuitĂ© de leurs divertissements : on peut ĂȘtre aspirant- voyou et nourrir gentiment les pigeons.
Cette libertĂ© de ton caractĂ©rise lâensemble du film, confirmant lâimpression que lâimprĂ©visible rĂ©alisateur se veut dâabord bon conteur, Ă©chappant pour cela Ă tout enfermement. Celui qui est la marque des films dâaction, policiers principalement, est lâenfermement rigoureux dans le temps qui leur est imposĂ©Â ; et câest contre lui que rĂ©sistent « les bois du temple », jusquâĂ la provocation. Des scĂšnes apparemment vides y sont prolongĂ©es sans vergogne, sans quâil sâagisse toujours de « suspenses » dĂ©bouchant de maniĂšre (trop) attendue sur un Ă©vĂ©nement. Non, ce nâest pas lâintrigue qui commande, elle nâa pas tous les droits.
La contemplation, le temps qui dure et ses lentes dĂ©rives sont un but en soi. Ne nous privons surtout pas de ce qui se passe, ou ne se passe pas, dans les Ă -cĂŽtĂ©s de lâintrigue, gardons le temps de regarder au balcon ou de papoter entre copains, sans oublier pastis ni pigeons.
Denise Brahimi
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Et toujours ces deux films sur la richesse de la vie associative algérienne que nous vous invitons à visionner.
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de Bahia Bencheikh-EL-Feggoun
Cliquez ici pour voir le film et le mot de passe utilesjoussour
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âEntre nos mains
de Leila Saadna
Cliquez ici pour voir le film, puis mot de passe utilesjoussour
Et sa bande-annonce, cliquez ici
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NOTES DE PRESENTATION
« UN SIECLE DE LITTERATURE EN TUNISIE 1900-2017 » par Samia Kassab-Charfi et Adel Khedher, éditeur Honoré Champion, 2019
Ce livre est une somme dâinformations. Bien quâil soit paru depuis quelques annĂ©es dĂ©jĂ , il reprend en cette fin dâannĂ©e 2023 toute son actualitĂ© du fait que la Tunisie est le pays invitĂ© au Maghreb des livres en novembre Ă Paris.
Le champ de recherche des deux auteurs commence avec le 20e siĂšcle et va jusquâaux deux premiĂšres dĂ©cennies du 21e. Lâaccent est mis sur la diversitĂ© des langues qui, de longue date, fait la richesse de ce pays. De maniĂšre non problĂ©matique semble-t-il, il est tout Ă fait bilingue, en sorte quâon voit alterner dans le livre les chapitres consacrĂ©s Ă la littĂ©rature en arabe et ceux du domaine francophone. Sans que dâautres soient oubliĂ©s, par exemple la littĂ©rature italienne et la littĂ©rature judĂ©o-tunisienne. Pour chacun de ces domaines linguistiques, le livre fait place aux diffĂ©rents genres qui y sont reprĂ©sentĂ©s, ce qui permet de faire certaines remarques. La poĂ©sie est mise Ă la premiĂšre place par les auteurs alors que dans de nombreux pays, occidentaux en tout cas, câest le genre romanesque qui lâemporte sur tous les autres. Dans le domaine arabe, on constate lâimportance tenue par lâessai comme genre, au point quâun chapitre entier lui est consacrĂ©, ce qui nâest pas le cas pour la littĂ©rature en français. Il semble quâon puisse observer la mĂȘme diffĂ©rence pour le genre thĂ©Ăątral. Les auteurs disent dâailleurs leur volontĂ© de ne pas enfermer leur riche matĂ©riau dans des catĂ©gories trop strictes et cherchent davantage Ă montrer la richesse des Ă©changes au sein de ce riche patrimoine littĂ©raire, dont ils pensent quâil est encore aujourdâhui sous-estimĂ©, au sein de lâensemble des littĂ©ratures maghrĂ©bines. Ils ont eu lâexcellente idĂ©e de vouloir donner quelques preuves Ă lâappui de leur enthousiasme et de leur admiration, pour les faire partager par les lecteurs. Câest pourquoi ils ont ajoutĂ© Ă leurs analyses des genres et des auteurs une « anthologie sĂ©lective » qui ne fait pas moins dâune centaine de pages et qui permet dâintĂ©ressantes dĂ©couvertes. Dâautant quâelle sâaccompagne dâune bibliographie elle aussi sĂ©lective nĂ©anmoins prĂ©cieuse.
Les auteurs ne cherchent nullement Ă raccorder les deux littĂ©ratures en arabe et en français, qui Ă bien des Ă©gards ont suivi leurs chemins propres, mais ils traitent de lâune et de lâautre avec une mĂȘme attitude trĂšs apprĂ©ciable : ils ne sâen tiennent pas Ă une histoire littĂ©raire Ă©rudite Ă base de titres et de noms mais ils assortissent les uns et les autres de commentaires sensibles, qui relĂšvent de lâanalyse littĂ©raire. Le livre comportant de nombreuses rĂ©fĂ©rences historiques, il est un enrichissement apportĂ© Ă lâhistoire culturelle du 20e siĂšcle vue du point de vue de la place de choix quây occupe la Tunisie.
Denise Brahimi
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Mohammad Sabaaneh Ă Lyon
Le dessinateur palestinien de presse et de BD Ă©tait en visite Ă Lyon ce mois de septembre 2023 Ă lâoccasion dâune tournĂ©e en France pour la prĂ©sentation de son livre « Je ne partirai pas »aux Ă©ditions Alifbata. Il rĂ©side Ă Ramallah.Sa venue sâest faite en partenariat avec ERAP : Echanges RhĂŽne-Alpes Auvergne Palestine. A Lyon, aprĂšs une sĂ©ance de signatures Ă la Librairie La BD, ses oeuvres ont Ă©tĂ© exposĂ©es Ă lâIFCM : Institut français de culture musulmane ; lâexposition Ă©tait accompagnĂ©e dâune confĂ©rence qui a rassemblĂ© plus de 80 personnes. Lâexposition a ensuite Ă©tĂ© prĂ©sentĂ©e en divers lieux de VĂ©nissieux, en prĂ©sence de lâartiste le 11 septembre, oĂč elle a rencontrĂ© dâautres publics, qui ont pu apprĂ©cier le talent de cet artiste Ă la personnalitĂ© attachante, mĂȘlant douceur et courage.
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- 3 octobre Ă Lyon 19h19 au ThĂ©Ăątre AstrĂ©e (Lyon 1, Campus de la Doua) « MEMOIRES COLLECTEES » sur la guerre dâAlgĂ©rie, par la compagnie lyonnaise Collectif 81% .
- 12 octobre Ă 18h30 Ă lâIFCM de Lyon, projection du film « LE RETOUR » de SaĂŻd Oulmi, en prĂ©sence du rĂ©alisateur
- Du 13 au 15 octobre Ă Perpignan, AssemblĂ©e GĂ©nĂ©rale de lâAssociation Nationale des Pieds-noirs progressistes et leurs amis (ANPNPA), avec confĂ©rences, expositionâŠ
- Les 28 et 29 octobre Ă lâHĂŽtel de Ville de Paris, MAGHREB DES LIVRES organisĂ© par lâassociation Coup de Soleil
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