« LES PROPHETES DU 7ème ART », magazine L’Obs (article pp. 32-34) du 7 au 13 mars 2019
L’importance prise par la mobilisation des Algériens pendant la période pré-électorale qu’ils vivent actuellement incite la presse française à mener et à publier des enquêtes plus fouillées qu’à l’ordinaire. La participation des cinéastes aux mouvements en cours est un sujet tout à fait intéressant, traité par la journaliste Nathalie Funès, qui complète et précise ce que nous avaient fait pressentir certains films récents, pour la plupart objets de chronique dans La Lettre de Coup de soleil, en sorte que les noms de plusieurs de ces cinéastes sont peut-être connus de nos lecteurs. De toute manière et pour dire les choses d’une autre façon, il y a déjà longtemps que ce ne sont plus des inconnus, dans un métier où il faut pourtant beaucoup e temps avant de se faire un nom.
Le premier trait qui frappe est qu’il s’agit d’un phénomène générationnel, la plupart d’entre eux appartenant à une génération qui a entre 40 et 50 ans. Pour le dire en toute précision, cette tranche d’âge va de 40 ans, s’agissant de Sofia Djama réalisatrice des Bienheureux (2017), un film de fiction qui a eu beaucoup de succès, à 53 ans, l’âge de Malek Bensmaïl, auteur de nombreux documentaires très approfondis sur la vie actuelle en Algérie, notamment celui qui s’intitule Contrepouvoirs (2015) et qui montre au travail les journalistes du quotidien El Watan (=« La Nation »). Deux autres exemples non moins importants confirment l’appartenance à cette même génération, celui de Karim Moussaoui qui a 43 ans et qui s’est fait connaître récemment comme réalisateur de En attendant les hirondelles (2017), et Lyes Salem âgé de 45 ans, sans doute le plus populaire parce qu’il s’appuie sur effets comiques pour séduire un vaste public ; on peut citer de lui L’Oranais (2014) ou encore le plus ancien Mascarades (2008).
D’ailleurs tous ces cinéastes, car aux réalisateurs se joignent à l’occasion acteurs et techniciens, sont très conscients d’appartenir à un même mouvement tant il est vrai que c’est toujours en se groupant qu’on peut acquérir plus d’efficacité. Pour donner un corps et un nom au groupe qu’ils constituent, ils ont créé le CRAC, Collectif pour un renouveau algérien du cinéma. Le seul mot de renouveau, dans un pays comme l’Algérie est une prise de position qu’il faudrait pouvoir appeler une prise d’opposition, tant il est vrai que l’immobilisme et la perpétuation du même sont la seule politique officielle. Et point n’est besoin d’insister sur le fait que ce « renouveau »est très exactement ce que signifie le refus catégorique du 5eMandat.
Il est certain que les œuvres de ces réalisateurs sont maintenant connues à l’échelon international et ont été primées en différents lieux hors de l’Algérie . Mais l’actualité la plus brûlante et la plus urgente fait que leur signification éclate aujourd’hui sans réserve dans le contexte algérien et l’éclaire de toute la lumière que la « lanterne magique », mieux que tout autre, est capable de dispenser.
Denise Brahimi
(extrait de la Lettre culturelle franco-maghrébine N° 32, avril 2019, Coup de Soleil Lyon)