Michel Cornaton, Nelly Forget, François Marquis La guerre d’Algérie, ethnologues de l’ombre et de la lumière, 2015, L’Harmattan- Histoires et perspectives méditerranéennes, 118 p.

photo de couverture: Germaine Tillion en travail de terrain, Aures 1934-1940

photo de couverture: Germaine Tillion en travail de terrain, Aures 1934-1940s,

Livre dédicacé par les auteurs au Maghreb des livres 2016, où il a été présenté au cours du Café littéraire « Histoires singulières en guerre d’Algérie » animé par Yves Chemla.

Pour l’essentiel, une étude sur les activités maghrébines de Germaine Tillion. On sait que de ses travaux d’ethnologie dans l’Aurès (1934-1940) elle n’a tiré que fort peu de publications : la résistance, puis la déportation l’en ont empêché. Les documents analysés par Nelly Forget concernent essentiellement la création, menée à partir de la fin de 1954, du Service des centres sociaux. Avec l’appui de cet autre ethnologue qu’est Jacques Soustelle, gouverneur général de l’Algérie, Germaine Tillion met en place ces cellules d’éducation populaire, principalement dans des bidonvilles, car son constat de 1954 est que l’Algérie souffre d’une dramatique « clochardisation ». Le but de chaque Centre est de porter assistance à une collectivité de 6000 personnes : scolarisation en urgence des enfants, mais aussi alphabétisation des adultes des deux sexes, assistance médicale et formation professionnelle. « 120 centres construits [donc un service rendu à quelque 720 000 personnes ? la taille et la longévité de chaque Centre a été bien sûr fort variable et les archives de cette administration atypique n’ont pas été retrouvées], un millier d’agents en activité »… Il est significatif que le FLN ait fort peu critiqué ce travail et surtout ne se soit pas attaqué physiquement à ces centres, dont Germaine Tillion avait réussi à ce qu’ils dépendent de l’Education nationale française, administration gérée essentiellement depuis Paris avec peu d’intervention des autorités locales. Dans l’immense effort de « modernisation » mené par la France au cours des 8 ans de guerre civile, c’est sans doute le plus efficace et le moins contesté, même si on est resté loin des 1000 centres prévus… En comparaison, l’effort d’encadrement des populations par l’armée a été la création de quelque 700 SAS (sections d’administration spécialisée) en zones rurales, contrôlant théoriquement plusieurs millions de ruraux http://alger-mexico-tunis.fr/?p=780 . A l’indépendance les personnels français des Centres sociaux quittent l’Algérie, les personnels algériens sont reconvertis dans des tâches de haute administration, bien peu restant au service d’une éducation populaire ou de foyers de jeunes qui ne sont pas une priorité du gouvernement algérien.