Birnbaum Jean La religion des faibles, ce que le djihadisme dit de nous, Seuil, 2018, 275 p.

L’incompréhension des radicalisations religieuses remonte au moins à la prise de pouvoir de Khomeini en Iran en 1979, suivie de l’affaire Salman Rushdi, de la décennie noire d’Algérie (années 1990…), puis  2001 à New York et la suite en Europe et au Moyen Orient. Pour bien des analystes « progressistes », les djihadistes sont réduits à un non-être, comme l’occident lui-même. Pour le montrer, Birnbaum épluche Alain Badiou, Olivier Todd, le Comité invisible zadiste entre autres.

Il montre comment il faut « réhabiliter » un occident réel, où la démocratie n’est pas une idée abstraite, mais une pratique de lutte quotidienne, avec l’exemple de la naissance du café « bourgeois » au XVIIIe siècle, puis du bistrot « prolétaire » au XIXe. Pour  lui l’Europe est un rempart à recréer sans cesse contre la barbarie : cet occident existe concrètement, mais les mondes différents aussi : ceux-ci furent une énigme pour les penseurs des Lumières, puis du Socialisme, pour qui le progrès va de soi, de façon linéaire : qu’est-ce alors que le « despotisme oriental », qui recouvre le « mode de production asiatique », dans des mondes où les conflits ne se dynamisent pas, tout comme dans le monde russe devenu soviétique ? Les mondes réels, « autres » que l’occident, ne sont pris au sérieux que par peu de penseurs, comme Maxime Rodinson, puis Huntington, qui pensent l’islam autrement que comme théâtre d’ombre abstrait. Le militantisme est un mode politique spécifique d’un certain occident, dans lequel Birnbaum stigmatise un certain « progressisme » qui dénonce le fait que « nous autres » démocrates, nous « ne faisons pas mieux » que les totalitarismes, dont les djihadisme. Il prône un « nous européens », pour lequel il donne comme exemple qu’il y a plus de traductions vers le grec (moderne) que vers l’arabe, pour une population infiniment moins nombreuse en Grèce. Il cite le livre de Maurice Merleau Ponty Sens et non sens(1948), qui rappelle comment les Français des années 1930 ignoraient que de vivre en démocratie était un privilège exceptionnel.

Le livre se clôt sur le récit d’un colloque à Alger, consacré à Derida en 2006, où certains organisateurs tentent de faire de celui-ci un « progressiste » persécuté par les sionistes…

Nous avions aimé tout autant le livre précédent de Birnbaum http://alger-mexico-tunis.fr/?p=1377

Et antérieurement http://alger-mexico-tunis.fr/?p=735

Claude Bataillon