Les méditerranéennes, Emmanuel Ruben, roman, Stock, 2022, 412 p.

Récit où la verve de l’auteur permet de rire et de pleurer avec une famille de juifs de Constantine, racontée et inventée sur quelque deux siècles. Il nous emmène aussi à Guelma, sur les ponts du Canal Saint Martin à Paris, ou dans la banlieue lyonnaise et les bords de la Loire. Il s’appuie sur quelques écrivains que nous aimons déjà pour comprendre comment la plus puissante communauté juive d’Algérie a vécu la colonisation française, la cohabitation avec le monde urbain traditionnel le plus dense d’Algérie, puis la dispersion. Des berbères, des héritiers des diasporas de toute la Méditerranée ? Chacun revendique et recompose le passé des siens sur sept générations, dont il nous donne l’arbre généalogique.

Ruben a un sens aigu de la description des lieux, du dialogue saisi au vol ou inventé, en composant une galerie de femmes chaleureuse et véhémentes. Son style, rythmée d’alexandrins, tire le lecteur en avant.

Parmi tant de héros femmes dans ce roman, une figure masculine attirante : celle du militant communiste pied-noir qui disparaît en 1957, quand il perçoit que son combat politique n’a plus d’espoir. Et cet homme est le mari de Reine, la chef de tribu que le narrateur met en scène avec tendresse, aussi bien elle que sa descendance. Le festival de l’exode de 1962 est particulièrement étourdissant dans sa description.

Emmanuel Ruben est déjà connu pour plusieurs romans. Celui dont nous parlons ici est clairement une autobiographie familiale. Écrivain du monde, il a reçu le prix du roman historique aux Rendez-vous de l’histoire à Blois de 2022 pour cette saga.