Animation Georges Morin

Invités :

Abdellah Taïa, écrivain

Malek (Belarbi) chanteur et fils de l’éditrice

Zakya Daoud Journaliste et écrivaine

Ismaël Amiar-Belabi : Petit-fils de l’éditrice

Marie-Louise Belarbi est la fondatrice de la librairie « Le carrefour des livres » à Casablanca et de « Tarik éditions ».

G M: MLB était une femme remarquable, chaleureuse, ouverte aux autres. Elle était libraire à Casablanca.

Elle était venue me voir à Paris et j’ai gardé le souvenir d’une très agréable rencontre. Plus tard je l’ai mieux connue et j’ai rencontré ses enfants et ses proches. Nous éions tous deux très liés à Rachid Mimouni.

Quand l’écrivain avait dû fuir suite à une menace claire des barbus faite à son fils Sélim alors âgé& de 8 ans, il avait refusé de se rendre en France car il ne voulait pas leur donner satisfaction. Il s’est donc réfugié, en famille, à Tanger. C’est à cette époqu que je le mets en contact avec Marie-Louise.

Et c’est Rachid, appuyé par Marie-Louise qui a initié le Maghreb des livres. Il m’a proposé de conjuguer le Maghreb de là-bas avec le Maghreb de France. Paris étant la quatrièe capitale du Maghreb !

Le premier Maghreb des livres a eu lieu en 1994, dans les locaux du CNL (Centre National du Livre). Il a duré quatre heures. C’est lors de cette manifestation littéraire que Rachid m’ présenté Mohamed Choukri.

Ensuite Marie-Louise a émis le voeu de faire venir Plantu à Casablanca. Je l’ai donc contacté par l’intermédiaire de Slim et de Guy Bedos avec lesquels nous nous sommes rendus à Casablanca. On a donc organisé une soirée spéciale avec eux et elle a eu un immense succès

Georges présente alors Abdellah Taïa qui est à sa gauche comme un jeune auteur timide…

Abdellah: Timide moi, ce n’est pas ainsi que je me vois. Quand je suis arrivé la première fois à Paris je me prenais pour un « lion ».J’ai rencontré Marie-Louise en 1997, je venais de terminer mon premier roman « Mon Maroc ».

A l’époque j’étais étudiant à Rabat et j’habitais avec ma famille à Salè. C’est grâce à ma mère que j’ai pu poursuivre mes études car elle a toujours réussi à trouver les 6 dirhams qui me permettaient de prendre le bus. C’est souvent après qu’ils aient disparu que l’on se rend compte de ce qu’ils ont fait pour vous. Ma mère est morte en 2010.J’allais aussi suivre des cours dans un autre établissement, ce qui signifiait prendre un autre bus et doubler les 6 dirhams en 12.

Un jour, par curiosité, je suis allé assister à un cours du « très beau » Pierre Michovski à l’hôtel Balima. Après le cours le professeur a proposé que l’on aille boire un verre tous ensemble mais je me suis retrouvé seul avec lui. Je profitais d’un beau moment partagé sur la plage quand Pierre a aperçu une connaissance. C’est ainsi que j’ai connu Marie-Louise qui a retenu toute mon attention.

Plus tard, j’ai emmené Pierre à Salé et nous y avons rencontré Marie-Louise, c’est sur les conseils de Pierre qu’elle éditera mon roman « Mon Maroc ». Elle a dû comprendre la complexité de ma personnalité.

Face à moi elle était lente, apaisante et il n’y avait aucune gène entre nous. Elle a édité mes livres, ce qui pour moi est important en tant qu’homosexuel au Maroc. La situation là-bas est compliquée pour les LGBTQ

Malek: Nous avons subi un deuil empêché à cause du Covid, cela fait déjà deux ans que MLB a disparu. (tourné vers Abdellah) : Je me souvins que ma mère m’a un jour tendu votre livre et m’en a conseillé la lecture. Elle le trouvait important.

En tant que fils, je me souvins qu’elle a toujours eu confiance en moi, nous n’avons jamais eu le moindre conflit. On a beaucoup ri ensemble. Elle était douée pour le mime et l’imitation d’accents. Elle était douée pour bâtir des ponts entre les gens et les générations.

ZAKYA D: « Je l’appelais « ma petite Marie », nous avons connu des décennies d’amitié. Je ne la pleure pas car pour moi elle est toujours vivante parmi nous.

Lorsqu’elle était attachée de presse chez Juillard, à la librairie du Centre Culturel, le lieu était très fréquenté, notamment par des femmes. On les appelait « les chèvres ».

Elle était tout à la fois, libraire, éditrice, auteure, et avait des idées innovantes, une facilité de communication remarquable.Elle avait un certain courage, elle fut la première à éditer une BD sur la torture.Elle a également participé à « La caravane du livre » et a laissé un club de fans derrière elle.

Ismaël A.B : (texte lu) Comme l’a annoncé Malek avant moi, la mort de ma grand-mère en plein épidémie nous a privés du deuil.

C’était la meilleure des grand-mères qu’on puisse désirer. Elle m’a transmis le goût de la lecture, de la langue française mais aussi le goût des bonnes choses (un peu prématurément pour certaines comme le pastis ou le vin!). Bien que d’origine catholique elle avait tout d’une « grand-mère juive ».

Elle m’a offert son regard sur le monde, c’était une grande fan de Mitterrand qu’elle surnommait « mon Mimi ». On s’est même demandé s’il n’y avait pas là comme la nostalgie d’une conquête!

Elle avait 71 ans quand elle a fondé Tarik éditions. Elle a publié des récits de prisonniers comme « On affame bien les rats » d’Abdelkaziz Mouride sur la prison de Kenitra ou encore « Tazmamart 10 » de Marzouki sur le bagne.Elle a même écrit un livre paru chez Zelig « Lignes brisées ».En 1953, frappée par les premières lignes du roman de Françoise Sagan « Bonjour tristesse », elle décide de le publier.Elle a été également professeur de français.

Sur sa tombe on peut lire la fameuse phrase d’Aragon « Le temps de vivre, il est déjà trop tard ».

L’hommage se termine par trois chansons D Malek accompagné de sa guitare. Dont l’une que sa mère affectionnait particulièrement.

(Monique Chaïbi)