Ce livre a reçu le Grand prix des rencontres de Blois 2022.

(sur une liste de 18 ouvrages pré-sélectionnés)

Voir la conférence à Montpellier sur les réfugiés algériens et l’année 1962 https://www.youtube.com/watch?v=GGqA5BF49yo

Voir l’entrevue de l’auteur sur le site de la revue L’Histoire https://www.lhistoire.fr/prix-blois-2022-entretien/malika-rahal-grand-prix-de-blois

Voir aussi une entrevue de 30 minutes par la revue Orient XXI en video du 18 mars 2022 https://orientxxi.info/magazine/malika-rahal-ce-passe-algerien-qui-hante-la-france,5456

Présentation à Terra Nova, Toulouse, le vendredi 8 avril 2022 à 19h.

Pour ceux qui n’ont pas pu assister à la séance du 1er Avril…

Présentation à Ombre Blanche, Toulouse, le vendredi 1er avril 2022 à 18h.

En introduction de l’article ci-dessous, publié dès la lecture du livre de Malika, voici les réactions à sa présentation du 1er avril. Elle accepte volontiers  de centrer cette année 1962 sur l’indétermination que vit la société algérienne et elle évoque tout ce qui touche aux retrouvailles de ceux qui ont vécu la guerre de manières différentes: d’abord énumérer les morts, les gens dont on n’a pas de traces, mais aussi comprendre ce qu’a été le vécu des maquisards, des « regroupés », des exilés dans les deux ex-protectorats voisins, comme « militaires » ou comme civils. Mais aussi les militants en France appartenant au MNA (messalistes) devenus « étrangers » inassimilables dans leur pays. Elle détaille comment les plus de 150 témoignages qu’elle a pu regrouper sont des documents hétérogènes: textes rédigés à des époques différentes, femmes parlant à bas mots et en restant au second plan ou hommes construisant l’affirmation de leur rôle dans le récit national. Malika répond sans détours aux interrogations difficiles (rôle de Ramdane dans la création d’un compromis politique nationaliste en 1956, nouvelles fractures en 1963 en particulier en Kabylie). Pour les « militants » toulousains que nous sommes, cette rencontre  organisée par Ombre Blanche est l’occasion de montrer que la cohésion de plusieurs association est possible pour réunir un public qui rempli la salle et réagit vivement: Amis d’Averroes, Coup de soleil, 4ACG, Pieds noirs progressistes…

Tout comme il y a dix ans, nous pouvons voir monter en ce début de 2022 les occasions de commémoration de la fin de la guerre d’Algérie,. Qui se souvient qu’alors Coup de soleil avait lancé un appel à ses militants comme à ses amis écrivains pour qu’ils décrivent « leur année 1962 » ? Les archives de l’association conservent surement ces textes restés inédits…

Pour moi 1962 fut l’année où j’ai « tourné la page » du Maghreb pour quarante ans d’Amérique Latine. http://alger-mexico-tunis.fr/?p=613 Mais je restais attentif, sachant que des parents et des amis proches restaient profondément « algériens ». Il m’a fallu attendre 2007 pour voir de près un petit groupe d’amoureux du Sahara pour qui la continuité de l’année 1962 avait prévalu sur la coupure : http://alger-mexico-tunis.fr/?p=3019 la majorité de ces instituteurs « francaoui » ont repris à l’automne leurs postes dans les écoles des villages du Souf, El Oued, Guémar, Kouinine et tout autour, devenant les années suivantes enseignants en collèges, ou formateurs et inspecteurs des nouveaux instituteurs « arabes » qui amplifiaient une scolarisation développée dans les années 1950 par la France « coloniale ».

pour retrouver la rue Edith Clavell

Voici pourquoi le livre de Malika Rahal, Algérie 1962, une histoire populaire, m’a particulièrement ému. Malika est née en 1974 à Toulouse. Elle reste très discrète sur sa biographie, mais elle nous parle de sa maison d’Alger, rue Edith Clavell, près du Parc de Galland, où semble vivre sa tante. Elle a aussi un oncle (par alliance ?), chilien arrivé en Algérie en 1980, après un passage par l’URSS : sans doute un réfugié échappé au coup d’état de Pinochet de 1973 ? Et qui est pour elle ce témoin de son enquête historique (parmi les quelques 120 témoins citées dans son livre, voir la liste p. 421-435) : Mansour Rahal, sans doute né vers 1939, « lycéen au Maroc, puis combattant du FLN dans les Aurès », qui publie ses mémoires en 2000 à compte d’auteur à Alger ? Nous savons par ailleurs que Malika est chercheur au CNRS en histoire… et depuis peu directrice de l’Institut d’histoire du temps présent. Réjouissons-nous que les éditions La découverte (ex-Maspéro) publient son livre, un an après celui de Raphaëlle Branche, Papa, qu’as-tu fait en Algérie ? https://coupdesoleilsud.fr/2020/11/12/raphaelle-branche-papa-quas-tu-fait-en-algerie/

Malika parle de son livre dans un vidéo d’une heure. https://www.youtube.com/watch?time_continue=3569&v=WLs4_mNQ12I&feature=emb_logo  Elle y résume des choses essentielles : que  l’année 1962 est coupée par trois événements (cessez-le feu de mars, indépendance de juillet, mise en place des institutions de septembre), mais qu’une révolution secoue l’Algérie dès décembre 1960 (voir à ce sujet Mathieu Rigouste https://coupdesoleilsud.fr/2020/11/26/algerie-11-decembre-1960-naissance-dun-pays-independant/ et jusqu’au coup d’état de Boumedienne de 1965. Que cette révolution est consubstantielle du vide énorme créé par le départ massif des pieds-noirs. Que ce départ est intimement lié à la puissance de l’OAS, dont nul  ne savait avant la fin de 1962 s’il était capable de prolonger la guerre, tant en Algérie qu’en France. Que 1962 est un temps d’indétermination et que cette indétermination morcelle l’espace algérien à toutes les échelles, jusqu’à l’intime des quartiers urbains. Que ce temps incertain permet de supposer qu’il y a « un seul héros, le peuple ».

Parmi les 22 chapitres de ce livre, deux m’ont particulièrement passionné : celui sur le monde rural des fermes coloniales qui se désagrègent et celui sur les camps de regroupement, face visible du sort des paysans chassés des immenses zones de guerre interdites par l’armée française. Le livre décrit aussi les énormes mouvements de population de cette année 1962 : une dizaine de milliers de maquisards quittent leurs refuges, quelque 25 000 jeunes hommes des deux armées de Tunisie et du Maroc rentrent en Algérie, près de 300 000 réfugiés dans ces deux pays rentrent aussi, plus de 600 000 pieds noirs s’expatrient vers la France, près 3 millions de « déplacés » par l’armée française  retrouvent la liberté, mais pour aller ou ? Si par rapport aux années 1940 l’afflux vers les villes a été particulièrement massif pendant la guerre, la fin de celle-ci en 1962 n’a fait que l’accentuer.

La grande originalité de cette « histoire populaire », c’est qu’elle rassemble en un même récit la vie quotidienne de tout un peuple qui prend corps à ce moment. Le site web des 4ACG reprend l’analyse de ce livre publiée par La Croixen janvier 2022 http://www.4acg.org/Algerie-1962-de-Malika-Rahal-le-temps-de-l-effervescence

Autre video de Malika Rahal (sur le hirak) https://www.youtube.com/watch?v=An_09vtO7h42019, Mediapart

Claude Bataillon