C’est pour l’anniversaire des 77 ans de sa naissance que la Mairie de Toulouse a offert une place à Idir, au cœur de la ville : le 26 octobre 2022.

250 personnes sur le Boulevard de Strasbourg. Tous Kabyles ? Non, tout un mélange de femmes et d’hommes, vieux et jeunes convoqués pour une fraternité, beaucoup capables de reprendre en choeur une chanson en kabyle. Des femmes ont revêtu bijoux anciens et robes « typiques ». Au milieu des applaudissements claquent leurs « youyou ». Quelques hommes s’enveloppent de « drapeaux », deux ou trois brandissent des slogans politiques. Discours de la maire de quartier, d’une petite nièce du chanteur, du maire de Toulouse. Présence du consul d’Algérie. Pour nous autres à Coup de soleil, nous sommes une bonne demi-douzaine : Claude, Georges, Hacina, Isabelle, Laura, Marc, Soraya surtout qui nous a alertés et grâce à qui nous étions là. On en parle par téléphone avec Micheline, qui est hors de Toulouse, mais se souvient que c’est un poème de Idir que Michel dédiait au mariage de sa propre fille.

Que retenir des discours ? Il semble que Toulouse soit la première ville à offrir une « place » (c’est à dire une plaque…) à Idir. Que Idir affirmait son appartenance à une civilisation « berbère » en l’intégrant dans un monde fraternel dont l’humanité est universelle.

 

Yasmina Khadra se souvenait de Idir en 2020:

Idir nous a quittés. Il s’en est allé sur la pointe des pieds pour ne déranger personne. Il s’est éteint comme un chant d’été à la fin de la colonie, comme se taisent les légendes en Algérie, son pays, son angoisse, son inconsolable litanie. Idir n’a fait que quitter un exil de transition pour un exil définitif puisqu’il a été contraint de quitter sa terre natale pour aller chercher ailleurs l’écho de sa voix, tel un troubadour errant en quête de sa voie.

Ecoutez chanter pour Idir:

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Il va beaucoup manquer à nos joies si chahutées de nos jours par nos peines et nos désillusions, mais son absence sera pour nous, Algériens, et pour ses fans de partout, un grand moment de recueillement. Quant à son silence de mortel, ce n’est que politesse afin que retentisse l’hymne de toutes les résiliences, des montagnes de Kabylie jusqu’aux confins de l’Atakor, et du vertigineux Tassili aux plages de Ben M’hidi.

J’ai rencontré Idir trois petites fois.

La première, à Chenoua-plage vers la fin des années 1960. La deuxième, au CCA à Paris que je dirigeais, lorsqu’il avait accepté d’animer bénévolement deux soirées d’affilée tant la demande était immense et la salle si minuscule pour un artiste de son envergure. La troisième, lors d’un concert auquel il nous avait conviés, mon épouse, mes enfants et moi, à Vitrolles, une ville de Provence.

Mais mon meilleur souvenir a eu lieu en Inde, à un festival du livre, il y a une dizaine d’année. Un riche lecteur avait offert une soirée en mon honneur. Il avait une surprise pour moi. Lors du dîner, une troupe de danseuses en sari flamboyant nous a gratifiés d’un superbe ballet tandis qu’une chorale chantait Ava Inouva…. en hindi. Ce fut une très belle surprise.

Repose en paix, Idir. Et dors bien. Nous continuerons tes rêves en écoutant les chansons que tu nous as léguées en guise de patrimoine.

 

Laura Mouzaia nous chante Idir:

AMACHAO !

Si Idir nous était conté ce sont les portes de » vava I Nouva et assendu »  qui sont les premières fondations de ce temple  culturel où derrière le métier à tisser,  les fils de laine, vont, viennent, selon la force et l’inspiration du souffle  de celle qui habite axxam (la maison).

L’homme de la cité a osé  «  tagrawla » la  révolution.

A Tulawin L’humaniste a chanté la femme, la mère (A yemma), la sœur, (weltma ), la fille (lettre à ma fille).

Amachao ! Hamed Cheriet a transcendé Idir (Vivre)  qui a pris le chemin d’Adrar (la montagne)   pour boire à la source, filtrer l’eau entre ses doigts ; puiser tous les bruissements, les parfums,  tous les échos de cette culture chantante et longtemps, niée, oubliée.

Il se destinait à la géologie, sans s’en rendre compte la géologie ne l’a jamais quittée. Tel un laboureur il a fait  ressurgir toute la magie de cette poésie longtemps enfouie.

Il a chanté l’exil, la souffrance, l’espoir, la condition humaine, le parfum de sa terre et de ses oliviers. Mais il a chanté dans Sa langue le kabyle, que certains veulent enterrrer.

Si la main de  lmut(la mort)  toujours trop hâtive, trop brusque  a scellé tes paupières, jugulé ta voix ;  ta poésie  telle une pluie  de firmaments s’est incrustée dans le cœur de l’Humanité.

Idir  a surtout ressuscité la Voix qu’on a voulu tuer à coup de crayons conformistes  dans un monde déshumanisé.

Idir c’est ce  souffle qui  voyage de montagne en montagne et ne s’éteint pas.

Idir l’éternel  nous chanterons longtemps encore ton nom !

Idir Merci !