Editorial

Qu’est-ce que la fin de l’année ? C’est de toute évidence le moment de penser, sans plus attendre, à ce que sera la suivante, de quoi elle sera faite, c’est-à-dire, s’agissant de la Lettre de Coup de soleil, quelles lectures et quels spectacles elle nous fera connaître : pour le Nouvel An, n’est-ce pas le plus précieux des cadeaux ?
Coup de soleil prépare depuis longtemps déjà une opération groupée autour de la judéité maghrébine, ce qui se manifeste ici par la présentation de deux récits,  « L’enfant qui se taisait » de Marie-Claude Akiba Egry et « L’enfant de l’entre-deux » par Marc Sadoun  ; et aussi d’un essai, consacré par Francine Kahn, aux juifs du nord du Maroc, « La demeure et l’exil ».
Côté cinéma nous vous proposons d’enrichir cette thématique grâce au récent film de Gad El Maleh, « Reste un peu », qui connaît un grand succès.
Côté théâtre, nous avons la chance que le metteur en scène lui-même, Dominique Lurcel, nous aide à apprécier le spectacle qu’il a consacré au « Journal » de Mouloud Feraoun, assassiné avec d’autres aux derniers jours de la Guerre d’Algérie. Pour ceux qui ne l’auraient pas encore fait, il y a peut-être encore une petite chance d’y assister.
Même Le Progrès, journal attitré des Lyonnais, a eu l’idée de leur faire un cadeau de fin d’année : un livre riche de très nombreuses photos et documents d’archives, consacré aux rapports nombreux et variés entre la ville de Lyon et l’Algérie, avant, pendant et après la guerre d’indépendance de celle-ci.
Mais s’il est un cadeau qui sera particulièrement apprécié, c’est celui que nous fait Michel Wilson en présentant la célèbre BD de Riad Sattouf, « L’Arabe du futur » ! Que commence la nouvelle année…
Denise Brahimi

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« L’ENFANT QUI SE TAISAIT »  par Marie-Claude Akiba Egry, récit, Gallimard 2021

L’enfant du titre n’est autre que l’autrice elle-même, qui a perdu son père alors qu’elle était petite fille dans des circonstances particulièrement effroyables : aux tout derniers jours de la Guerre d’Algérie, juste avant l’indépendance , il a disparu soudainement enlevé par un commando dont on comprendra très vite qu’il l’a assassiné avant de jeter son corps dans un puits —peut-être, ceci n’ayant jamais pu être prouvé.
Cette scène terrible se passe à proximité d’un lieu où l’autrice enfant vivait alors avec ses parents. Il s’agit d’un village du Titteri, dans la steppe algérienne aux confins du désert, région de hauts plateaux où circulent des bergers arabes. La narratrice, qui est à la fois l’enfant de 1962 et l’écrivaine qui se remémore les faits après plusieurs décennies insiste sur le fait que cette famille juive était particulièrement bien intégrée au reste de la population et ne manquait pas de points communs, culturellement, avec les Arabes. Tous les gens du village où s’est passé le drame de l’enlèvement ont dit qu’ils n’y étaient pour rien. En fait, bien que la vérité n’arrive jamais à se faire complétement, on découvre assez vite que le crime a été commis par des hommes appartenant plus ou moins clairement au FLN, le groupe en train de prendre le pouvoir et se croyant tout permis, d’autant plus que les indépendantistes du village ont toujours été des Messalistes, groupe rival que le FLN a voulu combattre jusqu’à sa complète extermination.
Sur les faits historiques qui entourent le drame familial, on n’a d’autre point de vue que celui de la narratrice, mais on voit bien qu’elle a voulu étayer son récit sur des informations recueillies après coup, d’ailleurs corroborées par nombre d’autres témoignages sur cette époque particulièrement troublée et dangereuse pour beaucoup de gens. Faute de pouvoir parler de son père autrement qu’à travers les souvenirs vagues, en partie rêvés et fantasmés par une petite enfant, la narratrice consacre la plus grande partie de son récit à la figure de la mère et nous la montre comme une femme particulièrement impressionnante du fait de son incroyable acharnement et obstination à vouloir reconnaître et faire reconnaître toute la vérité sur la mort de son mari. Il paraît impossible qu’elle n’ait pas cru à sa mort alors que toutes les sources officielles les plus fiables lui ont assuré le fait comme indubitable. Cependant, cette femme étonnante, pendant des mois, n’a pas cessé de réclamer le corps du disparu, seule preuve après laquelle on pourrait envisager la fin de l’enquête mais certainement pas auparavant. La narratrice elle-même a vu vivre sa mère à cette époque du fait qu’elle la suivait physiquement accrochée à elle dans tous les lieux où elle menait sa recherche jour après jour inlassablement. Et pourtant lorsqu’elle découvre les dossiers d’archives concernant la mort de son père, c’est-à-dire une vingtaine d’années plus tard, elle reste stupéfaite par le nombre incroyable de lettres envoyées par sa mère à toutes les instances imaginables pour répéter sa demande, on pourrait même dire sa supplique et réclamer les restes physiques de son mari, qu’elle considère comme son dû.
Le récit dit la stupéfaction de son auteure, il ne s’engage pourtant que très peu dans l’explication du comportement maternel, sans doute parce que lorsque la quête a finalement cessé on n’en a plus parlé dans la famille. Et d’ailleurs la narratrice veut aussi restituer ce qu’étaient ses ignorances d’enfant, ou plus généralement ce qu’a été cette enfance si particulière et si étrange qu’elle a vécue. Pour le lecteur, elle parvient en effet à suggérer les bouleversements délirants des premiers temps ou de la première année de l’indépendance, pour tous ceux qui voyaient littéralement s’effondrer et disparaître ce qui avait été leur vie auparavant. Ainsi peut s’expliquer le besoin à la fois éperdu et opiniâtre de s’accrocher à une volonté devenue le seul élément stable d’une vie par ailleurs en pleine dérive. Si l’on était tenté de parler à propos de la mère d’une sorte de folie (obsessionnelle) il faudrait étendre ce concept de folie à la plupart des faits justifiant l’emploi du mot révolution pour dire l’état de l’Algérie à cette époque ; la narratrice en décrit d’ailleurs quelques aspects dans son livre. De manière assez remarquable elle n’accable personne , on est même étonné de l’accueil reçu par sa mère (et de ce qu’elle en sait par les dossiers d’archives) de la part des autorités qui auraient pu non sans raison avoir le sentiment qu’elle les harcelait : beaucoup ont essayé de l’aider et quand ils n’ont rien fait, c’est qu’il n’y avait rien à faire.
Marie-Claude Akiba Egry évite dans son livre deux écueils, le misérabilisme et le folkore. Ce n’est pas le sort de juifs qui excite sa commisération et même lorsqu’elle parle de sa famille, elle ne met jamais en avant cet aspect-là de leurs tribulations. Plus généralement elle ne gémit pas sur le sort des rapatriés à leur retour en France et sur l’accueil souvent très réservé qui leur a été fait. Et pourtant elle ne joue pas pour les rendre sympathiques sur un certain folklore qui en son temps a eu beaucoup de succès. De toute façon, ce n’est pas la question du retour qui l’intéresse. Il se trouve que dans son cas c’est le moment où il lui faut sortir de l’enfance et trouver le moyen de le faire le plus possible normalement, après une sorte de plongée dans l’anormalité. Mieux vaudrait sans doute utiliser le terme d’un auteur africain (Wole Soyinka) confronté à la même période et au même dérèglement : « une saison d’anomie » disait-il. C’est face à cela que « l’enfant qui se taisait est condamnée au silence, jusqu’à ce que l’écriture prenne le relais de la parole pour lui permettre de s’exprimer.
Denise Brahimi

« L’ENFANT DE L’ENTRE DEUX » par Marc Sadoun, éditions Bouquins/roman, 2022
Ce livre est sans doute un roman comportant une part de fiction mais il semble être principalement un récit autobiographique, écrit ou à peu près dans l’ordre chronologique des événements vécus par son auteur. Celui-ci dit avoir entrepris une psychanalyse à partir d’un certain moment de sa vie, cependant il n’en est guère question qu’à partir de la page 200 (sur 260 que le livre comporte) et de toute façon l’auteur explique qu’il s’est toujours adressé à son psychanalyste en langage courant  c’est-à-dire en se gardant bien de tout vocabulaire spécialisé :  c’est  aussi de cette façon qu’il agit dans son livre, sans recourir à des notions autres que celles auxquelles peut prétendre tout homme cultivé. Mais il est vrai qu’à partir d’un certain moment, son projet (mis à exécution) a été de devenir psychanalyse lui-même et que le lecteur si l’on peut dire en bénéficie : on trouve dans le livre une tendance constante à l’analyse  à la fois au sens le plus ordinaire du mot et à son sens  psychiatrique.
 L’auteur écrit à partir d’un certain nombre de questions qu’il n’a cessé de se poser et qui sont présentes en lui assez vite dans son enfance, c’est-à-dire dès la période algérienne de sa vie. Celle-ci commence en 1944, dans une Algérie dite française et qui le sera jusqu’en 1962, mais dès 1954 et avec une grande lucidité, le père du narrateur est convaincu que lui-même et toute sa famille devront affronter de grands changements, à commencer par le fait de quitter l’Algérie pour la France alors que d’emblée le narrateur nous a fait mesurer l’écart  qu’ il y a pour lui entre les deux modes de vie associés à ces deux pays. On a compris dès la première ligne du livre que l’auteur est juif, ce qui est la source principale (mais pas unique) du problème dont son titre fait état : être dans « l’entre-deux », pour un Juif vivant en Algérie dans ce temps-là, veut dire n’être ni français ni arabe, et l’ambiguïté de la situation elle-même est redoublée du fait que le narrateur la vit  tout à la fois sans la connaître mais en la connaissant implicitement. Ou bien encore pourrait-on dire qu’il la vit avec naturel mais sans doute avec une très vague conscience de son étrangeté.
On s’habitue à ce qu’on pourrait appeler la perception de l’entre-deux parce que c’est visiblement et constamment l’état (ou faut-il dire le lieu ?) dans lequel se meut le narrateur. Il en décline de nombreux aspects dont on devine, sans pouvoir toujours le préciser, qu’ils ont été déterminants dans l’histoire de sa vie. Peut-être le seront-ils moins dans une dernière étape qui suivra la fin de sa cure psychanalyse, mais le récit ne nous emmène pas jusqu’à cet au-delà. Il s’arrête en même temps que cette sorte d’inventaire  forcément angoissant des formes d’entre-deux dont on dirait qu’elles se multiplient à mesure que le narrateur s’emploie à les déplier—qu’il soit enfant, adolescent, jeune homme, puis homme d’une quarantaine d’années arrivé jusqu’à l’âge d’un premier  bilan.
Lorsqu’une forme d’entre-deux vient d’être décrite, on s’aperçoit souvent qu’on est loin d’en avoir fini avec elle parce qu’elle ouvre la voie non pas certes à son propre démenti mais plutôt à une variation inattendue. Par exemple, au cœur de la famille, l’entre-deux auquel le jeune garçon est confronté, et qu’on pourrait dire le plus énorme et le plus évident qui soit, vient de l’appartenance différente de ses deux parents : père juif et maghrébin, mère française, champenoise et catholique, ce n’est pas pour le couple lui-même que l’affaire est compliquée car tout indique qu’ils s’entendent bien, mais elle l’est forcément pour leur fils qui se voit proposer des modèles si différents, opposant le bleu blanc imberbe au hâlé basané poilu. Si la mère est l’incarnation d’une Française de souche, ce qui ne peut manquer de causer chez son fils une prédilection ou un attirance pour les blondes, son père présente avantageusement divers attributs de la virilité maghrébine  et les lui a légués.  Au risque du cliché, l’entre-deux semble ici bien en place, en toute dualité mais … justement pas, car le hasard et les circonstances amèneront le narrateur à découvrir que le père de sa mère n’était pas celui qu’on croyait et que ce père biologique, un nommé Vidal, était Juif lui aussi !
Il est certain que la notion d’entre-deux et cette réalité telle qu’il l’a vécue peut lui fournir des explications sur lui-même et sur la complexité de son identité. Cependant elle est sans doute moins rare qu’il ne veut en persuader lui-même et son lecteur. Le narrateur est bien trop malin pour l’ignorer même avant que la psychanalyse ne l’éclaire, c’est pourquoi il n’utilise que modérément le recours au double au moment où son personnage c’est-à-dire lui-même, est tiraillé entre deux femmes qui sont en effet bien différentes et qui de plus accentuent cette différence pour que la situation soit encore plus insoluble et tragique. Tout lecteur est capable de se dire qu’il n’est pas nécessaire de recourir à l’entre-deux  pour parler de la tendance à la bigamie ou de sa pratique, d’autant qu’assez vite, et sans explication, une troisième femme vient se substituer aux deux précédentes. Le psychanalyste a-t-il suggéré à son patient que l’entre-deux pouvait aussi  être une complaisance à soi-même, nous ne le saurons jamais, mais l’auteur qui est excellent dans l’art du portrait en général, fournit aussi un auto-portrait non dépourvu de dimension critique : même si le mot n’est pas prononcé, comment ne pas penser au personnage du salaud selon la définition qu’en donne Jean-Paul Sartre? La littérature a peut-être repris ses droits sur l’analyse ? En tout cas l’auteur a le mérite de ne pas s’apitoyer sur lui-même et de garder par rapport à son personnage une légère distance favorable à l’autoanalyse et à l’écriture.
Denise Brahimi

 

« LA DEMEURE ET L’EXIL », essai par Francine Kahn, Virgule éditions Tanger, 2022
C‘est le sous-titre de ce livre qui dit tout, car il est à la fois bref et précis : « Destins de juifs du nord du Maroc ». Le nord du Maroc désigne principalement Tanger et sa région mais il comprend également Tétouan, et l’auteure s’est autorisée à faire entendre aussi quelques juifs marocains provenant d’autres villes ou d’autres parties du Royaume. Certains des témoignages qu’elle cite ou utilise ont pu lui paraître éclairants pour son sujet, en dehors des limites géographiques qu’elle s’était données et qu’elle observe très majoritairement pour mener son enquête. Le but et les raisons en sont clairement définies, il s’agit de retrouver et de faire parler, où qu’ils habitent aujourd’hui, des représentants de ces communautés humaines que constituaient les  juifs du Maroc en tout cas jusqu’en 1956, cette date étant celle de l’indépendance du Maroc, auparavant protectorat français. Elle permet parfois de préciser certaines évolutions de manière saisissante, comme Francine Kahn le rappelle à la fin de son livre : « La communauté juive qui reste au Maroc aujourd’hui compte à peine 2400 juifs, la plupart regroupés à Casablanca, pour une population d’environ 300.000 personnes en 1953 ». Il y a de quoi parler comme elle le fait d’un monde englouti et l’on comprend qu’elle ait voulu, comme elle le fait, en recueillir les traces encore visibles et audibles pendant qu’il en est temps.
L’auteure a donc décidé de rencontrer une bonne vingtaine de survivants qui se sont prêtés très volontiers à sa demande, manifestement contents de pouvoir léguer à une personne sûre des souvenirs devenus souvent bien lointains. Mais comme il arrive avec la mémoire quand on la laisse vagabonder, le temps ne fait rien à l’affaire et elle se montre parfois très concrète, d’une étonnante précision. Que les témoins soient hommes ou femmes, ce sont souvent de souvenirs d’enfance qui leur reviennent à l’esprit et l’on entre grâce à eux dans le dédale extrêmement complexe des liens familiaux, fratries (généralement fort nombreuses) mariages successifs etc.
Francine Kahn tient le pari impliqué  dans son titre, on fait en effet connaissance, grâce aux dialogues qu’elle rapporte, avec des demeures,  et avec des exils divers et nombreux. Sans parler d’un sens plus religieux voire mystique, les demeures sont des maisons et des quartiers de villes dont les résidents étaient juifs (on trouve en note le vocabulaire pour le dire, assorti de ses définitions). A quoi il faut ajouter un point qui tient une place importante dans le livre et qui contribue à le rendre singulier et précieux : « La demeure, c’est aussi la langue ». On a en effet plusieurs fois l’occasion de se rendre compte que chaque groupe parfois minime se définissait par la langue qu’il parlait. Mieux vaudrait d’ailleurs dire les langues car ce qui est remarquable au fil des interviews est le nombre tout à fait important de langues que chacun des auditeurs a eu à sa disposition, parfois dès sa venue au monde, vu la complexité du milieu familial, ou parfois par le fait des exils successifs, qui ont allongé la liste des langues nécessaires à l’usage quotidien dans des pays à chaque fois nouveaux.
Pour s’en tenir  au plurilinguisme judéo-marocain, la personne qui n’est pas spécialisée dans ce domaine est amenée à découvrir le nombre important de ce que l’auteur appelle des « judéolangues », qui toutes ont été pratiquées à l’occasion par des juifs marocains : judéo-arabe avec ses nombreuses variantes, selon le dialecte arabe sur lequel il vient se modeler, judéo-espagnol qui a été quantitativement le plus important , judéo-portugais etc.
Mais le plus intéressant à nos yeux parce qu’il a une signification sociale qui le cantonne dans les classes inférieures, c’est ce dialecte ou langue purement parlée appelée « haketya » dont l’auteure nous donne un bel exemple dans une chanson sur laquelle s’achève le livre. Cette variété de judéo-espagnol est souvent, de la part de ceux qui s’expriment dans « La demeure et l’exil » l’objet de regrets émus, chacun ayant désormais compris que sa disparition fait partie des pertes inéluctables, et qu’il n’y a pas eu de transmission. On transporte plus facilement semble-t-il une recette de cuisine qu’un certain langage, et  si cette comparaison vient à l’esprit, c’est parce que le langage aussi a ou avait une saveur inimitable.
Cependant et pour en venir à l’autre sujet annoncé qui est l’exil, il semble, mais il faut évidemment avancer prudemment, que son évocation dans les témoignages ne donne pas lieu à un déferlement de tristesse et de nostalgie. Il est certain que les questions de l’enquêtrice pourraient faire basculer les réponses en ce sens, mais celles-ci sont plus souvent remplies par les aventures et pérégrinations de la personne qui parle et qui prend plaisir à les raconter ;  de plus ce ne sont pas seulement les siennes mais celles de toute la famille, ascendants, descendants etc., qui sont revécues avec profusion.
L’énumération des lieux qui ont accueilli les juifs marocains en exil est certes intéressante mais ne serait peut-être qu’un éparpillement si ne revenait le plus souvent, comme un fil directeur, la mention de l’Etat d’Israël, qui fait dans ces récits figure de refuge ultime et vraiment rassurant. Il est possible que beaucoup de juifs marocains y soient partis sous l’effet des circonstances plus que par un choix clair et volontairement affirmé, reste que  comme le dit Francine Kahn en guise de conclusion, ce qui frappe chez les juifs sépharades (et qui n’a pas d’équivalent dans le monde ashkenaze), c’est la « centralité » d’Israël : « Un mythe tenace. Il le demeure encore aujourd’hui pour les juifs restés à Tanger ou à Tétouan, après les départs massifs de sa population juive. Pour eux, Israël reste le pays de tous les accomplissements, y compris pour celles et ceux qui ne s’y rendront jamais. »
Un des constats très impressionnants qu’on peut  lire dans « La demeure et l’exil » est que « la diaspora juive représente aujourd’hui un million de personnes dans le monde ». A travers une poignée d’exemples, l’auteure leur donne la parole, et le résultat est troublant car de celle-ci on hésite à décider si elle vient d’un monde déjà mort ou encore vivant.
Denise Brahimi
« L’ARABE DU FUTUR  6, Une jeunesse au Moyen-Orient (1994-2011) » de Riad Sattouf, Allary éditions 2022
Les 5 précédents épisodes de se roman graphique autobiographique de Riad Sattouf ont été un succès de librairie. L’ultime album de cette série le sera aussi sans aucun doute, tant l’auteur est unanimement reconnu, et a su faire apprécier cette histoire attachante, sa propre histoire et celle de sa famille. L’objet central de notre Lettre étant le Maghreb et ses créations culturelles et artistiques, ces albums portant sur un récit à cheval entre la Syrie (et même un peu la Libye, au début) et la France n’ont pas a priori vocation à y figurer. Mais ne boudons pas en ce franchissement d’année le plaisir d’un pas de côté. Et puisque Ryad Sattouf a titré son opus « L’Arabe du futur » en mémoire de son père qui avait cette vision universaliste de l’entrée de l’homme arabe dans la modernité, cette histoire transcende les limites de la Syrie.
Cet album couvre la période de l’entrée dans l’âge d’homme de Riad, son entrée complexe mais finalement assez rapide dans le monde de la bande dessinée, la disparition de son père, et le début de la guerre civile en Syrie, avec l’accueil d’une partie de sa famille en France où elle est amenée à se réfugier.
L’auteur mêle dans son récit de l’autodérision, une part de provocation qui fait partie de son style depuis ses premiers succès, de l’humour, bien-sûr, mais tout cela recouvre un fond mélancolique, voire tragique, qui donne une vraie profondeur à son œuvre.
Pour donner quelques exemples, on aime les portraits attachants de ses divers grand parents bretons qu’il nous montre admiratifs de son travail (mais beaucoup plus critiques sur ses premiers vrais albums personnels), et dont il nous fait vivre le vieillissement et le décès, sa mère, inconsolable de la trahison de son mari reparti en Syrie en enlevant le plus jeune des trois frères, et qui est prête à tout pour récupérer son fils. Tout au long du livre, la présence imaginaire du père, représenté dans des bulles rouges au dessus de la tête de Riad avec un visage intangible de jeune homme, ponctue les différentes étapes de sa vie, le plus souvent de manière critique ou ironique. Il faut dire que celui qui fut un jeune homme révolté, un peu anarchiste quand il vivait en France avec sa femme, est devenu légitimiste et religieux en revenant en Syrie, et l’écart entre père et fils ne cesse de s’élargir, mais cette tutelle imaginaire semble peser sur les épaules du jeune homme. Il lui faut un parcours auprès d’une psychothérapeute Jungienne pour se libérer progressivement des conflits de loyauté qui pèsent sur lui depuis son adolescence. Les scènes auprès de la thérapeute sont à la fois drôles par le portrait qu’il en fait et pénétrantes par la prise de conscience qu’elles lui permettent de nous livrer. Cette sincérité est profondément touchante, et c’est une dimension remarquable de ce livre, plus encore que dans les précédents albums.
En même temps que se déroule cette thérapie, au début des années 2000 l’auteur connaît ses premiers grands succès. En bande dessinée d’abord. Puis après la fin de sa thérapie vient en 2010 le film « Les beaux gosses », couronné du César du meilleur premier film. C’est à ce moment qu’un parent syrien lui apprend que son père est mort 3 ans auparavant d’un cancer. On le contacte pour faire des démarches administratives permettant à son frère d’hériter des terres dont il était propriétaire. Comme le lui dit un de ses amis d’enfance qu’il rencontre à ce moment « Pour un psy, tu dois être le patient d’une vie, toi ! ». La réaction de sa mère à qui il apprend la nouvelle par téléphone est aussi illustrative de ce qu’il a vécu : « « J’espère qu’il a dérouillé ! Pardon, je sais que c’est ton père mais tu me comprends ».
Au moment du déclenchement de la guerre en Syrie, son frère, jeune dentiste, doit être mobilisé. Sattouf retrace en détail, de manière cocasse et pourtant dramatique les différentes démarches désespérantes qu’il entreprend pour le faire venir en France, avec la veuve de son père et ses demi-frère et sœur. Il y parvient enfin en usant des relations acquises grâce à son statut d’artiste.
Même leur arrivée à Roissy donne à l’auteur l’occasion de mêler l’émotion de ces retrouvailles à un comique de situation, leur avion venant de Dubaï étant aussi celui par lequel rentre l ‘équipe de France de rugby de retour de la coupe du monde. Marseillaises, acclamations du public, ce qui suscite chez Riad la réflexion « Jung y aurait vu une synchronicité ! ».
L’album se termine par le récit du rêve de Fadi, le frère revenu de Syrie : il croise son père dans un nuage, qui ne le reconnaît pas et poursuit son chemin, son Coran sous le bras. Ce qui vaut une superbe dernière image, sur les quais de la Seine, où cheminent les deux frères. « Si un jour j’écris un livre sur l’histoire de notre père et de notre famille, je trouve que ce rêve serait une bonne FIN »…
Et en effet, on ferme ce livre avec émotion et une grande reconnaissance à l’auteur qui nous a donné avec sincérité sur plusieurs années à partager ce parcours chaotique familial, fait d’exils, de ruptures, de haines  et de guerre, le tout vu à hauteur d’enfant, puis d’adolescent et d’homme, y mêlant un parcours d’apprentissage et d’initiation.
Le tout est soutenu par le style des dessins faussement naïfs de Riad Sattouf, et les multiples digressions (comme cette image d’un Dieu ressemblant fort à Georges Brassens qui répond « Mais de rien ! » à la réflexion de Riad « il ne s’était pas fait tuer Dieu merci ») ajoutent une distance souriante et une authentique richesse au récit au final assez dur qu’il nous livre. En témoigne notamment la couverture où l’on voit le père emmener son fils vers un précipice en lui montrant on ne sait quel point dans le ciel.
Six albums à lire ou relire ! Un beau cadeau pour les fêtes.
Michel Wilson
« JOURNAL DE MOULOUD FERRAOUN », mise en scène de Dominique Lurcel 
Le 5 décembre dernier, les mots de Mouloud Feraoun ont sonné à deux reprises dans la majestueuse salle du théâtre des Célestins, à Lyon, devant plus de huit cents spectateurs et spectatrices de tous âges. Comme un écho à la représentation donnée, dix ans plus tôt, à Paris, dans la grande salle pleine à craquer de l’Odéon- Théâtre de l’Europe. Entretemps, cette parole a pu être entendue un très grand nombre de fois (120 représentations en tout), tant en France qu’en Algérie (plusieurs tournées, Théâtre National d’Alger, Oran, Tlemcen, Annaba, Bejaia à plusieurs reprises, Tizi-Ouzou, et jusque sur la place du village de Mouloud Feraoun, Tizi-Hibel). Et partout la même émotion et, pour nous, la fierté d’aider à faire connaitre ce témoignage irremplaçable qu’est ce Journal, tenu régulièrement entre le 1er novembre 1955 et le 14 mars 1962, veille de l’assassinat, par l’OAS, de son auteur, le seul écrivain connu de sa génération à avoir passé toute sa vie parmi les siens, partageant les mêmes dangers qu’eux, refusant jusqu’au bout les propositions qui lui étaient faites de quitter l’Algérie.
« Irremplaçable, le Journal, d’abord parce qu’il dit, sans emphase, le quotidien de la guerre, vécue au niveau d’un village kabyle. Les exactions, la peur, de tous côtés, les petites lâchetés –ce que Primo Levi appelait « la zone grise » – et les actes de courage, la torture aussi, et les viols systématiques, dès 1956. La mort enfin, omniprésente, que Mouloud Feraoun sent se rapprocher inexorablement de lui.
Irremplaçable aussi parce qu’il montre, au jour le jour, l’évolution, dans sa complexité, loin de tout manichéisme, de la pensée d’un intellectuel déchiré, dans la richesse et la douleur de sa double culture, à la fois reconnaissant à la France de ce qu’elle lui a transmis comme valeurs humanistes, et en même temps conscient du mépris dont elle n’a cessé d’accabler « six millions de musulmans », et, partant, de la nécessité, devenue sans appel, de l’indépendance de son pays. Un constat lucide des erreurs de l’entreprise coloniale, et de l’échec de la présence française en Algérie.
Irremplaçable surtout, peut-être, parce qu’il révèle un homme magnifique, émouvant de modestie et de rigueur intellectuelle, un Juste cherchant jusqu’au bout à « raison garder », exigeant avec lui-même comme avec les autres, sans illusion, ironique, plein de vie : il y a, dans son Journal, énormément de « choses vues », de saynètes hautes en couleur, et qui en disent plus long sur les rapports humains dans le cadre d’une colonie que tous les grands discours.
Soixante ans plus tard, son Journal apparait comme la lente érection du tombeau de toutes les illusions : celle du discours « civilisateur », celle de l’impossible entente, celle d’un avenir réconcilié. Mais aussi comme une formidable leçon de courage intellectuel, un garde-fou pour aujourd’hui face à la toute-puissance de l’irrationnel, une parole irréductible à toutes les langues de bois d’où qu’elles viennent, dressée face à tous les silences, toutes les zones d’ombre qui pèsent encore » (1)
Que dire du spectacle lui-même ? Il s’agit d’une passation à deux voix : celle du comédien Samuel Churin, qui évolue sur un petit espace, une sorte de radeau supportant une table en bois brut et un fauteuil recouvert d’une couverture kabyle (seul signe visible d’appartenance) ; celle aussi de Marc Lauras, dont le violoncelle accompagne et ponctue les différents états de l’écrivain. Samuel Churin prend à sa charge environ 90% du texte, incarnant tour à tour la colère, le découragement, l’ironie de Feraoun, et construisant, page après page, le portrait contrasté d’un homme profondément émouvant. Mais on entend également la voix de Marc Lauras : texte en main, celui-ci lit les passages du Journal qui évoquent un évènement historiquement important (Février 56, détournement de l’avion des « chefs de la rébellion », Mai 1958, etc.). La simplicité affichée du dispositif aide à la concentration sur le jeu, ramène à l’essentiel : faire entendre la voix de Mouloud Feraoun.

En France, il s’agissait de la faire mieux connaitre. En Algérie, de contribuer à lui donner sa juste place, loin de certains reproches diffusés par les discours officiels. De fait,

Photo datée de 1957 de l’écrivain kabyle Mouloud Feraoun. Né en 1913 à Tizi Hibel, il sera directeur des Centres sociaux d’El Biar en 1960 fondés par Germaine Tillion. Ecrivain et humaniste, il est l’auteur entre autre du « Fils des Pauvres ». Il est assassiné par un commando de l’OAS en 1962. (Photo by STAFF / AFP)

l’adhésion de Feraoun à la cause de l’indépendance a été trop progressive et surtout trop nuancée pour lui permettre de figurer au premier rang des « héros de la libération ». Si Le Fils du pauvre, son œuvre la plus célèbre, figure en édition de poche dans « toutes les bonnes librairies d’Alger », son Journal, lui, sans être interdit, reste quasiment introuvable. Feraoun, homme irrécupérable, reste un gêneur pour le pouvoir en place depuis 1962.

C’est dans cette optique qu’il faut comprendre les lignes que le journaliste Arezki Metref, présent à l’Odéon, lors de la représentation du 13 février 2012, a confiées à son journal, Le Soir d’Algérie :
« Un événement !  A la hauteur de l’émotion qu’il suscita, quand le théâtre national de l’Odéon à Paris, celui-là même qui a révélé Samuel Beckett ou Jean Genet, lui ouvrit ses portes le 13 février dernier. Mouloud Feraoun.  Instituteur du bled, modeste, dont la plume trempée dans la sincérité, permet à sa lucidité d’exploser !  Comment ne pas être ébahi par les pages de son journal dont les notations quotidiennes, happées dans la tourmente de la guerre continuent à résonner de toute leur ampleur aujourd’hui ? Un document de haut vol, équivalent de « Grandeur et misère du IIIe Reich » de Bertolt Brecht. Universel.
  C’est ce dont témoigne le triomphe reçu à l’Odéon par « Le contraire de l’amour », pièce tirée du désormais célèbre journal de Feraoun, donnée par la compagnie « Les Passeurs de mémoire ».  Un tonnerre d’applaudissements à Samuel Churin, comédien,  qui par son interprétation, reconnaît et sert Feraoun comme un auteur universel, bien enraciné dans son terroir, ainsi qu’à Marc Lauras, violoncelliste, et à Dominique Lurcel, le metteur en scène.
  Mais le triomphe fait par les quelques 800 spectateurs offrant un standing ovation de plusieurs dizaines de minutes et les cinq rappels aux artistes, s’adresse d’abord aux écrits de Feraoun, à sa sensibilité et à son courage de tout dire, y compris ses doutes et son incrédulité, tout au long d’une guerre qui a ébranlé bien des certitudes historiques (…)

Dominique Lurcel
(c)Essaion

On reconnaît désormais, que les doutes de Feraoun étaient davantage puisés dans la lucidité sur les conditions de la lutte pour l’indépendance, que dans une foi patriotique supposée friable. Si Mouloud Feraoun a été le fruit de l’école française parce qu’il n’était pas possible de faire autrement à l’époque, si en tant qu’instituteur il a immanquablement baigné dans l’univers scolaire français avec ses auteurs et ses références, il n’a jamais pour autant été « assimilé ». Ni dans sa vie privée qui était celle d’un instituteur kabyle, kabyle avant d’être instituteur d’ailleurs, ni dans sa vie d’auteur. Quel « assimilé » aurait pu écrire « Le fils du pauvre », voyons !

 De toute son œuvre, cependant, la plus forte demeure celle qu’il n’avait pas envisagée comme un travail littéraire, mais seulement comme un témoignage.   Le journal palpitant d’un témoin sagace dont l’équidistance entre les exactions de l’armée française et certaines outrances du FLN, n’est pas du tout le signe d’une abdication patriotique, mais bien celui d’une modération qui dans l’excès d’aujourd’hui, perçoit la violence de demain.  On ne peut que reconnaître à Feraoun une vision anticipatrice, pour ne pas dire prophétique.
C’est tout simplement bouleversant d’entendre le verbe de Feraoun résonner à l’Odéon. On croirait qu’une justice immanente a levé la forme de sentence qui aurait pu faire sombrer son témoignage, déchirant, intelligent, dans les bas-fonds de l’oubli. Il faut savoir gré à ceux qui ont œuvré à cette résurrection (2) ». D.L.
(1) Extrait du dossier de presse du spectacle
(2) Arezki Metref, Le Soir d’Algérie, 26 février 2012

« RESTE UN PEU », film de Gad El Maleh avec Gad El Maleh, 2022

Le succès de ce film est dû pour une part aux questions qu’il pose, ce qui pourrait être thématique, lié au sujet original qui s’y trouve traité, mais qui est plus encore problématique, du fait que le réalisateur laisse les spectateurs aux prises avec une sorte d’énigme et se garde bien de les aider à la résoudre—ce qui tendrait à prouver que tout l’enjeu du film n’est pas de trouver  cette solution.
Le film aborde la question de la ou des religions : que signifie le fait d’appartenir à l’une d’elle et peut-on en changer ? Le héros Gad qui est né dans la religion juive découvre à l’âge de 50 ans (mais il le pressentait depuis longtemps) qu’il préférerait être catholique et qu’il souhaite se convertir au culte de la Vierge Marie   pour être en accord avec lui-même. Cependant une partie de ce « lui-même » est profondément marquée par son milieu familial qui est juif sépharade et pour lequel  le catholicisme est impensable,  frappé d’un insurmontable interdit. Gad ne peut rompre avec ses parents, il les aime et voudrait les convaincre, alors qu’il n’ose même pas leur avouer ce projet de conversion qu’il est pourtant venu leur dire, après des années passées aux Etats-Unis. Pour tous les siens autre que lui , la religion juive  est une appartenance communautaire, elle définit entièrement la vie de celui qui s’y trouve par naissance et ne peut aucunement mettre ce fait en question. En revanche, pour Gad, la religion n’est pas une appartenance obligatoire, elle est une question de foi et donc de choix personnel, ce qui implique une recherche en vue d’un engagement motivé. C’est un long chemin à parcourir et dont il n’ignore pas les difficultés, il a pourtant la conviction de vouloir s ‘y engager mais dans la mesure où il s’agit de vie intérieure, il ne peut s’appuyer sur des certitudes absolues, d’autant que les chrétiens dont il se sent proche, à la différence de sa famille juive, ne cherchent aucunement à l’influencer pour l’attirer à eux mais lui laissent au contraire son entière liberté de choix. Jusqu’à la fin du film, la question reste posée : va-t-il définitivement franchir le pas et se faire baptiser chrétien (au sens propre et premier du mot baptême, à l’image de ce que fut celui du Christ) ?
Cette situation est factuelle, pour autant elle n’est pas présentée simplement et ne peut pas l’être puisqu’elle l’est par Gad lui-même, qui ne perd jamais ses qualités essentielles, qui sont d’être à la fois acteur et humoriste. Le film rappelle à plusieurs reprises que cette histoire est racontée par Gad à un public, dans une petite salle de spectacle où tout le monde s’amuse et rit beaucoup, d’autant que Gad y ajoute des scènes, d’imitation notamment , du genre qui sont vraiment son talent propre et ont toujours fait son succès. Pour ce qui est de l’humour, il ne consiste pas seulement en blagues juives (appréciées dans le milieu familial ) et en autodérision de la part de Gad, qui est le premier à rire de ses tentatives parfois piteuses pour devenir chrétien ; on a en fait l’impression qu’il ne se départ jamais d’un humour qu’on pourrait dire existentiel, sorte de distance ironique même (ou surtout)  à l’égard  de ce qui vous touche au plus intime —et d’ailleurs c’est peut-être par cette qualité-là que le film de Gad El Maleh reste profondément juif alors même qu’il s’agit précisément de ses efforts pour ne plus l’être (mais comme lui explique très bien la rabbine Delphine Horvilleur, qui fait partie des acteurs du film, ces efforts -mêmes sont dérisoires ! ).

1-©-Laura-Gilli

Donc le réalisateur Gad El Maleh n’oublie jamais, surtout pas, qu’il est acteur et humoriste, et c’est à partir de là qu’il faut poser la question de la sincérité, cette énigme du film qui préoccupe beaucoup le public si l’on en juge par nombre de réactions et qui n’a aucune chance d’être résolue simplement par oui ou par non, puisque, comme il l’a expliqué lui-même, l’auteur du film lui-même n’a justement pas voulu qu’il se résume à cette question. Il rappelle très justement qu’on ne l’a pas posée pour ses autres personnages, « Chouchou »(2003) par exemple, ou « Coco »(2009),  où l’on comprend très bien qu’il s’agit d’un travail d’acteur. Dans « Reste un peu » il joue en tant qu’acteur le rôle d’un homme dont le trait principal est de vouloir être sincère avec lui-même, et l’on ne peut nier en effet que le personnage arrive à nous convaincre de sa sincérité ; nous subissons  notamment l’efficacité des gros plans qui nous mettent en contact direct avec son visage et ses yeux : leur émouvante transparence  semble supprimer toute possibilité de distance entre lui et nous.

Il ne faut pas nier cependant que cette impression de vérité peut être comme il arrive souvent un effet de l’art et même l’une des plus belles réussites de celui-ci. Ne soyons pas naïfs, et pas cyniques non plus. Gad El Maleh fait preuve dans ce film d’une remarquable habileté et finalement, comme on peut voir à la fin, il nous laisse face à son absence de choix : toujours tenté par la Vierge Marie mais reculant devant le caractère définitif du baptême (on dirait qu’il n’arrive pas à sentir celui-ci comme pleinement conforme à ses aspirations) ; quittant finalement une famille moins irréductible peut-être mais toujours aussi impropre à accepter une autre voie que la sienne ; partageant équitablement son humour entre les deux camps, car s’il est certain qu’il déplore la fermeture totale de la communauté sépharade à tout autre chose qu’elle-même, la communauté monastique dont il fait l’essai le met presque immédiatement en fuite et c’est un moment drôle du récit. A l’inverse, il trouve partout des gens merveilleux qui le comprennent, parce qu’ils sont bons et intelligents mais finalement, et c’est bien dommage, il constate que cela ne suffit pas à résoudre les problèmes, ses problèmes : ceux-là, chacun les garde pour soi et en fait ce qu’il peut, par exemple un excellent film, si on connaît le métier.
Denise Brahimi

 

Et toujours ces deux films sur la richesse de la vie associative algérienne que nous vous invitons à visionner.

Utiles
de Bahia Bencheikh-EL-Feggoun

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Entre nos mains

de Leila Saadna

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Et sa bande-annonce, cliquez ici

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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  • Du 11 au 18 janvier, nous accompagnons une tournée du film « Sous les figues » de Erige SEHIRI sur la région Auvergne Rhône-Alpes, en présence de la réalisatrice. Tournée organisée avec le GRAC et l’ACRIRA, une collaboration Maghreb des Films en Rhône-Alpes/Coup des Soleil en Auvergne-Rhône-Alpes
  • Mercredi 11 janvier à 19h au cinéma L’Opéra de Lyon film « Sous les figues » en présence de la réalisatrice
  • Jeudi 12 janvier à 20h au cinéma Le Méliès de Caluire et Cuire « Sous les figues »en présence de la réalisatrice
  •  Jeudi 13 janvier à 14h (scolaires) puis à 18h au cinéma Le Club de Nantua « Sous les figues »en présence de la réalisatrice
  •  Samedi 14 janvier à 20h au Cinéma Mon Ciné de Saint-Martin d’Hères « Sous les figues »en présence de la réalisatrice
  • Mercredi 18 janvier à 20h Salle Gérard Philippe à Vénissieux « Sous les figues »en présence de la réalisatrice
  • Vendredi 13 janvier à 18h puis 20h30 au cinéma associatif de Charlieu intervention après la projection des films Moudjahidates et Le coup de sirocco, coopération entre Au fil du temps, ANPNPA et Coup de Soleil AuRA
  • Jeudi 19 janvier à 19h, à l’IFCM de Lyon, projection du film « Gardien des mondes » de Leila Chaibi en présence de la réalisatrice
  • mercredi 1er février, à 19h au cinéma Opéra de Lyon projection du film « Reinette l’oranaise, le port des amours » de Jacqueline Gozland, en présence de la réalisatrice
  • Jeudi 2 février, à l’Hôtel de Ville de Lyon 10h/18h « Juifs d’Algérie, une mémoire qui (en)chante », histoire, mémoires, témoignages, extraits de films, gastronomie… 

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