Abdellah Taïa est un écrivain et réalisateur marocain né à Salé en 1973, qui vit à Paris. Depuis 1999, il a publié plusieurs romans et nouvelles ; il a également réalisé un long métrage,L’Armée du Salut (2014). Il a été l’un des premiers écrivains marocains à affirmer publiquement son homosexualité.

Vivre à ta lumièreest un roman que l’auteur dédie à sa mère, avec ces mots : « Ce livre vient entièrement de toi. Son héroïne, Malika, parle et crie avec ta voix »

Il raconte l’histoire d’une femme, de 1954 à 1999, en trois épisodes autour de trois lieux :

  1. Béni Mellal : sa rencontre avec Allal, leur amour et leur mariage, puis la mort d’Allal, soldat, en Indochine, deux ans après.
  2. Rabat, après l’indépendance : remariée et mère de famille nombreuse, elle affronte une Française qui veut lui prendre sa fille en l’embauchant comme bonne.
  3. Salé : vieille et seule, elle résiste à un jeune voleur homosexuel entré chez elle pour la tuer.

C’est l’histoire d’une femme puissante et dure jusqu’à avoir fait le vide autour d’elle à la fin de sa vie. Elle croise l’homosexualité chez son époux d’abord, chez l’un de ses fils ensuite. L’auteur fait d’elle un portrait fouillé et contrasté, loin de l’hagiographie.

J’ai lu ce roman avec beaucoup d’intérêt, conquise par ce personnage qui se bat, fût-ce en sacrifiant ceux qu’elle entend défendre ; admirable, elle n’est pas forcément sympathique.

Le roman est écrit sous forme de monologue, installant le lecteur dans la tête de Malika : cela fonctionne très bien dans les deux premières parties mais j’ai trouvé que le procédé virait à la logorrhée dans la dernière partie, où le flot de parole devient une très longue joute verbale entre Malika et son agresseur.

Malgré cette réserve sur l’écriture de la troisième partie, je pense que ce roman est important, en raison de l’originalité de son propos et de son écriture.

(Catherine Giffard)

De ce demi-siècle marocain, je retiens une clé pour comprendre ce pays: son passé colonial français a été très court et on pourrait croire qu’il a à peine effleuré cette société. Mais cependant l’osmose coloniale est omniprésente, dans de nombreux symboles: celui de Mehdi Ben Barka, héros assassiné en France, don le corps n’a jamais été retrouvé; celui de la mort du roi Hassan II, despote sans pitié certes, mais élevé dans la culture française, comme toute une classe dirigeante qui nous renvoie au second roman de Leïla Slimani, Regardez-nous danser https://coupdesoleil.net/evenements/regardez-nous-danser-leila-slimani-chroniqueuse-du-maroc/  (Claude Bataillon)

L’auteur a été plusieurs fois invité au MODEL/ Maghreb des livres: en 2019 https://coupdesoleil.net/evenements/abdellah-taia-sentretient-avec-francesca-isidori-au-model-2019/

Ainsi que: https://coupdesoleil.net/evenements/abdellah-taia-la-vie-lente-recit-2019/